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Chapitre 26 - La guérisseuse

Chapitre 26 - La guérisseuse

Publicado el 9, jun., 2024 Actualizado 9, jun., 2024 Fantasy
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Chapitre 26 - La guérisseuse

 

 

 

Dans le calme de son monastère, Hildegarde est plongée dans l’écriture de son dernier ouvrage théologique, “Liber Divinorum Operum” (Livre des Œuvres Divines). Dans ce texte, elle explore en profondeur la relation entre Dieu, l’humanité et le cosmos, une vision complexe et révolutionnaire pour son temps. Cet œuvre est le fruit de nombreuses nuits de conversations avec Nunael.

Chaque soir, le rituel est le même : elle ferme les yeux, se concentre sur les battements de son cœur et entre en méditation. Elle touche alors la pierre autour de son cou et appelle Nunael. Parfois quelques minutes suffisent pour que la gemme commence à luire. D’autres fois, elle doit rester dans cet état de semi-conscience plusieurs heures.

— Hildegarde, L’œuvre que tu rédiges est la plus importante de toute ta vie. Elle est la quintessence de tout le savoir que je t’ai prodigué. Elle doit permettre à l’humanité de comprendre le sens de mes créations et la préparer au cycle que j’ai mis en place.

Hildegarde évoque d’abord sa vision du cosmos. Elle utilise des métaphores et des images pour dépeindre l’univers, non comme un simple ensemble d’éléments physiques, mais comme un organisme vivant, imprégné de la présence divine. Puis, elle consacre une seconde partie à la place et au rôle des humains dans cet espace. Elle y explique comment les êtres humains, créés à l’image de Dieu, sont appelés à être les gardiens de la création et à vivre en harmonie avec elle. Elle souligne la responsabilité humaine dans le maintien de l’équilibre et de l’ordre du monde. Elle écrit également la manière dont Les plantes, les animaux et les hommes contribuent chacun à leur niveau à l’ensemble de la création. Elle cite ainsi les nombreuses plantes qu’elle utilise comme remèdes aux maladies.

La dernière partie de l’ouvrage est plus théologique. Elle met en lumière comment les choix moraux et éthiques des individus influencent non seulement leur propre bien-être, mais aussi l’ordre cosmique dans son ensemble. En guise de conclusion, elle offre des avertissements et des conseils, à la fois pour les dirigeants et pour le peuple, sur la manière de rester fidèles aux enseignements divins dans des temps troublés.

Alors qu’elle rédige les dernières pages, Hildegarde reçoit un message d’un évêque qu’elle a rencontré à Mayence,des années auparavant. Elle est invitée à Cologne, puis à Trêves, pour partager ses enseignements.

À Cologne, sa réputation la précède et les foules se pressent pour l’écouter. Dans la grande cathédrale, alors qu’elle commence à prêcher, un murmure parcourt l’assemblée. Personne ne s’attendait à ce qu’une femme, une moniale, parle avec une telle autorité et une telle sagesse.

À Trêves, elle surprend encore davantage. Tandis qu’elle rend visite à un couvent, un individu, atteint d’une maladie longue et mystérieuse, est conduit vers elle. Il est affligé d’une forte fièvre, de vertiges et de douleurs abdominales insupportables. Le médecin local a d’abord pratiqué des saignées, mais le patient ne montrant aucune amélioration, il a ensuite provoqué des purges et des vomissements. Au lieu de guérir, le malade s’est encore plus affaibli. C’est donc pratiquement un cadavre que Hildegarde doit examiner. Elle écoute sa respiration, examine les muscles de ses jambes. Elle constate le début d’une nécrose. Elle s’adresse tout d’abord au malade :

— Qu’avez-vous mangé juste avant d’être malade ?

— Du pain, un peu de viande et des baies que mon fils a cueillies dans la forêt, près de chez nous, dit-il d’un ton rauque, presque inaudible.

— Du pain de seigle ?

L’homme opine silencieusement. Son épouse, au bord du désespoir, lui agrippe le bras :

— Savez-vous ce qu’il a ? Allez-vous pouvoir le sauver ?

La Mère Supérieure continue son examen, puis répond :

— Je pense que votre mari est atteint du “feu de Saint-Antoine”. J’espère pouvoir le guérir, mais le traitement qui lui a été prodigué jusque-là n’a fait que le précipiter vers la mort. Le médecin, qui se tient non loin de là, encaisse l’accusation, tout en murmurant :

— Sorcière ! Si je n’ai pu le sauver, personne ne le peut !

Hildegarde serre les lèvres, mais ne dit mot. Ce n’est pas la première fois qu’elle est attaquée ainsi. Elle s’approche d’une sœur et lui demande d’apporter quelques plantes fraîches : du millepertuis, de la camomille, des baies de sureau et des feuilles de mélisse.

Alors qu’on lui apporte les ingrédients, Hildegarde saisit un récipient en terre cuite, y verse de l’eau puis le confie à une novice :

— Faites chauffer cela jusqu’à ce que l’eau boue.

Pendant ce temps, elle écrase méticuleusement les plantes jusqu’à les réduire en poudre fine. La débutante revient avec le récipient et y verse la préparation, qu’elle remue ensuite avec une cuillère en bois. Après une vingtaine de minutes, elle recouvre le récipient d’un linge propre et verse la potion encore chaude dans un gobelet, filtrant ainsi les plantes à travers le tissu.

— Buvez ceci.

Elle s’adresse ensuite à l’épouse :

— Veillez à lui administrer cette infusion tout au long de la journée, pendant trois jours au moins. Je pense qu’alors, il commencera à aller mieux.

La femme, emplie d’espoir, cherche à comprendre :

— Pourrais-je savoir en quoi de simples plantes vont le guérir ?

Hildegarde sourit :

— Le millepertuis aide le corps et l’âme à se reposer, la camomille à améliorer la digestion et à favoriser le sommeil. Les feuilles de mélisse ont le pouvoir de redonner au malade son esprit et calme également les douleurs abdominales. Enfin, les baies de sureau permettent au corps de se vider naturellement et de rendre au sang toute sa pureté.

L’homme est confié aux soins attentionnés des sœurs. Hildegarde doit se hâter, elle est attendue à la Cathédrale pour prononcer ses prêches.

Durant trois jours, ses sermons attirent religieux et scientifiques, nobles et paysans. Exceptionnellement, les femmes sont admises seules dans l’enceinte religieuse. Alors qu’elle entame un chant sacré, une paysanne se jette à ses pieds. Elle la reconnaît :

— Vous avez sauvé mon mari ! Merci Ô Révérende Mère !

Hildegarde la relève doucement et l’accompagne jusqu’à un banc, un peu à l’écart du public.

— J’ai prié pour lui. Dieu et la médecine l’ont sauvé. Je n’ai été que son bras et sa tête.

Les murmures parcourent l’assemblée. Bientôt, chacun sait que la Mère Hildegarde a guéri un homme du feu de la Saint-Jean, une maladie dont peu peuvent en réchapper. Au départ une simple sœur, c’est désormais une sainte qui quitte la ville de Trêves.

De retour à Rupertsberg, Hildegarde continue son travail avec une nouvelle vigueur. Ses écrits, ses voyages, ses enseignements et ses guérisons ont forgé sa renommée comme l’une des plus grandes figures spirituelles de son époque.

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