Chapitre 7 : Une petite frayeur
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Chapitre 7 : Une petite frayeur
Une immense silhouette noire se profilait devant moi, obscurcissant mon champ de vision.
Tout son être était drapé de noir : des vêtements sombres, des lunettes opaques qui dissimulaient ses yeux. Mon instinct de survie prit le dessus et je reculai précipitamment de trois pas, seulement pour heurter la porte d’entrée dans un choc sourd. Mon corps tout entier se mit à trembler, des spasmes douloureux se propageaient le long de ma colonne vertébrale comme des décharges électriques incontrôlées. Mon sac m’échappa des mains et tomba lourdement au sol, le bruit résonnant comme un coup de tonnerre dans le silence oppressant de la pièce. La panique m'envahissait, mes jambes devenaient du coton, et seule la rambarde à laquelle je m'accrochais de toutes mes forces m'empêchait de m'écrouler.
C’est alors que l’homme fit un geste inattendu : il ôta lentement sa casquette et retira ses lunettes. Mes yeux s’écarquillèrent de stupeur en reconnaissant son visage. Brandon.
C’était lui, dissimulé sous cet uniforme de sport. Le soulagement mêlé à la surprise me fit presque vaciller.
— Hé, ça va ? Demanda-t-il, l’air préoccupé.
— Tu m’as fait une de ces peurs ! M’écriai-je, la main plaquée sur ma poitrine pour tenter de calmer les battements de mon cœur.
— Je suis désolé, répondit-il avec une moue contrite. Je ne pensais pas que quelqu’un serait encore là à cette heure. Si j’avais su que tu travaillais aussi tard, j’aurais laissé une lumière allumée.
— Ce n’est pas grave, bredouillai-je, encore secouée par la frayeur. J’avais du travail en retard, voilà pourquoi je suis restée plus longtemps.
— Tu es sûre que tout va bien ? Tu es toute pâle, insista-t-il, ses yeux sondant mon visage avec une inquiétude sincère.
— Oui, oui, tout va bien, tentai-je de le rassurer, même si je savais que ma voix trahissait mon trouble.
— Non, je ne te crois pas, dit-il fermement. Suis-moi !
— Ce n’est vraiment pas nécessaire, je t’assure, c’est juste de la fatigue, insistai-je, tentant de retrouver un semblant de contrôle sur la situation.
— Je préfère en avoir le cœur net. Ne discute pas, suis-moi. Je ne vais pas te manger, plaisanta-t-il.
Cette dernière remarque me fit rougir. La dernière fois qu’il avait employé cette expression, les choses avaient pris une tournure que je préférais oublier. Malgré moi, je le suivis, mes pas hésitants m’entraînant derrière lui jusqu’à une petite salle que je reconnus comme étant l’infirmerie.
— Assieds-toi, sur la table d'auscultation. Je reviens, tout de suite, ordonna-t-il d’un ton qui n’admettait aucune réplique.
Obéissante, je m’installai sur la table, les jambes pendantes dans le vide. Le temps sembla s’étirer alors que j’attendais, le bruit de ses pas se perdant dans le couloir. Il revint bientôt, les bras chargés de sacs de glaçons. Une expression de surprise se peignit sur mon visage.
— Pourquoi avoir ramené tout ça ? Demandai-je en pointant du doigt les sacs.
— Pour te rafraîchir. Tu as eu des bouffées de chaleur, tout à l’heure. Ne me dis pas le contraire, je t’ai observée, répondit-il en haussant un sourcil.
— Ce n’est rien, comme je te l’ai dit, c’est probablement juste la fatigue accumulée et le stress de ces derniers jours, tentai-je de minimiser.
— Et la nuit que nous avons passé la dernière fois n’aide sûrement pas, j’imagine, dit-il, un sourire en coin.
— Euh… Dis-je extrêmement mal à l’aise.
Je ne savais que répondre. La gêne envahissait mon visage, mais il n'en démordait pas.
— Je le savais, poursuivit-il. Écoute, je vois bien que tu n’arrives pas à passer à autre chose, et c’est ma faute. Je n’aurais jamais dû agir de la sorte, c’était déplacé.
— Je te l’ai déjà dit, c’est déjà oublié, mentis-je, cherchant à clore cette conversation embarrassante.
Son sourire se fit plus doux alors qu’il s’approchait de moi avec un sac de glaçons. Doucement, il le posa sur mon front, la fraîcheur se répandant sur ma peau comme un baume apaisant. Je fermai les yeux, savourant ce répit, ce moment suspendu hors du temps. Je savais que cette intimité était éphémère, un éclat fragile dans la réalité dure qui ne manquerait pas de nous rattraper.
