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Chapitre 41

Chapitre 41

Publicado el 29, may, 2025 Actualizado 29, may, 2025 New Romance
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Chapitre 41

La tension ne claque pas.


Elle ne fait pas de bruit. Elle ne casse rien.


Elle rampe.


Elle se glisse sous les portes, entre les mots, le long des gestes. Elle s’installe dans les silences, dans les respirations un peu plus courtes, dans les sourires trop polis. On ne la sent pas tout de suite. Elle avance doucement. Insidieuse. Persistante. Comme un brouillard acide qui vient ronger les contours nets de ce que nous croyions acquis.


Et elle reste.


Jour après jour.


Steve est partout. D’abord discret. Puis attentif. Puis présent. Toujours à la bonne distance. Toujours dans l’équilibre. Il ne force jamais. Il ne provoque rien. Il entre. Il observe. Il commente. Il s’adapte.


Et peu à peu, il s’approche.


Il apprend nos habitudes. Nos zones de tension. Il s’installe dans les pauses-café, partage les doutes des uns, flatte les réussites des autres. Il complimente Sophie sur l’élégance de son pochage, demande conseil à Nicolas sur la pâte à choux comme s’il avait oublié qu’il avait fait ses armes à Paris. Il rit avec Rémi, mais jamais trop fort. Il sait rester mesuré. Humble. Juste assez.


Et avec moi… il se montre curieux.


Pas intrusif. Curieux.


Il vient à mon poste sans insister. Il commente un geste, un choix d’ingrédient. Il demande parfois une explication. D’un ton bas, presque intime. Il ne me tutoie plus systématiquement. Il alterne. Il teste.


Il apprend mes failles.


Et moi… je fais ce que je peux.


Je garde les distances. Je parle peu. Je souris sans m’attarder. Je réponds sans relancer. Mais je sens. Je sens que quelque chose s’étire, dans cet espace entre lui et moi. Une zone floue. Un terrain incertain. Et ce n’est pas une faute. C’est une présence. Une tension. Un déséquilibre qui m’oblige à me tenir plus droite, à choisir mes mots plus finement, à garder mes gestes contenus.


Et en face…


En face, je sens le froid.


Je sens le retrait.


Le regard qui ne s’attarde plus.


Les silences qui s’alourdissent.


Il ne me parle plus que lorsqu’il n’a pas le choix. Il me frôle sans me toucher. Il me voit sans me regarder. Et mon prénom, lorsqu’il le prononce, n’a plus rien de ce timbre grave et chaud qui vibrait dans sa gorge. Il est devenu une désignation. Un nom sur un planning. Une note dans une partition qu’il aurait cessé de jouer.


Et moi, je fais semblant.


Je lève le menton. Je souris. Je donne. Je tiens.


Mais je sens que quelque chose en moi vacille.


Et je le vois, chaque jour un peu plus, devenir ce qu’il n’était plus.


Tranchant.


Sec.


Impeccable.


La rigueur est revenue. La voix aussi. Cinglante. Il ne crie jamais. Mais il tranche. Il rectifie. Il reprend les gestes, les rythmes, les températures, les regards.


Il encadre Steve sans le dire. Il le corrige parfois, avec calme, mais sans laisser passer. Une cuisson mal amorcée. Une texture mal anticipée. Il le cadre. Toujours professionnel. Jamais frontal. Mais je sens que la lame est là. Rentrée. Prête à fendre.


Et moi, je reste prise au centre.


Témoin d’une guerre sourde, que personne ne nomme. Une tension qui n’éclate jamais, mais qui serre le cou.


Et ce matin, elle serre plus fort.


Je suis en train de dresser un entremets. La ganache est brillante, souple. Le biscuit bien pris. Tout est aligné. Je respire lentement. Je cherche l’équilibre dans les gestes.


Et il arrive.


Steve. Tout près. Trop près.


Il ne touche rien. Il ne me touche pas. Mais sa voix glisse à mon oreille. Mesurée. Chaude. Sûre.


— Tu sais, Paule… j’ai rarement vu une brigade dirigée sans bruit, sans pression, sans tension. T’as cette façon de t’imposer… sans jamais avoir besoin d’écraser. C’est rare. C’est même précieux.


