A la Moldue - Chapitre 32 : La relève
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A la Moldue - Chapitre 32 : La relève
Hedwige hulula furieusement, tandis qu’elle était bringuebalée dans sa cage qui cliquetait presque autant que le chariot. La roue avant droite crissa et se bloqua, obligeant Harry à contrebalancer avec son corps, percutant au passage un Moldu en costume, absolument outré par son geste.
« Pardon, désolé, pardon… Vraiment désolé, pardon… »
L’Élu repartit aussi vite qu’il était arrivé dans ce pauvre homme, sans même entendre les diverses insultes à l’égard des jeunes, des chômeurs, puis de l’Europe. Sans le savoir, Harry Potter venait de confirmer le vote extrémiste d’un citoyen anglais, jouant ainsi le rôle de la goutte d’eau faisant déborder l’urne. Mais Harry Potter faisait souvent cet effet-là... Que l’on soit Moldu ou Sorcier, d’ailleurs, et cela ne serait certainement pas son Professeur de Potions qui…
« À DROITE ! »
Le garçon bifurqua sous l’ordre et fonça droit vers un mur. Personne ne le remarqua, comme si ce geste, pratiquement suicidaire, était d’un banal tel qu’il ne méritait aucune prise de vidéo. Personne ne s’offusqua non plus quand une seconde silhouette fonça dans ce mur, et que les deux disparurent, au lieu de s’y aplatir. Ce genre d’inattentions faisait souvent dire aux Sorciers que les Moldus étaient des êtres inférieurs puisqu’ils ne voyaient pas l’essentiel. À la vérité, les Moldus étaient – comme les Sorciers – simplement des êtres égocentrés, et donc désintéressés par l’hypothétique accident d’un gamin de 16 ans et de son parrain, au look trop rock pour être quelqu’un de respectable.
Une épaisse vapeur fouetta le visage d’Harry et lui confirma que non, le Poudlard Express n’était pas parti sans lui. À ses côtés, Sirius jetait un œil à la grosse pendule qui affichait un rassurant 10h47, et il ricana de satisfaction, non sans gratifier son filleul d’un :
« Tu vois, on est à l’heure, pas d’raison d’s’inquiéter ! »
Harry secoua la tête, amusé, et poussa son chariot en direction de l’avant du train. Et pour la première fois depuis qu’il était arrivé dans le monde Sorcier, Harry n’était pas la source de toutes les discussions, ni la cible de tous les regards curieux. Sirius, qui paraissait rarement en public depuis sa libération, déclenchait à chacune de ses sorties, des réactions assez incroyables : des hordes de femmes se pressaient dans tous les sens pour tenter de l’apercevoir, de le voir, certaines essayaient d’échanger assez de mots pour, le croyait-elle, récolter une invitation à dîner, peut-être ? Quant aux hommes… Beaucoup de bourgeois assuraient à Sirius leur soutien sans faille, et le fait que « Non, Lord Black, évidemment, Lord Black, nous n’avons jamais douté de votre innocence... » Et c’était sans compter sur les milliers de hiboux et chouettes qui déposaient lettres, invitations, promesses, tendresses et tentatives de séductions à Square Grimmaurd.
Ainsi donc, pour la première fois de sa vie, Harry put pousser son chariot sans qu’aucune réflexion ne lui soit faite, ni sur sa coiffure ni sur les derniers événements. Il avançait comme un gosse tout à fait normal, suivi par son tuteur qui jouait les soleils pour tournesols munis de baguettes : parents et enfants se tournaient pour l’observer sur son passage. Et il ne fallut aux deux comparses qu’une petite minute pour atteindre le compartiment habituel dans lequel Harry montait. Sirius pinça les lèvres en regardant son protégé. Il hochait la tête, comme cherchant le mot approprié à l’instant. Et le garçon lui sourit :
« Je sais. J’vais t’manquer.
— Pas du tout. J’étais justement en train de me dire que j’allais enfin pouvoir me lever à l’heure que je voulais, et ne plus passer mes journées à réviser des cours que j’espérais derrière moi !
— C’est toi qui voulais que je bosse, j’te signale ! Si ça n’avait tenu qu’à moi…
— Si ça n’avait tenu qu’à toi, Harry, t’aurais encore passé l’année à copier sur moi. Ou, du moins, à essayer. » Coupa la voix d’Hermione derrière eux.
Elle était accompagnée de ses parents, et se ramenaient avec elle Neville, Luna, Ron et Ginny, bloquant ainsi une belle portion du quai avec leurs chariots alignés. Et malgré les protestations des autres élèves et des adultes, les jeunes gens ne bougèrent pas d’un iota, délaissant leur attelage pour aller embrasser leur ami.
« Bon alors comme ça, t’as fait des devoirs ? lui demanda Ron amusé.
— Pire ! Programme de rattrapage intensif, et tout ! Paraît que papa avait de bien meilleures notes, en bossant deux fois moins…
— Trois fois, précisa Sirius.
— Ouais, bah il était un peu plus au courant du monde Sorcier que moi j’te signale…
— Eh oui, Harry… C’est bien connu que les nés-sorciers ont un net avantage, se moqua Hermione en le fixant avec insolence.
— Non ! Non, ‘Mione, j’voulais pas dire ça, je…
— Mais tu l’as dit, l’enfonça Neville en prenant ses valises en main pour embarquer.
— Non, mais je voulais dire…
— Que ton père, avec un plus vieux contact avec le monde Sorcier que toi, avait un avantage, en rajouta Ginny qui traînait sa vieille malle.
— Hermione, les écoute pas, tu sais que les nés-Moldus…
— Auraient besoin d’un meilleur sauveur que ce Harry Potter. »
Cette fois-ci, c’était Luna qui s’en était mêlée, et il était difficile de savoir si elle plaisantait, ou si elle était, au contraire, très sérieuse. Sirius, qui était toujours incroyablement mal à l’aise face à la jeune fille et à sa logique, décida plutôt de porter les valises de son filleul, et de les pousser à embarquer. Neville, Ron et Ginny montèrent également, suivis d’Hermione qui tapotait l’épaule de son ami Attrapeur d’un air compatissant. Harry leva les yeux vers Luna, dans une question muette.
« Je parle de ton éloquence… Pas de tes convictions. Tu ne risques pas de défendre grand monde avec un bouclier verbal aussi fissuré.
— On m’en demande beaucoup trop…
— Non. Juste ce pour quoi tu as été fait. »
Luna l’abandonna sur cette étrange phrase, et sauta d’un mouvement souple dans le train. Harry tiqua, avant de se rendre compte qu’elle avait laissé ses valises sur le quai. Peut-être croyait-elle qu’elles seraient acheminées par des Valisogoles ou autres créatures dont elle avait le secret ? Il jeta un regard perdu aux alentours, et constata que personne ne s’intéressait à lui. Absolument personne. On parlait de Sirius qui venait de monter, on s’interrogeait à ce sujet… Mais Harry était bel et bien isolé. Le Gryffondor soupira d’aise, et attrapa les valises de la jeune blonde pour les embarquer. Les gestes les plus simples étaient très agréables quand il n’y avait personne pour les commenter !