Je restai ainsi un long moment, respirant profondément, jusqu’à ce que j’ouvre les yeux. Brandon était toujours là, sa main sur mon front, ses yeux scrutant mon visage avec une intensité que je trouvais déconcertante. Je restai immobile, prise au piège par ce regard.
— Tu vas mieux ? Demanda-t-il doucement.
— Oui, murmurais-je simplement.
Il retira sa main, et je ressentis immédiatement un vide, une absence qui me fit presque regretter d’avoir parlé. Il se détourna pour poser le sac de glaçons sur la table et se lava les mains.
— Si ça ne va pas mieux demain, reste chez toi, d’accord ? Proposa-t-il, son ton redevenu professionnel.
— Bon sang… Brandon… Je ne suis pas malade, c’est juste de la fatigue, répondis-je en secouant la tête. Et je ne veux pas faire de favoritisme vis-à-vis des autres employés.
— Ce n’est pas du favoritisme, je prends soin de tous mes employés, Victoire, tout ne tourne pas le monde autour de ton petit nombril, fit-il en souriant légèrement.
Je levai les yeux au ciel pour dissimuler mon sourire.
— Peut-être, mais après ce qui s’est passé la dernière fois, permets-moi d’en douter, répondis-je en détournant le regard.
— Je comprends, dit-il. Il est tard, et nous commençons tôt, demain. Je vais te raccompagner jusqu’à ton appartement ?
— Je peux rentrer seule, mais merci, dis-je en tentant de retrouver mon calme.
— Non, assez discuté. Je te raccompagne, et c’est mon dernier mot, trancha-t-il.
Avant que je ne puisse protester davantage, Brandon sortit de la pièce. Je descendis de la table d'auscultation et le suivis dans le couloir. Brandon m’attendait à la porte, une cigarette allumée entre les doigts, l’air détendu, comme si la soirée ne prenait pour lui aucune tournure inattendue. La fumée s’élevait en volutes paresseuses autour de sa tête, et je ne pouvais m’empêcher de penser à quel point il semblait maître de la situation. Cette assurance naturelle, qui émanait de lui, avait un effet à la fois rassurant et troublant sur moi.
— C’est parti ? Demanda-t-il.
Je soupirai, résignée. Il était inutile de protester davantage. Il m’était évident que Brandon ne céderait pas. Peut-être qu’une partie de moi n’avait pas vraiment envie qu’il le fasse. En silence, nous quittâmes le bâtiment, laissant derrière nous le faible écho de nos pas sur le sol carrelé.
Dehors, l’air de la nuit était frais et piquant. Une légère brise caressait mon visage, dissipant un peu de la chaleur qui avait envahi mes joues depuis notre rencontre dans le couloir. Nous commençâmes à marcher, côte à côte, dans la rue déserte. Les lampadaires diffusaient une lumière tamisée, projetant nos ombres allongées sur le bitume. L’absence de voitures et de passants donnait une étrange impression d’intimité, comme si le monde entier s’était mis en pause juste pour nous.
Le silence entre nous était lourd, mais pas inconfortable. Brandon semblait absorbé dans ses pensées, ses mains enfoncées dans les poches de son manteau, tandis que je luttai pour contrôler les battements erratiques de mon cœur. Les événements de la soirée tourbillonnaient dans mon esprit, mais une question me taraudait plus que les autres.
— Pourquoi insistes-tu pour me raccompagner ? Demandai-je enfin, rompant le silence.
Brandon tourna la tête vers moi, un sourire en coin.
— Parce que je me soucie de toi, Victoire. Tu ne devrais pas être dehors si tard, seule, après une journée comme celle-ci.
— Une journée comme celle-ci ? Répétai-je, sceptique. Qu’est-ce que ça veut dire ?
— Tu sembles tendue, fatiguée. Ce n’est pas bon de rester dans cet état, surtout pas quand on a tant de responsabilités.
— Ce n’est rien, assurai-je, essayant de minimiser mes sentiments. Juste un peu de fatigue accumulée et du stress. Rien d’inhabituel.
Il secoua la tête, un air presque amusé sur le visage.
— Tu n’es pas obligée de tout porter toute seule, tu sais. Parfois, il est bon de partager ses fardeaux.
Je restai silencieuse, surprise par la sincérité de ses paroles. La nuit enveloppait maintenant la rue dans une pénombre rassurante, et je pouvais sentir le froid s’infiltrer sous ma peau. Brandon, à mes côtés, était comme une présence réconfortante, solide. Malgré mes réticences, une partie de moi était reconnaissante de ne pas être seule.
