Chapitre 17
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Chapitre 17
Mes yeux le fixent et je déglutis en cherchant mes mots.
- Salut, je finis par bafouiller.
- Ca va ? Je peux entrer ?
Comme par réflexe, je sors en chaussettes sur le paillasson et tire la porte derrière-moi.
- Tu ne peux pas entrer.
- Ah ok…
- Je ne suis pas seule, dis-je sans réfléchir.
- Ah ? Ok.
- Qu’est-ce que tu veux ? Pourquoi tu es venu ici ?
- Je voulais te voir. Parler. Savoir comment tu vas…
- Ca va, je réponds. De quoi voulais-tu parler ?
- Je pense beaucoup à toi en ce-moment, me dit-il enfin.
- Ah ? Je ne peux pas en dire autant.
Je ne mens qu’à moitié. Pourvu qu’il ne se rende pas compte que je ne suis pas tout à fait honnête.
- Et donc ? Tu voulais me voir juste pour me dire ça ?
- Je pensais qu’on pourrait discuter, que tu m’inviterais à prendre un café.
- Je ne bois plus de café.
- Autre chose m’ira très bien.
- Je te l’ai dit, je ne suis pas seule. Et puis je n’ai pas envie de te faire entrer. Tu n’as plus rien à faire ici.
- Ok, fait-il en ouvrant grands les yeux. Je vois que tu es fâchée après moi.
Non, il me dit ça sérieusement ? Il croyait que j’allais l’accueillir à bras ouverts et me pelotonner contre lui ?
- Tu as changé de coiffure, remarque Mickaël en montrant ma tête du doigt.
- Et ça me fait un bien fou.
- Ca ne te va pas aussi bien que…
- Tu voulais autre chose ? je l’interromps.
- Je pensais qu’on pouvait peut-être déjeuner ou diner ensemble, un de ces jours.
- Hmm…
- Tu peux au moins y réfléchir.
- Ca y est j’ai réfléchi. C’est non. Je peux y aller maintenant ?
- Je n’ai pas changé de numéro, si tu veux m’écrire ou m’appeler tu peux.
- Qu’est-ce que tu veux exactement ? je m’énerve en haussant le ton.
Il sourit en se frottant l’arrière de la tête.
- Tu me manques. Beaucoup. Et j’aimerais qu’on se revoie.
- Je n’y tiens pas. Pas du tout. Ta copine ne s’occupe pas suffisamment de toi ?
- Disons que ça n’a pas très bien fonctionner entre nous… Et je me suis rendu compte que je n’avais pas été correct avec toi.
- Sans blague, j’ironise en levant les sourcils.
- Je comprends que tu ne me fasses plus confiance, mais je vais me racheter. Je ferais plein d’efforts, c’est promis.
- Inutile de réciter ton charabia. Il est trop tard. Et j’ai rencontré quelqu’un.
Il écarquille les yeux. La stupéfaction le laisse bouche-bée.
- Et il est très bien, je précise.
- Tu n’as pas été longue à me remplacer.
- Est-ce que tu viens de dire, ce que je crois que tu viens de dire ? j’articule sans en croire mes oreilles.
- Je pensais que tu aurais plus de mal que ça à te remettre de notre rupture. Tu ne devais pas tenir tant que ça à moi.
Abasourdie, je fais demi-tour et rentre chez moi en lui claquant la porte au nez. Est-il vraiment venu jusqu’à chez moi pour me parler ? Considérer que je l’ai vite remplacé et que je ne tenais pas à notre histoire ? Après tous ces mois à avoir sombrer dans les abysses de la dépression. A avoir pensé à tous les moyens possibles de mettre un terme à ma souffrance et à ma détresse.
- Espèce de con, je râle en retirant ma veste.
Je passe une main dans mes cheveux en me laissant tomber sur le canapé. Dans l’aquarium, Surimi nage et monte parfois à la surface pour s’amuser avec sa balle de ping pong.
En venant devant ma porte cet imbécile m’a perturbé. Il me fait de nouveau penser à des choses qu’il ne faut pas. Mon sourire des derniers jours s’est évanouit et un flot d’idées négatives envahit mon esprit.
Comme chaque fois que ce genre d’épisode survient, je contacte Aurélie. Elle doit être en plein travail, mais peut-être que j’aurais la chance qu’elle puisse répondre.
- Ma Loulou, merci, tu me donnes un prétexte pour aller me faire un café. L’autre a piqué les stylos. Il n’y en a plus un seul. Je suis sûre que c’est elle. Il y en avait plein hier et là plus un seul. Il ne reste qu’un capuchon. Qui pique tous les stylos et oublie un capuchon ? Elle est louche. J’te dis, un truc ne tourne pas rond chez elle. Bref, ça va toi ?
