Épisode 46 : Des profondeurs...
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Épisode 46 : Des profondeurs...
Siegfried réalise qu'il a laissé échapper plus qu'il ne voulait en dire. Et aussi qu'il a parlé plus fort qu'il le pensait.
- Rien.
- Comment ça, rien ?
- Rien, je te dis. Oublie ce que je viens de dire.
- Non, Siegfried, tu ne m'auras pas comme ça. Que voulais-tu dire quand tu parlais de renoncer à son âme ?
Il s'agite.
- Rien du tout, je disais n'importe quoi. Oublie ça, je te dis.
- Si c'était n'importe quoi, alors pourquoi l'as-tu dit ?
Il fixe son regard sur elle.
- Tu vas m'enquiquiner encore longtemps ? Si je te dis d'oublier, oublie.
- Oui bien sûr, je vais oublier. Comme je vais oublier que tu m'as demandé de passer la main à deux hommes pour s'occuper de toi... de fond en comble. Comme je vais oublier quand je vais te voir t'éloigner... dépérir... et puis t'en aller. Comme je vais oublier qu'un jour, les enfants n'auront plus de père. Comme je vais oublier que Heinrich va devoir te succéder alors qu'il ne sera encore qu'un gamin. Oui, je vais oublier. Si c'est ça que tu veux, oui, je vais oublier. Au fond, c'est ça que je devrais faire : oublier. Oublier tout.
Et puis un jour, oublier que j'ai aimé un humain, que j'ai vécu parmi les humains, et repartir d'où je viens...
Mais ça, elle ne le dit pas.
- Je suis désolé, Mélusine. Ce n'est pas ce que je voulais dire.
- Décidément. Il semble que tu te trompes souvent de mots ces derniers temps. Je ne sais pas ce qui t'arrive, Siegfried, mais il y a en toi quelque chose qui ne va plus du tout. N'essaie pas de prétendre que tout va bien, que tout est comme avant. Que tu as juste fait une mauvaise rencontre et attrapé une mauvaise fièvre. Tu ne trompes personne, tu sais. Et surtout pas moi.
Un moment de pause.
- Alors, maintenant, dis ce que tu veux vraiment dire.
Les secondes passent. Lourdes. Compactes.
- Ce que je veux vraiment dire... c'est qu'il vaut mieux que tu n'en saches pas trop sur cette histoire.
- Pourquoi ?
Encore des secondes lourdes.
- Parce que si tu savais, ça nous détruirait.
- Qui ça, "nous" ?"
- Toi, moi. Nous deux.
Elle émet encore ce petit rire sarcastique.
- Tu ne crois pas que ça fait déjà assez d'hypocrisie comme ça ? Tu ne crois pas que si notre couple n'est pas encore détruit, il est déjà bien endommagé avec ton vœu et avec tout ce qu'il t'a apparemment amené à faire ? Si ton vœu a un lien avec cette histoire, quelle qu'elle soit, qui s'est passée il y a quinze ans, alors tu ne crois pas que cette histoire nous a déjà fait tout le mal que tu redoutes ?... Alors au stade où nous en sommes, autant me dire ce qu'il en est, tu ne crois pas ?
Qu'au moins, si ça vaut encore la peine de me battre, je sache contre quel ennemi je me bats...
Siegfried entrouvre les lèvres, les referme, respire, réfléchit à ce qu'il peut dire et à la meilleure manière de le dire. Puis il se redresse.
- J'ai commis une grave erreur il y a quinze ans. Et on dirait que plus j'essaie de rattraper les choses, plus je les aggrave et plus je détruis tout autour de moi... Pourtant j'essaie seulement de réparer les choses. Pourquoi faut-il qu'en essayant de réparer, je fasse souffrir les gens que j'aime ?... Ce n'est pas ça que je voulais. J'ai fait un vœu de pénitence et d'abstinence juste pour essayer de réparer ce que j'ai commis. Le vœu que j'ai fait, il ne concerne pas seulement que toi. J'ai fait vœu de me passer de tout ce que j'aime en ce monde. Toi, bien sûr... Mais aussi tout ce qui me fait plaisir. La nourriture que j'aime. Une bonne bière. Monter à cheval. Même un lit confortable... Tout ce que j'ai toujours aimé.
Le cœur de Mélusine saute un battement. Elle réalise que le problème de Siegfried est beaucoup plus grave, plus étendu et plus profond que tout ce qu'elle imaginait.
- Et aussi te soigner quand tu es malade ?
- Pas au-delà du nécessaire. Normalement, je devrais avoir le courage de dormir sur le carrelage sans même une couverture. Prie pour qu'un jour je puisse avoir ce courage.
Mélusine prend vraiment peur.
- Et tu vas te rendre la vie douloureuse jusqu'à quand, Siegfried ?
Il soupire.
- Je ne sais pas... Je n'en sais rien. Jusqu'à ce que je sois sauvé. Jusqu'à ce que Dieu me fasse signe que je suis délivré. Je ne peux pas dire quand je le serai. Je ne peux même pas dire si je le serai jamais un jour. Si Dieu pourra jamais me pardonner.
- C'est le Père Adalbéric qui te demande de faire tout cela ?
