Épisode 49 : Fanatisme
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Épisode 49 : Fanatisme
Les années passent, et c'est l'intuition de Mélusine qui se confirme plutôt que les espoirs de tous à la Petite Forteresse.
En effet, la piété et la ferveur religieuse de Siegfried ne lui apportent pas la paix attendue et tant espérée. Pourtant il en fait de plus en plus, jusqu'à s'auto-infliger jeûnes extrêmes, flagellations et macérations. Siegfried ne sent pas en lui ce déclic, ce soulagement, cette libération du cœur messagère de sa délivrance.
Son rôle à la Petite Forteresse, et cette dernière elle-même d'ailleurs, lui font de plus en plus horreur. Ce qu'il faisait auparavant avec une certaine fierté, et aussi avec l'enthousiasme de la découverte et du développement - ce qui lui permettait alors de tenir à distance d'inévitables arrière-pensées - lui pèse maintenant comme une corvée. Il s'en occupe par devoir, mais sans plaisir. La vue sur la ville du haut des remparts ne fait que le remplir d'amertume.
Même son maintien a changé. Il garde encore son port droit de cavalier, mais il perd de sa prestance, parfois il se voûte comme s'il portait le poids du monde, ses traits se creusent et se marquent, le blanc dans sa chevelure s'étend par plaques entières et il prend des rides. Il prend un grand coup de vieux qui choque tout le monde.
Il continue à se piquer de religion, plus que jamais, mais cela n'adoucit pas son caractère et ne le rend pas plus compréhensif. Au contraire, cela ne fait que le rendre plus dur et plus exigeant vis-à-vis de son entourage. Il se met même en tête de contrôler la conformité morale du comportement de tous les habitants de la Petite Forteresse jusqu'à se montrer intrusif, et il émet même des décrets du même ordre concernant la ville.
Même le Père Adalbéric s'en inquiète, et pas seulement parce qu'il trouve que le comte Siegfried est en train de lui piétiner ses plates-bandes. Il a beau se réjouir de voir monter le niveau d'exigence morale autour de lui, il n'en trouve pas moins le zèle de Siegfried intempestif et peut-être même contre-productif. Et surtout il trouve que le message que Siegfried transmet est un message de peur du mal et du danger de se perdre plus que celui de la joie d'être sauvé. Le Père Adalbéric le rappelle à chaque sermon, à Noël et à Pâques notamment, mais rien n'y fait. Il commence même à s'inquiéter et à trouver la religiosité de Siegfried malsaine, lui qui au départ l'avait bénie de tout son cœur et n'y avait vu que du bien.
Il le trouve (et non sans raison) tyrannique avec sa progéniture :
- Que vos enfants vous craignent et vous respectent, comte Siegfried, c'est normal et c'est ce qui doit être pour un père, mais qu'ils soient terrorisés par vous, cela ne devrait pas être, vous devez leur laisser une chance d'aimer leur père.
Il s'étonne également de la froideur qu'il affiche vis-à-vis de son épouse, même si en public, Siegfried limitait depuis toujours ses démonstrations d'affection. Auparavant, en dépit de la discrétion de rigueur, ses sentiments pour elle rayonnaient malgré lui - réciproquement aussi d'ailleurs - et cela fut le cas pendant de nombreuses années, jusqu'à inspirer l'envie de beaucoup de leurs pairs. Leur couple en était devenu une quasi-légende dans la région. Mais ces dernières années, il semble que ce ne soit plus guère le cas. Il s'en pose même des questions sur la comtesse Mélusine : manque-t-elle à ses devoirs ? Lui est-elle infidèle ? Est-elle d'une quelconque manière à l'origine du changement si radical qu'il constate chez son mari ? Le Père Adalbéric ne peut pas s'empêcher d'y penser : ne connaît-on pas l'influence des femmes sur le comportement des hommes ? Après tout, déjà au paradis terrestre, Ève... Alors, certes, la comtesse Mélusine est elle aussi bien triste et mélancolique ces dernières années, mais n'est-il pas possible que ce soit parce qu'elle se sait coupable de quelque chose ? et de quelque chose de grave ?...