- Moui… je dis peu convaincante.
- Qu’est-ce qui se passe ? Je connais ce ton tristounet. Un problème avec Rick ?
- Non, tout va bien. Il m’a parlé du changement d’eau. Je le ferais dimanche. Il va me prêter une pompe samedi.
- Quel changement de quelle eau ?
- Mickaël est venu me voir, je dis d’un coup.
Il y a un blanc qui s’étale sur deux ou trois très longues secondes.
- QUOI ? crie Aurélie.
J’éloigne le portable de mon oreille.
- Qu’est-ce qu’il est venu faire ? Qu’est-ce qu’il t’a dit ? Si y a besoin de lui régler son compte, tu me le dis. Tu te souviens que j’ai fait trois ans de boxe et quatre ans et de karaté. S’il faut je viens lui faire une tête au carré. Je peux le massacrer ! s’écrie-t-elle menaçante.
- Il voulait me parler. Prendre un café. Il m’a dit que je lui manquais et qu’il voulait me revoir.
- Autre chose ?
- Il m’a reproché de l’avoir remplacé très vite. Je lui ai dit que j’avais rencontré quelqu’un. Je ne sais pas pourquoi j’ai raconté ça… Selon lui je ne tenais pas tant que ça à notre couple.
- Redonne-moi son adresse.
- Heu, pourquoi ?
- Quelle question. Pour que j’aille le tuer ! Je ferais ça proprement, il ne souffrira pas longtemps. Enfin, pas très longtemps.
- Lili, je dis en souriant tristement.
- Je sais, tu vas dire que ça n’en vaut pas la peine. Mais ça me fera tellement de bien de lui casser la figure puis de le faire agoniser avant de…
- Arrête tu vas me faire faire des cauchemars ! je lui crie en fermant les yeux. Et j’ai besoin de toi près de moi, pas en prison.
- Je crois que j’ai de la violence en moi. Entre ma stagiaire et ton ex, je peine à la contenir.
- Tu as pensé à cogner dans le punchingball à la salle de sport ?
- Il n’y en a pas. Faudrait que je retourne à la salle de boxe. L’idéal ce serait que je tabasse quelqu’un, ça me défoulerait. Je vais peut-être retourner y faire un tour. Il te reste une photo de Mickaël ?
- Une photo ? je répète étonnée. Heu, non. Enfin peut-être. Je ne sais pas.
- Si tu en trouves une, pense à moi. Elle me sera bien utile.
- Tu vas l’encadrer ? je m’amuse.
- Non je la collerais sur le punchingball !
Cette fois je ris franchement. Aurélie a vraiment un don pour me faire rire en toute circonstance.
- Tu as pensé à t’acheter une poupée vaudou pour planter des aiguilles dedans ? En te concentrant sur Mickaël au moment où tu piques je suis sûre que ça pourrait fonctionner. Il aurait des trous partout, ajoute Lili d’un ton sadique. Oh non, elle m’appelle…Faut que j’y retourne. J’espère qu’elle n’a pas profité que je prenais un café pour tout casser. L’informaticien veut même plus me répondre à force que je l’appelle. Oui, j’arrive ! crie finalement Aurélie. Bon je te laisse, on se rappelle tout à l’heure ma loulou. Bisous.
- Bisous, je dis avant qu’elle raccroche.
Je profite d’avoir mon téléphone dans les mains pour me prendre en photo. Je réalise plusieurs selfies ou je mets ma nouvelle coiffure en valeur. Je sélectionne mes deux favorites et les envois à Aurélie.
En attendant d’avoir sa réponse, je vais dans la cuisine et cherche ce que je vais prendre pour le déjeuner.
Une assiette de riz et quatre kiris plus tard, je reviens sur mon canapé. Aurélie m’a répondu et je n’ai même pas entendu.
Lili : AHHHH mais tu es trop canon !!!
Je ne me souvenais plus que le blond t’embellissait autant.
Et ta coupe est topissime !
Il manque juste un sourire et tu atteindras la perfection.
Lou : Mickaël m’a dit que mon ancienne coiffure m’allait mieux…
Lili : Mickaël a des goûts de chiotte !
Tu es MA-GNI-FI-QUEUH !
Rick va tomber à la renverse quand il va te voir.
Même moi j’ai failli tomber de ma chaise et me retrouver les quatre fers en l’air !
Ses messages me rassurent. J’espère qu’effectivement Rick me trouvera jolie. Je ne l’ai pas fait pour lui, mais si ma nouvelle coupe lui plait ça me fera encore plus plaisir.