« Dites Lord Black, vous voyagez avec nous ? »
« Si vous voulez, Lord Black, vous pouvez rester dans notre compartiment… »
« Moi, j’vous cède même ma place, j’en n’ai pas besoin de toute façon… »
En passant déposer les valises de Luna, Harry capta ces quelques phrases lancées à un Sirius qui peinait à contenir un éclat de rire. L’Animagus était rentré dans le train pour y monter les affaires de son filleul – et aussi par nostalgie inavouée – et ne s’attendait certainement pas à ce genre de réaction. Gardant ostensiblement le silence, il redescendit, en faisait signe à Harry de le suivre. Sirius sur le quai, le jeune homme perché sur les marches du wagon, ils se regardaient avec émotion, ignorant superbement les invitations et autres commentaires qui fusaient encore.
« Bon… Tu fais attention à toi. T’évites de te mettre Snape à dos. Tu bosses bien à l’école…
— Ouais ! Et puis je me couche tôt, je mange équilibré, et je n’oublie surtout pas de rendre hommage à Merlin avant de faire dodo, se moqua Harry.
— Pfff, t’es bête ! T’as raison, j’suis ridicule dans ce rôle. Fais c’que tu veux. Enfin presque : fais quand même attention à toi, et à tes études, là j’suis sérieux. Quant à Snape… Bah, débrouillez-vous. Ah, et tombe amoureux, c’est mieux de se battre pour quelque chose d’aussi cool que ça, et… »
Mais le garçon ne lui laissait pas l’opportunité de terminer sa phrase, car il venait de sauter du train pour lui atterrir dans les bras. Sirius le serra fort, une boule coincée dans la gorge et les larmes lui picotant les yeux. Jamais Harry n’avait été aussi triste de retourner à Poudlard. Il n’avait jamais compris les réactions de ses camarades. Jusqu’ici, il trouvait ce ballet émotif assez agaçant, pour ne pas dire ridicule. Et là, à seize ans passés, le voilà en train de pleurer dans les bras de son parrain.
« J’te promets d’faire plein de bêtises… murmura-t-il.
— Ouais, mais pas trop non plus… »
Le Poudlard Express siffla deux fois, et Sirius repoussa doucement le jeune homme pour le faire remonter. Ils allaient se manquer. Cet été s’était vraiment bien passé, malgré les révisions, malgré l’entraînement… Au contraire : Harry n’avait jamais eu autant l’impression d’être aimé que durant ce temps. Ça lui tira une petite larme, quand même. Il n’aurait jamais cru ça, d’ailleurs. Et sur le quai, pendant que le train se mettait en branle, Harry en aurait presque juré, Sirius Black pleurait également.
« Échec et mat. Je ne sais même pas pourquoi je gaspille ma salive et mon temps à énoncer une évidence, vous devriez… »
Severus Snape s’arrêta et fronça les sourcils, vexé. En face de lui, Jane regardait l’horloge qui tictaquait sur le manteau de sa cheminée. Ils disputaient leur troisième partie de la matinée. Mais bien qu’elle fasse quelques progrès, elle n’arrivait toujours pas à battre son mentor. Elle ne risquait pas de le faire, en fait : à ce jour, seule Minerva y arrivait. Oui, même Albus perdait face à lui. Cela ne devait pas décourager pour autant la scribouillarde, bon sang ! Ou alors, peut-être, mais qu’elle fasse au moins l’effort de l’écouter quand il la gratifiait encore d’une réplique fanfaronne.
« … Il devient de plus en plus difficile de capter votre attention.
— Mhhum… »
La brune fixait toujours l’horloge, et tressauta quand elle sonna pour annoncer qu’il était onze heures.
« … Et c’est la vraie raison de ma présence ici, Jane, je brûlais de vous le dire…
— Vous croyez qu’ils sont partis ? le coupa-t-elle sans sembler relever sa précédente phrase.
— Qui ?
— Les élèves, Severus ! Les élèves !
— Oh, bon sang ! Qu’est-ce qu’on s’en fiche ? Ils arriveront ce soir. Et puis oui : le train part à 11h. Pourquoi ça vous intéresse ? Attendez, vous angoissez, c’est ça ? »
Jane rougit légèrement, et redisposa les pièces correctement sur l’échiquier pour se donner bonne contenance. Snape savait qu’il visait juste, même lui était quelque peu tendu par cette rentrée. Pas seulement à cause du retour officiel du Seigneur des Ténèbres, pas seulement à cause des révélations faites durant l’été, pas non plus seulement parce qu’Albus était en train de mourir… Simplement parce qu’il allait enseigner pour la première fois une matière qui lui tenait tant à cœur. Et il tirait de cette angoisse un certain sentiment de normalité.
« Ne vous moquez pas de moi, Severus, ou on reparle de ce que vous brûliez de me dire…
— Ah ! Donc, vous écoutiez quand même un peu.
— J’entends toujours ce genre de choses, vous savez… »
Et au lieu d’avancer un de ses pions blancs, elle se leva, et réajusta son corset qu’elle desserrait souvent quand ils étaient vautrés dans son petit salon.
« Ça y est. Vous ne tenez plus en place.
— J’ai juste besoin de m’aérer, rien de plus.
— Vous n’avez quand même pas pris mon propos au sérieux, Jane… ?
— Ce n’est pas vous qui me faites fuir. Je vais juste marcher un peu dans le parc.
— C’était bien la peine que je me déplace, à votre demande, pour vous tenir compagnie… »
La Moldue lui sourit et ouvrit la porte pour la franchir. Derrière elle, Severus abandonna l’idée de trouver une excuse et se redressa prestement.
« Hey, attendez ! »
« ATTENDEZ ! Attendez ! Je vous dirai tout… Tout ce que vous voulez savoir. Absolument tout ! »
Amélia Bones se tenait à genoux, suppliante, tandis que la sorcière en face d’elle caquetait de rire. La pauvre femme s’était levée guillerette ce matin, avait amené sa nièce à la gare de King’s Cross, lui avait souhaité une bonne rentrée, et s’était éclipsée, aussi rapidement que de coutume, ses importantes fonctions réclamant sa présence au Ministère de la Magie. Mais Amélia n’y arriva jamais, et c’est dans le sous-sol du manoir Jedusor qu’elle termina sa matinée, accueillie avec violence par un Doloris qui la cloua contre la pierre pendant trois interminables minutes. Trois minutes durant lesquelles la pauvre femme se demanda, la peur au ventre, ce qu’il était advenu de la petite. Était-elle montée dans le Poudlard Express ? Allait-elle arriver saine et sauve à l’école ? Qu’allait-elle devenir si jamais sa tante mourait ici comme…
Son frère ! Était-ce parce que son frère était mort au combat en tant que membre de l’Ordre du Phénix, lors de la première guerre, qu’elle se trouvait ici ? Était-ce parce qu’ils pensaient que peut-être, elle l’était devenue également, qu’ils la torturaient ? Dans le but, sans doute, de lui faire dire tout ce qu’elle savait à propos de l’organisation…
« Ah, vraiment… ? se moqua la sorcière de sa voix aigrelette. Eh bien vas-y ! »
Amélia déglutit péniblement, s’avançant avec lenteur sur ses genoux meurtris. Elle ne savait pas quoi dire, devait-elle mentir ? Levant un regard plus terrifié qu’elle ne le souhaitait, la Ministre de la Justice cilla en affirmant :
« C’est vrai… C’est vrai, j’ai rejoint l’Ordre du Phénix peu avant le procès de Harry Potter… »
Bellatrix ne pipa mot, se contentant de caresser sa baguette avec un air gourmand qui donna la nausée à sa victime. Amelia continua :
« Mais… Je ne sais pas où se trouve le quartier général. Il y a un Fidelitas dessus. C’est… C’est Albus qui en est le Gardien ! » Cria-t-elle presque en se disant que, probablement, c’était proche de la vérité. « On ne connaît pas tous les membres. Ils ont peur… Ils ont terriblement peur depuis vos attaques à l’aveugle.