Le pire de tout, c'est qu'aucun des deux ne lui confie quoi que ce soit lors du sacrement de pénitence.
De la part de la comtesse Mélusine, il n'est pas surpris outre mesure. Jamais elle n'a fait obstacle ni au baptême de leurs enfants, ni à leur instruction religieuse, ni à l'administration des sacrements, certes - mais le problème avec elle, c'est que le Père Adalbéric n'est pas bien sûr de ses motivations. Il a bien tenté de l'instruire en matière de religion, mais elle ne s'y est jamais montrée très réceptive pour elle-même et cela ne lui a pas échappé. Il n'est pas sûr qu'elle soit si bonne chrétienne que cela - ni même, en fait, qu'elle soit chrétienne tout court.
Après tout, personne n'a jamais vraiment su d'où elle vient, ni qui est sa famille. Quand le Père Adalbéric est arrivé à Lucilinburhuc pour prendre charge de la chapelle du tout nouveau château et pour célébrer le mariage de Mélusine avec le comte Siegfried, elle était déjà là. Elle faisait d'ores et déjà partie du paysage. En fait, il n'a fait qu'entériner une situation qui existait déjà avant son arrivée, même si on ne lui a jamais parlé à l'époque que de fiançailles et même si l'un comme l'autre des mariés lui ont toujours assuré avoir eu une relation chaste avant leur mariage. En son for intérieur, il est toujours resté sceptique à ce sujet, même s'il ne l'a plus jamais soulevé par la suite et même s'il doit bien admettre qu'aussi petit soit-il, un château est toujours bien assez grand pour permettre à deux personnes isolées d'y mener des vies séparées. Les feux de l'amour chez deux jeunes gens désireux de passer leur vie ensemble ont largement de quoi en faire décider autrement, surtout quand les familles ou le regard des autres ne sont pas là pour y mettre le holà. Mais, bon, puisque ces deux-là étaient désireux de se mettre en règle vis-à-vis de la morale et de ne pas, ou plus, vivre dans le péché, il a fermé un œil sur ce qui a bien pu se passer (ou pas) avant, il a célébré leur mariage bien sagement comme ils le lui avaient demandé et même s'il ne croyait tout le reste qu'à moitié, il a fait semblant de rien.
Il a tout de même pris note de l'absence des familles, et notamment de celle de la jeune fille, pendant la cérémonie. Aucun père, aucun oncle, aucun frère ni autre parent masculin pour conduire la mariée jusqu'à l'autel. Juste la mère du comte Siegfried, âgée et souffrante - que l'on n'a plus revue par la suite - pour y conduire son fils et être l'un des témoins. L'autre étant un ancien frère d'armes du comte. Voilà une cérémonie bien intime pour le mariage d'un seigneur. Même les gens du peuple se marient avec plus de décorum : au moins les familles des mariés participent, voire le village entier... étrange.
Et surtout, Mélusine était différente et cela sautait aux yeux. Elle l'est toujours d'ailleurs... et reste un mystère aux yeux de tous. Certes, sa différence tient à un ensemble de plusieurs caractéristiques physiques dont pas une seule, prise isolément, ne permet de tirer de quelconques conclusions. Mais prises toutes ensemble, elles dessinent un tableau tout de même bien étrange...
Il a bien essayé de tirer un peu plus d'informations sur ses origines, mais elle ne s'est jamais montrée très diserte et il n'a jamais réussi à en savoir grand-chose. Une chose lui paraît sûre, c'est qu'elle n'est pas de la région, mais au-delà de ça, il n'en sait pas plus. Comme tous ceux et toutes celles qui ont tenté de l'interroger. Elle est farouche, sauvage, ne parle guère, fuit les gens. Il n'est pas normal d'être aussi peu sociable. Aurait-elle quelque chose à cacher ? En premier lieu sur la façon dont elle est arrivée dans le pays et sur la raison pour laquelle elle se retrouve ici ?... Siegfried a bien essayé de concocter une vague histoire d'orpheline étrangère en fuite, mais même si tous y souscrivent ou en font mine, elle comporte de grosses lacunes.