Nous arrivâmes enfin devant mon immeuble. Le petit portail était éclairé faiblement par la lumière vacillante d’un néon. Je m’arrêtai, cherchant mes clés dans mon sac, le silence retombant entre nous. Brandon me regardait avec une intensité qui me fit frissonner.
— Merci de m’avoir raccompagnée, dis-je doucement.
Il hocha la tête, mais ne fit aucun mouvement pour partir. Son regard soutint le mien, et pendant un bref instant, il sembla sur le point de dire quelque chose d’important. Mais au lieu de cela, il sourit simplement, un sourire qui n’atteignit pas tout à fait ses yeux.
Je commençais à ouvrir le portail quand je sentis sa main saisir mon poignet. Une décharge de chaleur me parcourut. Mon regard se planta dans le sien. Ses yeux semblaient brûler d’une intensité nouvelle
— Tu veux quelque chose ? Demandai-je, ma voix vacillante sous l’effet de la nervosité.
— Tu ne m’invites pas à entrer ? Murmura-t-il.
— C’est que… je ne vis pas seule, balbutiai-je, cherchant une excuse. J’habite chez ma tante pour l’instant, jusqu’à ce que ma situation financière se stabilise.
— Parfait, alors je ferai sa connaissance, répondit-il avec un sourire qui me déstabilisa davantage.
Je lui rendis un sourire crispé et ouvris le portail, me dirigeant vers l’entrée de l’immeuble. Brandon me suivit de près, et nous prîmes l’ascenseur ensemble. Arrivée à mon étage, je me précipitai vers ma porte, cherchant mon trousseau de clés pour ouvrir.
— Bonsoir, tante Suze ! Lançai-je d’un ton que j’espérais enjouer.
— Coucou, ma bichette… Commença-t-elle avant de s’interrompre, les yeux s’écarquillant en voyant Brandon à mes côtés.
— Je te présente mon patron, Brandon, dis-je en faisant les présentations. Brandon, voici ma tante Suze, la sœur de mon père.
— Enchanté de faire votre connaissance, madame, dit-il en tendant une main courtoise.
— Moi de même, répondit ma tante, légèrement froide, mais polie.
À ma surprise, elle ne fit aucune remarque désobligeante, et je la remerciai silencieusement pour sa retenue. Je craignais une réaction beaucoup plus vive, connaissant son caractère protecteur.
— Puis-je vous débarrasser de votre manteau ? Demanda-t-elle, reprenant son rôle d’hôtesse.
— Oui, merci, répondit Brandon en enlevant son manteau et en le tendant à ma tante.
— Vous voulez quelque chose à boire ou à manger ? Proposa-t-elle.
— Non, merci, je ne fais que passer, répondit Brandon, son sourire toujours aussi charmeur.
— Bien. Vous ne resterez pas trop longtemps, j’imagine, étant donné l’heure tardive, répondit tante Suze.
— Non, non, je ne veux pas m’imposer, dit-il avant de se tourner vers moi. Nous reparlerons demain, Victoire. Repose-toi bien.
— Merci, à demain, répondis-je, soulagée qu’il ne reste pas plus longtemps.
Il se dirigea vers la sortie, et ma tante lui emboîta le pas pour le raccompagner. Une fois la porte refermée, elle se tourna vers moi, un sourcil levé.
— Ton patron ? Vraiment ? Demanda-t-elle en croisant les bras.
— Oui, répondis-je, feignant l’innocence. Pourquoi ? Quelque chose ne va pas ?
— Non, rien… C’est juste que je me demande pourquoi il a jugé bon de t’accompagner chez nous si tard, c’est tout.
— Oh, c’est une longue histoire, je t’en parlerai plus tard, soupirai-je, déjà épuisée par la tournure des événements.
Elle me jeta un regard scrutateur avant de hocher la tête, comme si elle avait décidé de ne pas insister. Je la remerciai mentalement pour sa discrétion, même si je savais qu’elle ne laisserait pas tomber aussi facilement. Demain, elle m’interrogerait sans doute sur ce qui s’était passé. Pour l’instant, j’étais simplement heureuse de pouvoir me retirer dans ma chambre et m’échapper de cette soirée éprouvante.
Je me glissai sous mes draps, tentant de chasser les images de Brandon qui tourbillonnaient dans mon esprit. Sa présence, son sourire, le ton de sa voix… Tout cela résonnait encore en moi. Mes pensées s’embrouillaient, alternant entre la peur et une inexplicable excitation.