— C’est bien. C’est ce que les Moldus appellent le terrorisme. » Se délecta Bellaxtrix en susurrant presque ce dernier mot. « C’est une belle nomination, tu ne trouves pas Amélia ? Comme si la terreur devenait un métier, un art… Tu es terrorisée, dis-moi ?
— … Oui. Qu’est-ce que… Qu’est-ce que vous… Ma nièce, où est-elle ?
— Je croyais que c’était à toi de me donner des réponses. » Cingla Lestrange en agitant sa baguette d’un geste sec qui fit gémir la femme en face d’elle.
Sur la joue d’Amélia Bones s’étalait une grande balafre hideuse qui se mit à saigner abondamment. La sorcière eut un terrible cri d’effroi et trembla de tout son corps, tandis qu’un haut-le-cœur soulevait une nouvelle fois sa carcasse. Elle vomit, dans une série de hoquets bruyants lesquels claquaient contre les murs en résonnant dans toute la pièce. Le plus écœurant fut surtout l’expression de plaisir accroché au visage de la Mangemort.
« Eeeurk ! »
Ron frissonna en grimaçant, la tête rentrée dans ses épaules, alors qu’il fermait les yeux intensément. Ça fit éclater de rire Neville, qui attrapa à son tour une Dragée Surprise de Bertie Crochue, la fourra sur sa langue, et sourit de plus belle quand elle se révéla être au délicieux goût de menthe.
« C’est pas juste, Nev’… Vraiment pas juste ! T’as été gâté par le destin, ma parole, tu ne tombes jamais sur une mauvaise » S’écria Ron en recrachant la draguée dans un mouchoir.
Puis, quand le rouquin se rendit compte de sa boulette, il regarda son ami en rougissant furieusement, alternant avec un coup d’œil jeté à Harry, qui se mordait la joue pour ne pas rire de son embarras. Mais Neville sourit avec délicatesse, et répliqua, non sans échanger un regard de connivence avec « L’Élu » :
« Ne t’en fais pas, le destin hésitait entre me donner des parents, ou une sacrée chance avec les bonbons… Et j’adore les Surprises au cassis.
— Ouais, et tu sais, Ron, ya encore plus naze que toi au tirage des dés : j’ai ni les parents, ni la chance aux bonbons. » En rajouta Harry, après être tombé sur un goût qu’il ne voulait pas identifier.
Ron Weasley était plus écarlate que ses cheveux ou même que l’emblème de Gryffondor et bredouillait des choses incompréhensibles. Dans le compartiment, tous riaient de le voir tenter de trouver un semblant de contenance. Mais le jeune homme avait toujours eu du mal avec l’humour noir. Harry lui, se rendit compte que ça lui faisait un bien phénoménal. Lorsqu’il coula un regard en direction de Neville pour vérifier qu’il n’avait pour autant pas dit une énormité, il sourit de plus belle en constatant que « Celui-qui-aurait-pu-être-l’Élu » semblait tout aussi détendu que lui. Ils auraient peut-être dû commencer par prendre les choses comme ça, en fin de compte… ?
« En parlant de parents, Harry, reprit plus sérieusement Hermione. Sirius compte porter plainte contre Ombrage, ou pas ?
— Il voudrait, mais moi non… J’en ai marre de ces procès et de voir notre nom dans la Presse. D’autant que maintenant, ce n’est plus un journal, mais trois qui nous harcèlent.
— Le Veritascriptum t’a envoyé une autre demande d’interview ? demanda Neville en fronçant les sourcils.
— Ouais, c’est la cinquième. Et j’te parle même pas de ce que Sirius a dû recevoir, je crois qu’il n’ouvre même plus son courrier, il le fait faire par un service dédié de Gringotts. Oaken nous traque, et j’pense qu’on n’est pas les seuls… Vu ce qu’il s’est permis de dire à propos de Snape…
— PUTAIN, c’est au-delà ! s’écria Ron après avoir retrouvé une teinte normale. Je suis même surpris qu’Oaken ait encore des doigts pour écrire ses chroniques. Il est plus violent à l’égard de Snape que de toi, j’avais jamais vu un truc pareil…
— Ouais, et puis… Le fait qu’il rende totalement publics son procès et son passé de Mangemort…
— Ça, c’était de notoriété publique, Harry, balaya Hermione.
— Ouais, heu… Enfin, le sortir comme ça, l’air de rien, alors que Snape prend comme fonction un poste clef de Poudlard, en pleine nouvelle guerre… Pardon, ‘Mione, mais t’étonne pas si t’es mauvaise aux échecs après ça.
— C’est uniquement parce que j’ai autre chose à faire que de jouer, Ronald. Si j’avais le temps de m’entraîner, et que je délaissais, moi aussi, mes études, peut-être que…
— Le temps est une fausse excuse. Le Professeur Snape n’en a aucun et ça ne l’empêche pas d’apprendre au Professeur Smith. »
Le compartiment devint immédiatement silencieux, et cinq têtes se tournèrent illico en direction de la jeune fille qui venait de lâcher cette petite bombe. Les toisant par-dessus son Chicaneur à l’envers, Luna leur jeta le regard qu’elle leur réservait quand ils ne la croyaient pas pour les Joncheruines. Harry retint sa respiration, il ne leur avait jamais dit qu’il avait déjà trouvé l’un chez l’autre, et que, par conséquent, Luna venait probablement de répondre à une des questions qu’il se posait depuis quelque temps.
« Ils jouent à quoi, tu dis… ? demanda Ron après un instant de stupeur.
— Aux échecs. Ils jouent aux échecs. Vous n’avez jamais croisé le Professeur Snape avec sa boîte, allant rendre visite au Professeur Smith ?
— Non, Luna, pas plus que je n’ai croisé de Ronflacs Cornus… soupira Hermione.
— Ou de Nargoles, renchérit Ron.
— Ou d’énormes babilles dans le lac, termina Ginny, hésitante.
— Non, sans doute… Et c’est avec beaucoup de bon sens que vous en concluez qu’aucuns n’existent. »
Il était rare que la Serdaigle use directement de sarcasme avec la bande. La plupart du temps, la demoiselle se contenait de les regarder avec gentillesse, comme trouvant touchant qu’ils ne voient pas autant de choses. Mais à cet instant, Harry comprit ce qu’elle voulait dire, et il hocha la tête en silence, avant d’échanger un autre regard avec Neville qui lui aussi semblait prendre très au sérieux l’information.
« Quoi qu’il en soit, enchaîna Ron. Le fait que Snape soit nommé Professeur de Défense Contre les Forces du Mal, n’est pas non plus anodin.
— Non, et je ne sais pas si c’est à cause de l’arrivée d’Horace Slughorn, ou… » Embraya Harry en oubliant instantanément Luna.
Severus s’arrêta de marcher un instant, et il fallut une seconde ou deux à Jane pour s’en rendre compte. L’homme en noir regardait dans le vague, et étira un sourire satisfait. Celui qu’il avait quand il tourmentait un de ses élèves.
« Qu’est-ce qu’il y a ? lui demanda-t-elle.
— Ils parlent de moi. »
Jane arqua un sourcil dubitatif.