Je continue de lisser. Mon poignet se tend. Il continue, plus bas :


— Tu sais que tu fais déjà office de cheffe, non ? Même sans le titre. Même sans l’uniforme. Tu l’incarnes. Naturellement.


Je relève lentement la tête. Je me tourne vers lui.


Et mes mots sortent. Nets. Calmes. Irréversibles.


— Je ne suis pas le chef ici. Il n’y en a qu’un. Et c’est Samuel Williams.


Ma voix ne tremble pas.


Et là, je le vois.


Là-bas.


À l’autre bout du laboratoire.


Debout. Immobile. Les mains à plat sur le plan de travail. Le dos raide. Les épaules droites. Le regard noir. Planté sur nous. Figé.


Et quand nos yeux se croisent, il ne détourne pas.


Il regarde.


Il brûle.


Mais il ne dit rien.


Il se retourne.


Et il s’en va.



Je ne le vois plus de la journée.


Il ne réapparaît pas.


Il ne m’attend pas.


Il ne m’écrit pas.


Et moi, je rentre. Seule.


Je déverrouille la porte. J’allume la lumière sans y penser. Je retire mes chaussures. Je pose mes clés. Et je reste là, debout, dans l’entrée.


L’appartement est vide.


Et moi, je suis pleine d’un poids que je ne sais pas nommer.


Ce n’est pas de la faute.


Ce n’est pas une trahison.


Mais c’est une écharde. Une chose invisible qui s’est logée là, entre mes côtes. Qui pulse. Qui reste.


Je vais dans la salle de bain. Je me lave les mains. Je regarde mon reflet. Et je me demande à quel moment tout a basculé.


Quand est-ce qu’on a cessé de se regarder ?


Et pourquoi est-ce que je sens, ce soir, plus que jamais, qu’il est en train de s’éloigner ?


Samuel


Je les ai vus.


Pas les gestes.


Pas les mots.


Mais les regards.


Celui de Steve, planté dans le sien. Trop long. Trop assuré. Trop ancré.


Et elle… Elle qui lui répond. Qui garde la tête haute. Mais dont le front se plisse, légèrement. Ce pli-là… je le connais.


C’est celui de la retenue. Celui qu’elle avait au début. Quand je la poussais trop loin.


Quand j’étais cet homme-là.


Et c’est ça, le problème.


Je le redeviens.


Je sens le poison. L’ancien. Celui que mon père m’a légué sans même le vouloir. Ce besoin de contrôle. Cette peur de perdre ce que j’ai à peine su nommer. Ce réflexe de mordre avant d’être mordu. De trancher avant d’avoir peur.


Je suis rentré dans la réserve. J’ai fermé la porte. J’ai posé mes mains à plat sur le métal froid. Et j’ai fermé les yeux.


Et j’ai vu mon père.


Pas son visage. Pas sa voix. Ses silences.


Son regard qui ne disait rien.


Qui effaçait.


Je me revois, gamin. Tôt le matin. À genoux sur le carrelage. En train de cirer mes chaussures à la brosse à dents. En espérant qu’il remarque. Qu’il dise quelque chose. N’importe quoi.


Et la seule chose qu’il ait su dire :


« Tu veux une médaille ? »


Je serre les poings. Fort. Jusqu’à ce que la douleur me ramène ici.


Je respire par le nez. Lentement. Pour ne pas hurler. Pas là. Pas maintenant. Pas devant eux. Je suis Samuel Williams. Chef. Pilier.


Mais à l’intérieur, ça hurle.


Une voix me broie les tripes.


Elle va partir. Il va te la prendre. Et toi, tu ne sauras même pas comment la retenir.


Je me tais.


Je me replie.


Je m’enferme dans mon mutisme. Parce que c’est la seule chose que je sais faire. Parce que c’est ce que j’ai appris à faire quand les mots sont devenus des armes. Quand les liens sont devenus des champs de mines.


Je rentre seul.


Je marche sans but.


Je ne dors pas.


Je me repasse la scène. Encore. Et encore.


Elle a tenu. Elle m’a nommé. Publiquement. Elle m’a défendu. Mais je n’ai rien su lui rendre. Rien. Que mon silence. Que ma peur. Que cette colère sourde qui me consume.


Et je le sais.


Je sais que ce silence que je m’impose…


Je ne pourrai pas le garder longtemps.


Il finira par m’arracher de l’intérieur.

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