Siegfried lève la tête pour lui lancer un regard d'avertissement.
- Ne parle surtout de rien de tout ceci au Père Adalbéric. Il n'est au courant de rien. C'est moi qui ai pris mes propres décisions.
- Mais ne ferais-tu pas bien de lui en parler ? Il est prêtre, non ?
Siegfried a un rire bref à la limite du mépris.
- Après ce que j'ai fait, le Père Adalbéric ne peut rien faire pour moi. Personne ne peut rien faire pour moi. C'est à moi d'agir - à moi seul.
Mélusine se rapproche.
- Mais que peux-tu bien avoir fait de si grave pour que personne ne puisse rien faire pour toi ? Pas même le Père Adalbéric ?
Le regard de Siegfried commence à prendre cette teinte rouge sang si redoutée de tous à la Petite Forteresse, et même de Mélusine elle-même, depuis son retour de Koerich.
- Ne cherche pas à en savoir plus.
Un rugissement sous-jacent a déjà commencé à modifier sa voix. Mélusine prend peur. Elle sent qu'elle doit être prudente si elle ne veut pas que la situation se retourne et devienne incontrôlable. Mais elle ne peut pas le laisser ainsi. Elle doit comprendre ce qui se passe, même si elle réalise que ça la dépasse.
Son cerveau cherche à relier les événements les uns aux autres et avec leur conversation, à déchiffrer le mystère. Un vœu incompréhensible sorti de nulle part. Cette fièvre qui s'éternise. Lui qui, selon toute vraisemblance, refuse de se laisser soigner comme il en aurait besoin. Une obsession de se sauver lui-même, quitte à blesser tout le monde autour de lui. Mais de se sauver de quoi grands dieux ?... De quoi, de qui ? D'une erreur commise il y a quinze ans. Quinze ans... l'époque de leur mariage. Tiens, justement... Quand il a commencé à s'assombrir. Quand l'obscurité a commencé à le disputer à la belle lumière qu'elle a toujours aimée chez lui et qui ne cesse de se raréfier. Quand l'a-t-elle vu sombre pour la première fois ? Elle fouille dans ses souvenirs, explore un passé la plupart du temps tenu pour acquis. Il venait d'arriver à la Petite Forteresse qui venait tout juste d'être construite... Elle se souvient... Elle était au sommet, sur les remparts. Il arrivait en bas par cette fameuse route toute neuve... le visage illuminé de bonheur... Et quand il l'a rejointe sur les remparts, il était sombre comme jamais.
Mais bien sûr ! Idiote qu'elle est, comment n'y a-t-elle pas pensé beaucoup plus tôt ? Comment cela ne lui est-il pas venu tout de suite à l'esprit, elle qui y repense pourtant si souvent ? Le marchand ambulant. Le magicien noir. Ce château surgi de nulle part en une seule nuit à la place du vieux fort. La nuit de terre, de peur, de terreur, qui a précédé... Tout se tient, tout est lié. Un frisson lui parcourt l'échine. Ce n'est pas le froid. C'est la peur. Mais elle doit s'accrocher. Elle ne peut pas se permettre le luxe d'abandonner. Siegfried est en danger, et probablement elle-même aussi, les enfants aussi et tout le monde aussi à la Petite Forteresse. Même si Siegfried lui a fait mal au-delà de tout ce qui peut s'imaginer, même s'il l'a traînée plus bas que terre, et même si maintenant elle commence à avoir vraiment peur pour l'avenir, elle doit absolument passer outre. L'enjeu est trop important - il est vital.
Elle calcule la distance entre elle et la porte pour s'échapper au cas où... Heureusement, dans son état, Siegfried ne serait pas bon à grand-chose pour l'en empêcher non plus. À l'intérieur, elle sourit tristement au rapprochement qu'elle est en train de faire. Mais elle devra en cas de besoin être rapide et avoir des réflexes.
- Siegfried... L'homme à qui tu parlais en bas du château le tout premier jour il y a quinze ans, ce n'était pas un marchand ambulant, n'est-ce pas ? C'était un magicien noir ? C'est lui qui a construit ce château en une nuit, n'est-ce pas ? Le prix à payer, c'est que désormais tu dois faire tout ce qu'il te commande de faire ?
Et immédiatement, une autre fulgurance. Koerich... "Prie pour moi, je vais en avoir besoin". "Je dois y aller seul". L'état dans lequel il est revenu... Sa fièvre inexpliquée. Son dépérissement jusqu'à ce jour. Son vœu incompréhensible, y compris la blessure qu'il lui a infligée... Mais bien sûr. Comment n'a-t-elle jamais compris ?
- Et à Koerich, c'est lui que tu devais rencontrer, n'est-ce pas ? Le magicien noir ?
Les yeux de Siegfried sont bien rouge sang maintenant, et il rugit sourdement.
- Tu as déjà compris trop de choses, Mélusine...
Est-ce une menace ? En tout cas ça y ressemble de très près. Que serait-il capable de faire encore ?
Musique : Jon Hopkins - Forever Held
Crédit images : toutes les images publiées dans cette Creative Room sont mes créations personnelles assistées par IA sur Fotor.com, retouchées sur Microsoft Photos