« Qui « ils » ?
— Les gamins, je pense… Peut-être même un qui traîne avec Potter, ou mieux : le gosse lui-même. »
La Moldue plissa un œil en grimaçant comiquement, puis elle s’approcha de lui très lentement, en l’observant comme s’il était…
« Je vais très bien, Smith. J’ai juste eu les oreilles qui sifflent, et vu que c’est la droite, je pense que quelqu’un dit du mal de moi et… qu’est-ce que vous avez ? Vous pouvez arrêter de ricaner bêtement, Miss ?
— Pffrrrt… L’oreille qui siffle. Vous me faites une divination sur une oreille qui siffle, et en plus en concluez que c’est forcément eux qui parlent en mal de vous.
— C’est très sérieux, Smith ! Toutes les croyances Moldues ne sont pas fausses ! Et OUI, je pense que c’est un de ceux-là.
— Eh oui… Évidemment. Parce qu’il n’y a qu’une poignée de gamins qui vous déteste. Vous ne vous êtes pas aliéné, hum… Environs les trois quarts de la population sorcière anglaise, ce n’est tellement pas dans votre style d’être détesté par tout le monde, ou presque.
— Je vous dis qu’ils parlent de moi. Et tout le monde ne me déteste pas, vous êtes bien là, vous.
— Ouais, c’est vrai. Mais vous aviez vous-même conclu que j’étais d’intelligence limitée. Bon, et vos oreilles, c’est quoi cette histoire ?
— Rien de plus que ce que vous, Moldus, croyez. À ceci près que c’est vrai.
— Et c’est pour ça que les Sorciers ont peur de dire « Voldemort » ? Parce que ça lui fait « ding-ding » à chaque fois ? » Se moqua Jane, après un instant de réflexion perplexe.
Severus allait lui répliquer quelque chose de venimeux sur le fait d’employer encore ce nom honni en sa présence, mais il se retint, en ayant en tête l’image qu’elle venait de lui proposer. Jane le regardait avec les yeux pétillants de malice, un franc sourire s’élargissant de plus en plus. Elle semblait le mettre au défi de rire, et il secoua la tête négativement. Elle pouffa, hochant la sienne, s’approchant de lui le corps soulevé de tremblements. Severus se mordit la joue, détournant le regard. Il dut même se pincer les lèvres, tandis que chez la jeune femme, le tremblement se muait en ricanement de plus en plus moqueur. Quand elle posa sa main sur son torse pour s’appuyer, à demi pliée, l’hilarité montante, Severus sourit, puis pouffa à son tour, avant qu’ils n’éclatent tous les deux de rire.
Voldemort pencha la tête sur le côté, agacé. Il n’entendit pas la question de la sorcière, et ça obligea cette dernière à se répéter, ce qui n’était jamais bon en général.
« Maître, est-ce que je suis vraiment obligée d’attendre le retour de Lucius… ? Bones est prête à me dire tout ce que je veux, et elle m’a même menti sur tout ce qui ne m’intéressait pas. À commencer par sa prétendue allégeance à l’Ordre du Phénix … »
Mais Voldemort n’écoutait plus. Il grimaça, il avait horreur de cette sensation. Elle était rare d’ailleurs, très rare. En fait, elle était si rare qu’il se demanda un instant si ce tintement n’était tout simplement pas lié à…
« SILENCE ! » Ordonna-t-il impérieusement.
Bellatrix abaissa immédiatement la tête, craignant d’avoir déplu à son Maître, mais ce dernier ne lui accorda aucun regard, ses yeux allaient et venaient aux quatre coins de la pièce, comme cherchant quelque chose d’invisible. La Mangemort se risqua à l’observer du coin de l’œil et, comme cela lui arrivait de plus en plus souvent, elle trouva à son supérieur un comportement particulièrement incohérent. Mais elle ne parla pas pour autant, craignant qu’il ne la punisse pour sa désobéissance. Alors, elle attendit, sentant Voldemort se mouvoir sur son trône, humant l’air et réfléchissant intensément.
« Continue. »
La Sorcière regarda son Maître un instant sans comprendre, et puis reprit le cours de la conversation.
« Je… Je voulais savoir s’il était réellement indispensable qu’Amélia Bones survive à sa captivité, je ne vois pas bien en quoi il est impératif que Lucius… »
Voldemort chassa de son esprit le précédent désagrément pour couper Bellatrix d’une voix plus agacée qu’à l’ordinaire :
« Ce n’est pas à toi de dire ce qui est nécessaire, ou non. Lucius a eu une riche idée en proposant de s’occuper de Bones, et oui, Bella, tu modéreras tes ardeurs en attendant qu’il ait eu pleine et entière satisfaction.
— Mais, Maître, je voudrais seulement…
— Et JE ne veux que ton obéissance, Bella. Si je te permets de jouer avec notre invitée, c’est uniquement par générosité… N’en vole pas davantage.
— Pardon, Maître, oui… Merci, Maître. »
Elle s’inclina, profondément, quittant le salon où trônait Lord Voldemort pour rejoindre directement les sous-sols. Elle déboula comme une furie au poteau où était attachée la Ministre de la Justice, et avant même qu’Amélia Bones ne sorte totalement de l’inconscience, Bellatrix lui envoya un maléfice qui la replongea immédiatement dedans. Quoi qu’eût en tête Lucius Malefoy, elle commençait à en avoir marre de ce blond peroxydé !
« Je ne sais pas. Ce n’est pas tant que je ne m’intéresse pas aux affaires de Père, mais je suis déjà trop pris par les miennes… »
Draco laissa la fin de sa phrase faire son effet, relevant légèrement le menton dans un air profondément aristocratique. Cela fit rougir Pansy Parkinson qui en gloussa presque d’admiration, Nott hocha la tête comme s’il percevait le sens caché de ces mots… Crabbe et Goyle ricanèrent, mais Zabini… Blaise Zabini, lui, ne s’y trompa pas. Il connaissait parfaitement son camarade de chambrée, ainsi que les habitudes de la Haute.
Les deux Serpentards échangèrent un bref regard entendu, et Draco continua :
« Cependant, je suis convaincu que c’est une excellente année qui s’offre à nous tous. Pas seulement parce qu’il semblerait que le pays dispose d’une chance d’avoir un avenir. Non. Parce que je crois profondément qu’on pourrait y prendre part.
— Tu fais référence à… Oh, Draco, tu as pris la Marque ?
— Pansy… Tu es la réponse à la question que se posent tous les élèves de Poudlard.
— Laquelle ? minauda-t-elle en souriant très largement.
— Est-ce qu’il arrive au Choixpeau de se tromper lourdement sur la répartition ? Par Morgane, Pansy… Qu’est-ce qui t’a fait atterrir dans la maison de Salazar Serpentard !?
— L’ambition, Draco ! répliqua-t-elle venimeuse, ses petits yeux de pékinois s’étrécissant soudainement. C’est d’ailleurs l’ambition qui me fait te fréquenter, j’ai cru comprendre que tu avais de l’avenir, mais si tu continues à m’insulter, je crains que le destin ne me détrompe. »
Le blond eut un rictus particulièrement satisfait : Parkinson avait réagi exactement comme il le voulait. Il aimait tirer le meilleur de ses hommes, et ça commençait par un certain sens de la répartie, et une hargne à toute épreuve. Il hocha la tête, ce qui calma presque totalement les ardeurs de sa comparse, puis il lui répondit enfin :
« Non. Pour l’heure, cela serait réellement stupide de le faire. Oh, non ! Non pas que j’ai peur de montrer ma loyauté. Seulement, les pistes se brouillent ces derniers temps, la Communauté Sorcière doute. Elle doute de ses dirigeants, de ses leaders, de ses institutions… Ce n’est pas du tout le moment d’aborder des couleurs trop ostensibles.