Quoi qu'il en soit, le Père Adalbéric n'est pas surpris de ne recevoir aucune confidence concluante de la part de la comtesse Mélusine. Mais de la part du comte Siegfried, par contre, c'est plus étonnant.
Il est certes beaucoup plus assidu au sacrement de pénitence ces dernières années qu'il le fut pendant longtemps, mais tout ce qu'il confesse se résume à des péchés somme toute véniels dont le pardon peut être obtenu en expédiant deux Pater, trois Ave et un acte de contrition. Des péchés dont il semble au Père Adalbéric qu'ils reflètent plus qu'autre chose un excès de sévérité de Siegfried envers lui-même. Mais le prieur garde l'impression persistante, qui ne fait que s'accentuer, que le comte Siegfried ne lui dit pas tout. Qu'il garde des choses par-devers lui, et que ce qu'il garde par-devers lui, c'est justement l'essentiel.
Il a du mal à s'expliquer ce regain de ferveur apparemment sorti de nulle part, surtout aussi extrême, et Dieu sait s'il s'est trituré le cerveau pour chercher à en comprendre la cause. Sa maladie peut-être ? Tout le monde à la Petite Forteresse y pense peu ou prou. A-t-il eu à un moment donné la sensation que sa vie était en danger ? Pourtant le physicien a toujours assuré que ce n'était pas le cas, même s'il est bien en peine d'expliquer la cause ou la nature de l'affection dont le comte a souffert. Siegfried aurait-il eu des visions lors de sa maladie ?
Une chose est sûre, c'est que c'est à ce moment-là que son comportement a commencé à changer - notamment vis-à-vis de sa femme. Quelles raisons pourrait-il avoir de vouloir s'éloigner d'elle ? Jusqu'à lui refuser tout accès physique à sa personne alors que pourtant ils sont mariés "devant Dieu et devant les hommes" selon la formule consacrée ?
Est-ce par rancune envers elle qu'il se montre si dur envers leurs enfants ?...
Lors des séances de confession, le Père Adalbéric tente bien d'orienter le comte Siegfried sur tous ces sujets. En vain. Siegfried esquive - il arrive toujours à esquiver. À chaque fois. Et à chaque fois, la confession se limite à quelques péchés véniels sans grande importance, alors même que le Père Adalbéric est convaincu que Siegfried a en réalité bien plus à dire que ça. Bien plus grave aussi...
Ce que le Père Adalbéric ne sait pas, ce que personne ne sait, ce que personne ne comprend, pas même Mélusine même si elle est la seule à connaître une partie de son secret - et encore n'en connaît-elle qu'une partie... - c'est que désormais la vie religieuse et spirituelle de Siegfried n'est plus qu'une fuite éperdue et une course d'obstacles, dans laquelle chaque sacrifice, chaque privation, chaque mortification, chaque châtiment auto-infligé et chaque acte de contrôle sur la conduite d'autrui est un obstacle envoyé en travers de la route de ses poursuivants dans une tentative désespérée de ralentir leur course et de pouvoir ainsi leur échapper au moment fatidique.
Spirituellement, Siegfried n'est plus qu'un gibier poursuivi par les chasseurs dans une forêt hostile. Un gibier que personne n'aidera mais que tout le monde abandonnera à la meute des chiens de chasse si jamais on le sait poursuivi. Il est une proie qui doit cacher qu'elle est une proie, et qui n'a droit à aucune aide parce qu'elle a mis toute la faune en danger en attirant le chasseur. Un chasseur qui l'a retenue en lui promettant de la nourriture et un abri - qu'elle ne trouvait pas ailleurs et que personne d'autre ne lui donnait. Un chasseur qui l'a piégée pour l'enfermer en attendant de la dévorer vivante, mais la proie s'est enfuie de sa cage, et maintenant elle ne peut plus s'arrêter de fuir si elle veut garder une chance de s'échapper et de survivre.
Jusqu'à quand ?
Musique : Liubomyr Prask - The End Is Near
Crédit images : toutes les images publiées dans cette Creative Room sont mes créations personnelles assistées par IA sur Fotor.com, retouchées sur Microsoft Photos