Durant l’après-midi, alors que le gros coup de mou est toujours présent, j’ai une subite envie de rangement. Moi qui ai horreur du désordre, j’ai laissé beaucoup d’affaires s’accumuler ces derniers moi. La flemme s’est invitée puis installée.
Je mets de la musique douce et commence par déblayer ce qui traine sur le buffet et la table basse. Je profite pour passer un coup de plumeau sur les meubles et place le mini cactus bien en évidence pour le voir dès que je regarde vers l’aquarium.
- Tu es tout beau là, je dis à la plante en tournant le pot encore un tout petit peu vers la droite.
Après un désencombrement rapide du salon, je vais directement dans la pièce qui me sert de bibliothèque. Des étagères pleines de livres décorent les murs. Je les retire, dépoussière, souffle sur quelques couvertures et remets tout en place.
Je décide de terminer cette session de rangement et ménage par un tri d’un meuble à deux portes, installé en face de ma bibliothèque. Je tombe alors nez à nez avec un journal intime qui remonte à l’année de mes seize ans. D’autres carnets sont empilés et remplis des mots que j’écrivais dans mon adolescence. J’en rouvre un et lis quelques lignes. Quand je le referme, je décide de sortir tous mes carnets et les feuillettent rapidement jusqu’à tomber sur deux qui sont encore vierges. Mon reflexe de me mordiller les lèvres revient. Je me relève et retourne dans le salon en emmenant les deux carnets avec moi.
- Regarde ce que j’ai trouvé, je lance à Surimi en lui montrant mes carnets. Ils sont beaux et tout neuf. Tonton Rick m’a dit que je devrais recommencer à écrire. Mais je ne sais même pas par où commencer…
Je les pose sur la table basse et vais chercher l’aspirateur pour le passer dans toutes les pièces. Loin d’être maniaque, je l’utilise assez rarement. Bien trop rarement selon mes parents. Mais je passe un coup de balais, parfois. J’avoue ne pas me souvenir de la dernière fois que je l’ai passé, mais c’est suite à tous ces médicaments et pas du tout parce que ça remonte à longtemps.
Lorsque j’ai terminé et remis l’aspirateur à sa place, je ne pousse pas l’effort jusqu’à sortir la serpillère. Mes sols seront lavés une autre fois. Je reprends mon portable pour vérifier l’heure et vois que j’ai reçu un nouveau message de Rick.
Rick : Je peux te dire quelque chose ?
Curieuse, je réponds qu’il peut, évidemment.
Rick : Je n’ose pas…
Je réfléchis quelques secondes à ce qu’il pourrait ne pas réussir à me dire et une raison inconcevable me vient en tête. Je tape à toute vitesse mon idée en espérant me tromper.
Lou : Tu as terminé le livre et tu n’as pas aimé ! Je suis sûre que c’est ça !
Mais n’aies aucune inquiétude, tu as le droit de ne pas aimer Amélie Nothomb.
(Juste que je risque de te noyer dans l’aquarium de Bubulle et Coco pour la peine)
Rick : Comment fais-tu pour toujours être aussi drôle ?
En plus tu m’as dit être dépressive.
Et tu arrives à être drôle ET dépressive à la fois.
Tu es une Superwoman !
Sa réponse me fait retrouver le sourire. Néanmoins, il n’a pas dit que je faisais erreur et qu’il avait adoré sa lecture.
Rick : Mais non, rien à voir avec le livre.
Au passage je l’ai terminé tout à l’heure et lire ses pages a été un vrai bon moment.
Je vais en commencer un autre ce soir.
Lou : Vraiment ? C’est génial ! Je suis trop contente !
Tu as bien aimé alors ? Et tu avais compris le subterfuge ?
Rick : Oui. J’avais des doutes, arrivé à la moitié du livre.
C’est un très bon roman qui m’en donne envie d’en lire d’autres d’elle.
Je remue les jambes, toujours assise sur le canapé, satisfaite qu’il ait apprécié le livre. Mais je ne sais toujours pas ce qu’il voulait me dire…
Lou : Si tu as aimé le livre, tu n’as aucune raison d’avoir peur de me dire quoi que ce soit. Ta vie n’est plus en danger.
Il m’envoie un smiley qui rigole.
Rick : Je suis nul pour ça… pour trouver les bons mots.
Mais en gros je voulais juste te dire que je pense beaucoup à toi.
En lisant le message, le rouge me monte aux joues et je sens mon cœur battre un peu plus vite.
Qu’est-ce que je dois répondre ? Je réfléchis. J’hésite. Tape quelques caractères. Les efface. Tape une autre phrase… et envoi avec les doigts légèrement tremblants.
Lou : Je pense beaucoup à toi moi aussi.