— Tu dis ça à cause de ce nouveau journal, n’est-ce pas ?
— Exact, Blaise. Je pense qu’Oaken n’a vraiment pas apprécié sa démission de La Gazette du Sorcier, ni les différentes diffamations que le journal a pu faire à son sujet. Il a sauté parce que Fudge a sauté, et il ne digère pas ce fait.
— À quoi s’attendait-il ? Il était la plume du Ministère, à quel moment a-t-il cru que Fudge ne tomberait pas ? C’était stupide de sa part d’être aussi virulent, aussi tôt dans la guerre. On dirait l’attitude…
— D’un Gryffondor, oui, acquiesça Draco en souriant à son collègue. Il l’est. Il fait peut-être preuve d’un peu plus de jugeote que Pansy, mais il n’est pas aussi fin stratège que toi, Blaise.
— Ou toi. » Répliqua sans chaleur Zabini, en posant une main sur celle de la jeune fille qui s’étranglait de rage.
Draco lui adressa un nouveau sourire entendu, et allait répliquer par une autre mondanité lorsqu’ils furent interrompus par le chariot de confiseries. Il était midi passé, et c’était une tradition dans le Poudlard Express depuis…
« Pff… Il n’y a que Dumbledore pour croire que les bonbons constituent à eux seuls un repas ! » S’agaça Draco comme à chaque fois.
« Arrêtez Smith ! grimaça Severus en contenant à la fois son rire et sa douleur. C’est la septième fois que vous le dites !
— Mais… Eh eh ! Imaginez que ça fasse « ding-ding » à chaque fois, hein ? On pourrait peut-être la gagner comme ça cette guerre…
— Je doute que ça soit aussi simple, ou même que ça marche comme ça. »
Mais il grimaça de plus belle, et cette fois-ci, sa main droite esquissa un mouvement en direction de son bras gauche. Il parvint à se rattraper, mais quand il vit l’hilarité de sa collègue totalement tarie, il comprit qu’elle l’avait vu.
« Mon Dieu… Severus… Je suis désolée, est-ce que… ? Oh non, excusez-moi, je… Est-ce que quand je prononce son nom ça… ? »
Elle avait amorcé un geste en sa direction, suspendit sa main, puis finalement la posa sur la manche gauche de Snape. Et quand elle sentit la chaleur irradier à travers l’épais tissu de la redingote, elle pâlit en le regardant, horrifiée.
« Quelle idiote ! Je ne savais pas, je suis tellement, tellement…
— C’est bon.
— Non, vous n’arrêtiez pas de me dire de ne pas le faire, j’ai cru que c’était votre peur, ou je sais pas, votre caractère, pas… Ça brûle tellement… Je suis si désolée.
— Jane, ça va. » Murmura-t-il en posant à son tour sa main sur la sienne.
Ça appuya davantage celle de la Moldue sur le bras, et elle put entrapercevoir ce qu’il endurait l’espace d’un bref instant. La main froide du Maître des Potions par-dessus la sienne, elle plongea son regard dans le sien, et hocha la tête. Ils restèrent un long moment comme ça, silencieux et immobiles, jusqu’à ce que…
« Vous tentez une nouvelle technique de guérison pour ma blessure, Severus… ? »
La voix caractéristique du Directeur fit l’effet d’un électrochoc. Les deux adultes bondirent presque dans des directions opposées, et l’un comme l’autre recomposèrent un visage neutre au vieux Directeur. Qui ne s’arrêta pourtant pas en si bon chemin :
« L’imposition des mains est une croyance Moldue, il me semble, non… ? les asticota-t-il. Je ne sais plus si les travaux d’Aurora Bullent ont été, ou non, acceptés par la communauté.
— Albus…
— L’imposition des mains ?
— Oui, Miss, c’est une croyance qu’ont les Moldus, et qui est persistante. Il faut dire que votre Sauveur n’a jamais aidé en la matière. Lui aussi touchait tout le monde pour faire leur bien.
— Albus… !
— Professeur, vous parlez de Jésus Christ, là ? s’éberlua la jeune femme en déclenchant un grognement de la part de l’homme en noir.
— Lui-même ! Une belle entourloupe si vous voulez mon opinion. Oh, non pas que l’on sache beaucoup à son propos, mais… quoi qu’il en soit, il guérissait par le toucher, beaucoup. Et il était très proche d’une jeune femme tout à fait charmante, au demeurant, mais qui faisait scandale auprès des…
— Dumbledore ! coupa Severus avec colère. Je pense que ça ira. Et vous n’étiez pas obligé de comparer Jane à une prostituée. »
Ce satané éclat pétilla dans les yeux du Directeur. Il pétilla, jusqu’à l’illuminer, en même temps que son sourire satisfait. Le vieil homme abaissa la tête et regarda son protégé par-dessus ses lunettes en demi-lunes :
« Voyons, Severus… Pourquoi dites-vous une telle chose ? Jamais je ne ferais cela, j’évoquais seulement…
— Ça va. » Coupa encore Snape en comprenant qu’il venait de commettre une grossière erreur.
Jane rougit quelque peu, en faisant une moue qu’il ne lui connaissait pas, mais elle se reprit très rapidement.
« Vous nous cherchiez, Professeur ? changea-t-elle de sujet.
— Eh bien oui, il est treize heures et nous commencions à nous demander si vous alliez nous rejoindre pour déjeuner… Je ne souhaitais pourtant pas vous déranger…
— D’autant que ça n’est ni dans vos habitudes… commença Severus, acerbe.
— … Et cela vous gêne d’ailleurs profondément de le faire. » Termina Jane.
Les deux échangèrent au passage un rictus de connivence, satisfaits de leur réplique à deux langues quand Albus leur asséna :
« Vous avez raison, je vous laisse terminer. »
Il les planta là en s’en allant de ce que, l’un comme l’autre, qualifièrent mentalement « d’horripilante démarche presque sautillante ». Et sans même échanger un regard, ils le suivirent, chacun longeant un pan de mur, découvrant tous deux que les couloirs de Poudlard étaient plus étroits qu’il n’y paraissait.
« Vous désirez déjeuner à La Rosée de Lune, Monsieur le Premier Ministre ?
— Mais… Il est déjà treize heures quinze, Lord Malefoy ! Il nous sera impossible d’obtenir une table, même en cuisines ! »
Le blond sourit lentement, en caressant le pommeau de sa canne en argent. Il adorait jouer ce petit numéro. Cela faisait toujours son petit effet, même sur l’implacable Rufus Scrimgeour. La Rosée de Lune était l’une des tables les plus huppées du centre-ville de Londres. Une table exclusivement sorcière, d’ailleurs, et pourtant implantée dans la City. Car, le Ministère de la Magie, ainsi que bon nombre d’affaires lucratives sorcières, se trouvaient, elles aussi, à la City. Non loin de celles des Moldus. Et cela ne choquait aucun bon sorcier de cette bonne société privilégiée. Quant au restaurant, il était réputé pour demander une réservation des mois à l’avance… Pouvoir y obtenir une table sur un coup de tête était signe de pouvoir ou de richesse. En l’occurrence, pour Lucius Malefoy, c’était très exactement les deux : il en était le secret et heureux propriétaire.
« Monsieur le Premier Ministre… Je suis certain que La Rosée de Lune ne refuserait jamais de servir son illustre représentant politique. » Flatta Malefoy avec habileté.
Scrimgeour rougit sous le propos et sous le souvenir humiliant du dernier refus du restaurant. Précisément le soir de son élection. L’ancien Auror avait voulu fêter cette victoire avec ses proches collaborateurs, mais la réponse fut très exactement la même que pour le « Bas-Peuple ». Et Lucius le savait parfaitement, la « patrone » l’avait contacté pour lui demander si elle devait, ou non faire une exception.
Le Serpentard ouvrit la marche avec assurance, les amenant aux portes de l’établissement. Frappant trois coups, puis un, et enfin un autre, Lucius se fit ouvrir, dévoilant une jeune femme de petite taille aux cheveux rouge vif, et aux formes particulièrement généreuses.
« Messieurs ?
— Une table au nom du Ministre de la Magie, et de Lord Malefoy, je vous prie.
— Mais tout de suite, mes Seigneurs, suivez-moi. »
Elle leur fit traverser une magnifique pièce voûtée, peuplée de gens trop intéressés par le contenu de leurs incroyables assiettes pour les remarquer. Ils passèrent devant un orchestre tenu par des femmes vêtues de voiles et jouant de la harpe. Et enfin, ils arrivèrent dans une arrière-salle éclairée par un ciel magique qui dévoilait constamment une lune pleine et irisée. Il n’y avait qu’une table, spacieuse, garnie de chaises, que l’on enleva, pour n’en laisser que deux. La nappe semblait être tissée dans une étoffe magique très précieuse. La vaisselle reflétait la lumière de l’astre dans leur or blanc étincelant. Même l’odeur qui flottait dans l’air était exquise. Tout dans cet endroit semblait avoir été fait dans le seul but de plaire aux rares élus.
Scrimgeour en avait le souffle coupé, ce qui ne fit qu’attiser davantage le sourire satisfait du Serpentard. Cela serait encore très long, mais il y arriverait. Ils s’assirent, et on leur servit le traditionnel apéritif, qui était une spécialité de la maison : une liqueur faite à partir de rosée de lune, une plante entrant dans la composition du filtre de Mort-Vivante. Lucius saisit délicatement le petit verre ciselé et le porta en toast à son invité qui lui lança un regard de défiance comme seul l’ancien Directeur du Bureau des Aurors pouvait faire. Et ils burent, dans un même geste, quelque chose qui engourdirait leurs muscles légèrement, tout en aiguisant leurs autres sens pour la durée entière du repas.
« Ooooh, ça n’est pas tellement que Severus était un élève désagréable. Au contraire, une fois qu’on le connaît un petit peu, c’est une personne d’une remarquable profondeur. Et d’une rare intelligence ! C’était peut-être mon élève le plus doué en potions, ah ! Lui… Lui et Lily Potter… »
Ledit Severus contracta les mâchoires devant les paroles du sorcier. Quelque peu éméché, le nouveau Professeur de Potions, Horace Slughorn répandait de son bon vin aux noix un peu partout sur la table des professeurs, devant quelques enseignants restés terminer ce long et ultime repas entre collègues. Jane faisait donc la rencontre avec l’exact opposé de Snape, et se surprit même à douter qu’il fût un jour Directeur de Serpentard. L’homme ventripotent avait passé les deux dernières heures à narrer quelques anecdotes croustillantes, et à présent que le vin lui donnait un semblant de courage, il s’attaquait à une part de son passé… Et de celui de l’homme en noir.
Severus semblait profondément gêné, mais la tension de ses épaules augmenta quand il évoqua le nom de la mère de Potter.
« … Enfin, à l’époque, c’était Lily Evans, précisa le sorcier avec son sourire enfantin. C’était… Ah ! Elle était une élève vraiment, vraiment douée. D’ailleurs, c’était très simple, à l’époque…
— Horace ! rappela à l’ordre Dumbledore, d’un air lourd de sous-entendus.
— Excusez-moi. » Murmura Severus à l’oreille de Jane, avant de s’éclipser, une grimace furieuse accrochée au visage.
La Moldue l’observa s’éloigner, avant de jeter un œil au Directeur qui avait son regard braqué sur elle. Pendant qu’Horace Slughorn trouvait un autre sujet à aborder, l’homme à la longue barbe sourit doucement à la jeune femme, qui vida d’un trait son verre, et se leva à son tour.
Elle déboula en trottinant dans un couloir, le cœur battant une chamade qui n’avait rien à voir avec les cent mètres qu’elle venait de monter en escalier. Elle s’attendait à voir au moins la silhouette de Severus tourner à l’angle au bout, mais rien. Jane soupira, s’adossant à un mur, hésitant à aller jusqu’aux appartements de son mentor.
« Pourquoi cela ne me surprend même pas… ? »
Sa voix profonde émergea de l’angle où il aurait dû se trouver, bientôt suivie par un regard onyx particulièrement dur à cet instant. Jane frissonna, se sentant presque stupide à cet instant. Il s’approcha, lentement, ses robes flottant doucement derrière lui comme une traîne mortuaire. À mesure qu’il avançait, Jane sentit son cœur s’affoler de plus en plus. Pourquoi était-elle là, déjà ? Était-ce vraiment utile… ?
« Vous ne pouvez vous en empêcher, n’est-ce pas… ? De fourrer votre nez dans ce qui ne vous regarde pas.
— Vous n’êtes pas obligé de répondre à mes questions.
— Et après ? Vous me les auriez posées où ? Jusque dans mon lit, peut-être ? »
Elle rougit soudain à sa réplique, et cilla avant de se reprendre, avalant une grande goulée d’air.
« Ce n’est pas la première fois que je vous vois réagir comme ça à ce nom. Je…
— Est-ce que vous tenez à m’interroger au beau milieu du couloir, ou j’ai encore la possibilité de protéger une partie de ma vie privée aux yeux entiers du château ? »
Jane hésita, et après un instant de silence, elle secoua la tête négativement, s’approchant de l’homme en noir. Elle posa une main légère sur son bras gauche, et secoua une nouvelle fois la tête, avant de répondre :
« Non, ça ne me concerne pas. Je n’ai pas à savoir. »
Severus se tut un instant, la fixant en réfléchissant, puis se détourna en direction de ses appartements. Lorsqu’il passa l’angle, il lui lança :
« Vous finirez par me poser cette question, Jane… »
« Pourquoi… ? Pourquoi vous me faites ça… ? »
Il fallut des années d’expérience à Bellatrix, et des heures de pratique pour arriver à comprendre cette simple question. Aux oreilles d’un néophyte, ce n’étaient que borborygmes et suppliques entrecoupées de gémissements. L’évadée d’Azkaban releva la baguette un instant, observant la forme qui se tordait à ses pieds en raclant le sol de ses ongles. Il y avait du sang. Beaucoup. Trop, à dire vrai, pour ce qu’elle était censée faire.
Lestrange cligna des yeux en soupirant, reculant lentement, comme pour admirer son œuvre, puis elle se laissa tomber au sol dans une position accroupie très infantile. Là, elle ferma les yeux avec paresse, laissant Amélia Bones se recroqueviller sur elle-même. Depuis combien de temps était-elle ici ? Une heure seulement ? Un jour ? Un an… ? La Mangemort éclata de rire, ce qui augmenta les tremblements de l’ancienne Ministre de la Justice.
« Sept heures, et peut-être quelques minutes de plus. »
Bellatrix utilisa le bout de sa baguette de bois pour relever délicatement une de ses mèches frisées qui lui barraient le visage, puis elle ouvrit à nouveau les yeux, et les darda en direction du corps qui s’arcboutait pour lui présenter un visage tuméfié et profondément choqué.
« Vous vous posez tous la question… Jusqu’à en perdre la tête pour certains… C’est toujours trop long à vos yeux. Et aux miens... Ah ! » La Mangemort soupira si fort que ses épaules en tressautèrent, et qu’elle manqua de perdre son équilibre sur ses pieds. « Aux miens… C’est toujours incroyablement furtif. Comme vos vies. Furtives. »
Amélia déglutit péniblement, la gorge en feu d’avoir tant hurlé, les lèvres gercées et rongées par les coups de dents frénétiques qu’elle s’était donnés sous l’effet des sorts noirs. Elle entendait à peine son bourreau parler, cela lui semblait si surréaliste. Susan était-elle en vie… ?
« Insignifiantes, en fait. Je ne saurais dire à quel moment vous avez commencé à me dégoûter, tous. Avec vos principes… Votre moralité… Vos airs de sorciers parfaits. Aussi répugnants que des Moldus, à grouiller perpétuellement entre vous, forniquant… Les cousins avec les cousines… »
La Magistrate agrippa un lambeau de tissu poisseux qui s’étalait devant sa main, pour tenter de se hisser quelque peu. Mais elle grimaça de douleur et d’écœurement quand elle se rendit compte que c’était de la chair. La sienne.
« Je ne sais pas me contrôler. Il me suffit de vous entendre vous plaindre, implorer pitoyablement comme vous savez si bien le faire, et… »
Bellatrix écarta les bras, comme pour signifier qu’il se passait quelque chose de magique dans ces moments-là. Elle se redressa, et s’approcha de sa captive, assez pour écarter d’un coup de botte nonchalant ce qui s’avérait être un morceau de cuisse. Elle abaissa son visage, et sa voix, déjà particulièrement glaciale, s’aggrava davantage.
« Qu’est-ce qu’il peut bien te vouloir, au juste… ? »
Instinctivement, les entrailles d’Amélia se contractèrent. Elle ne put dire comment ni pourquoi, mais elle sut à cet instant que la Sorcière était redevenue lucide, et que c’était cette question qui lui brûlait les lèvres depuis le début. Mais Amélia Bones ne savait même pas de quoi il était question… Elle bredouilla, crachant du sang mélangé à de la bile.
« Le Seigneur des Ténèbres…
— JE NE PARLE PAS LUI ! » Avait alors hurlé la meurtrière. Puis, elle lui agrippa les cheveux, et força ce qui restait de la sorcière à la regarder dans les yeux.
« QUE TE VEUT LUCIUS MALEFOY ?!? »
« Vous partez ? Déjà ? »
Rufus avait prononcé ça d’une voix légèrement pâteuse. Ils avaient mangé et bu plus que de raison, et Lucius Malefoy était amplement satisfait d’avoir pu ainsi faire ingérer autant d’alcool au Ministre de la Magie. L’homme austère était réputé pour être incorruptible, pour n’avoir aucune faiblesse de la chair…
Mais les mets de La Rosée de Lune étaient très particuliers. Ils envoûtaient les sens, charmaient les convives, ravissaient les moins épicuriens des invités. Et tout ancien Auror qu’il était, Scrimgeour n’avait pu combattre bien longtemps ses propres instincts.
« Il est bientôt dix-huit heures, Monsieur le Ministre, les élèves seront déjà arrivés à Poudlard, et mon épouse m’en voudrait si je ratais la lettre de notre fils.
— Ah bon ?
— Oui, il la rédige dans le train, et nous la fait parvenir en arrivant, c’est une exigence de Narcissa. Vous comprendrez qu’un père ne peut se dérober à son devoir…
— Non, non, évidemment. Vous faites bien, Lord Malefoy.
— Allons, Monsieur le Ministre ! Il est évident que vous pouvez m’appeler Lucius, s’inclina le Mangemort avec un sourire.
— Lucius… répéta le politicien. Mes hommages à Madame.
— Naturellement. Je vous laisse en compagnie de la maîtresse de ces lieux… Dame Cassiphoné, nous pouvons compter sur votre discrétion… ?
— Bien évidemment » Lui répondit la belle jeune femme rousse qui leur avait ouvert la porte.
Lucius s’inclina profondément dans leur direction, à un point tel que le Ministre ne put déterminer à qui s’adressait cette marque de respect, puis l’aristocrate repassa par la grande salle, toujours pleine de rires, de gens attablés, qui ne firent pas grand cas de sa traversée. Enfin, lorsqu’il déboucha sur la grande rue de la City côté Sorciers, le blond sortit de sa poche de veste une fiole bleue vive, et en vida le contenu d’un trait. Sa vue se fixa rapidement, et le picotement au bout de ses doigts cessa immédiatement.
Il releva la tête avec satisfaction, arrangea d’un simple geste sa chevelure d’un blond cendré presque argent, et transplana avec élégance.
« Père,
Il est long et inutile que je vous fasse le récit détaillé d’une traversée qui n’a eu de palpitant que les cahots des rails, et les éructations de Crabbe, à moins que cela n’ait été celles de Goyle. Aussi, je vous épargne la – bien trop – longue conversation habituelle avec Miss Parkinson, qui tente désespérément depuis tout à l’heure de lire par-dessus mon épaule. Après six années, la pauvrette reste persuadée que ce que je couche dans ce parchemin a une quelconque utilité.
Quoiqu’il me faille tout de même vous confirmer que mon ami et précieux allié, Blaise Zabini se conforte à nos attentes, et qu’il ne semble être dupe d’aucune de mes facéties. Je le soupçonne même, Père, d’avoir parfaitement compris depuis longtemps que ce manège était destiné à intriguer.
Serait-ce utile que je vous mentionne le fait qu’Harry Potter et son parrain se sont jetés dans les bras l’un de l’autre sur le quai, en profusion de muqueuses et autres manifestations lacrymales ? J’ai, à ce propos, Père, une bien mauvaise nouvelle : Harry Potter a pu remonter dans le train avant que celui-ci ne démarre… Je crains que jamais mon souhait ne se réalise, et que je ne puisse jamais voir Potter laissé sur place, voire être oublié comme une valise encombrante.
La lettre me semble être d’une taille correcte, à présent, Père, assez pour qu’elle soit crédible aux yeux de mes comparses. J’espère que votre rendez-vous s’est admirablement bien passé, et vous souhaite bonne réception de ce pli.
En vous souhaitant bonne fortune, à vous, ainsi qu’à Mère, je vous prie d’accepter mes humbles salutations.
Votre héritier, Draco Malefoy »
Le jeune homme plia la lettre, et la glissa dans une grosse enveloppe d’excellente facture. Puis, lentement, laissant tout le soin à son assistance d’admirer la grâce de ses mouvements, il versa de la cire vert émeraude pour la cacheter, et l’imprima de sa chevalière. Ce geste poussa Pansy à se mordre la lèvre inférieure en retenant sa respiration. La jeune fille avait toujours adoré le voir faire ça, c’était si… Si masculin… si digne d’un Lord !
« Je suis certaine que tu parles de moi, dedans ! s’enjoua-t-elle.
— C’est vrai, admit-il en déclenchant un nouveau sourire chez elle. Ce que tu ignores, c’est en quels termes je le fais.
— Ça n’a rien d’amusant, Draco ! Tu pourrais au moins nous dire…
— Mais ça ne vous regarde pas, s’amusa-t-il.
— Alors pourquoi tu le fais sous nos yeux, hein ?
— Parce qu’il veut déclencher ça, Pansy… »
Blaise fixait Draco de ses yeux en amande si particuliers. Il étira sa bouche dans un des rares sourires qu’il accordait aux gens, le rendant plus beau qu’il ne l’était déjà. Zabini était un esthète à la peau sombre, semblable à de l’Onyx pur. Il paraissait avoir été taillé dans cette pierre par les dieux eux-mêmes, et à l’instar de sa mère, fascinait par sa perfection. Mais c’était pour de toute autre raison que Draco lui accordait son estime, du moins, pas entièremeent. Et Blaise le savait parfaitement.
« Je n’en vois pas l’intérêt, réitéra Parkinson en boudant.
— Je crois qu’on arrive. »
Théodore s’était relevé et effectivement, le train ralentissait ostensiblement. Les élèves enfilèrent leurs robes par-dessus leurs vêtements, et commencèrent à se saisir de leur sacoche. Le Poudlard Express crachota encore quelques volutes de fumée blanche en arrivant en gare de Pré-au-Lard et s’immobilisa à quai, non sans avoir donné trois coups de sifflet.
Les Serpentards descendirent dans un mouvement parfaitement discipliné, ignorant superbement Harry Potter et ses amis, lorsqu’ils passèrent devant. Draco se dirigea directement au guichet d’accueil qui proposait l’envoi de courriers, et confia sa lettre.
Quand un hibou Grand-Duc s’en empara pour l’emporter, Susan Bones soupira, circonspecte.
« J’devrais peut-être faire ça, moi aussi… Tatie serait contente, je crois, de savoir que tout s’est bien passé, avec tout ce qui se passe…
— Pfff, arrête, tu veux ? la coupa Millie. T’auras tout le temps demain matin de lui écrire quelque chose.
— Ouais… Ouais, tu as sans doute raison… »
Lucius regardait le corps à ses pieds avec un air impassible. Il était difforme, semblait quelque peu désarticulé, et surtout : toute vie l’avait quitté. S’il n’avait su de qui il s’agissait, le blond aurait été bien en peine de la nommer.
C’était un vrai massacre…
Quand il avait transplané au Manoir Jedusor, il avait tout d’abord salué son Maître, qui l’avait alors informé que, selon ses plans, Bellatrix Lestrange avait capturé et amené Amélia Bones dans leur bastion. Voldemort lui avait conseillé de ne guère trop tarder, car il lui semblait que la Mangemort était très appliquée dans sa préparation initiale.
C’était un doux euphémisme.
En descendant les escaliers qui menaient à la salle de torture, une odeur ferrugineuse prit d’assaut ses sens, puis ce fut la chaleur moite, caractéristique des grosses sueurs, qui l’enveloppa. Et enfin, quand il eut posé un pied au sol, c’était la profusion de teintes carmin, écarlate et vermillon, qui lui tirèrent une grimace. Qu’il réprima rapidement, heureusement. Il s’était alors approché de l’amas de tissus humains, d’os, et de vêtements qui formaient globalement les restes d’une femme recroquevillée sur elle-même. Puis, il avait gardé le silence pendant plus d’un quart d’heure.
Un silence lourd de ressentiment, qui semblait rendre plus folle encore Bellatrix Lestrange qui trépignait à ses côtés. Elle savait qu’il était furieux. Elle savait qu’elle s’attirerait les foudres de son Maître pour avoir désobéi. Mais la sorcière avait refusé de lui dire ce que le blond voulait… Amélia n’avait pas su lui donner les réponses… Bellatrix explosa finalement, toute sa haine, qu’elle n’avait pourtant pas réussi à exprimer dans ses gestes ces huit dernières heures, se déversant avec hargne dans chacune de ses paroles :
« JE ME MOQUE DE TES ORDRES, LUCIUS. JE N’EN RECEVRAI JAMAIS DE TA PART, ET JE ME MOQUE DE CE QUE TU PENSES DE TOUT CECI. TU N’AVAIS QU’À T’EN CHARGER TOI-MÊME, SI TU Y TENAIS TELLEMENT… AH MAIS J’OUBLIAIS ! LUCIUS MALEFOY NE SALIT PAS SES BELLES ET DOUCES MAINS MANUCURÉES ! IL PRÉFÈRE MANIGANCER DANS L’OMBRE, INTRIGUER POUR QU’ON LE FASSE À SA PLACE ! TU N’ES QU’UN LÂCHE, COMME TON COPAIN SANG-MÊLÉ. QUOIQUE LUI, AU MOINS, EST ENCORE CAPABLE DE LANCER UN DOLORIS. ET TOI ? HEIN ? ET QU’EST-CE QUE TU VAS FAIRE, MAINTENANT, HEIN LUCIUS ? »
L’homme la laissa hurler comme ça jusqu’à ce que sa voix se casse légèrement. Il était évident que sa victime n’avait pas été la seule à monter dans les sons. L’aristocrate leva lentement le menton en direction de sa belle-sœur, le visage crispé dans une expression d’une rare sévérité, puis murmura :
« Moi ? Rien. En revanche, tu vas nous débarrasser de ça, et au plus vite. Tu te débrouilles pour le remettre là où tu l’as trouvée.
— ET TU CROIS QUE LES AURORS VONT PRENDRE ÇA COMMENT, HEIN ? EST-CE QUE TON SUPER ESPRIT NE POURRAIT PAS INVENTER UNE PARADE À…
— Une parade à quoi, Bella… ? lui demanda-t-il d’une voix si mielleuse qu’elle suffit à faire taire l’autre sorcière. Le bureau des Aurors peut tout à fait, même en l’état, déterminer avec précision les sorts utilisés, leur nombre… Et même jusqu’à l’heure exacte de sa mort. Ton geste n’aura aucune utilité, s’il n’est pas utilisé à des fins de terreur…
— Et qu’avais-tu en tête de plus utile, au juste ? le coupa-t-elle avec morgue.
— Quelque chose qui te dépasse très largement… Maintenant, vas.
— Tu n’as pas…
— Préfères-tu faire immédiatement ton rapport au Maître ? »
Bellatrix perdit ce qui lui restait de couleurs, et donna un coup de baguette impérieux. Le corps de l’ancienne Ministre de la Justice se souleva lentement dans les airs, la tête d’Amélia dodelinant légèrement. Puis la Mangemort la fit léviter en direction de l’escalier, et jeta un dernier regard haineux à son beau-frère, avant de s’éclipser.
Resté seul, Lucius observa un instant la marque rouge que le corps avait imprimée sur le sol. Le Chef de la Maison Malefoy inspira profondément, un immense sourire de satisfaction naissant sur ses lèvres. Un cligna les yeux, les levant au ciel dans une sorte de remerciement muet aux dieux. Bellatrix avait fait exactement ce qu’il attendait d’elle. Puis il expira, dans une sorte de râle de plaisir :
« Aaaah, la famille… »