Chapitre 9
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Chapitre 9
Dans la salle de bain, je brosse mes dents en pensant à ce que je dois acheter aujourd’hui. Il me faut d’abord les balles de ping pong. Très important. C’est même essentiellement pour ça que je vais mettre le nez dehors. Et puisque je vais sortir, autant en profiter pour faire quelques courses. Ca m’évitera d’y aller en début de semaine.
Mon portable sonne. Ma mère répond à ce que je viens de lui envoyer. J’ai pris soin de photographier Surimi dans son nouvel aquarium. Puis j’ai réalisé une petite vidéo d’une dizaine de secondes où on le voit nager.
Comme c’est beau, ça égaye ton salon.
Pfff, je me retiens de râler juste parce que j’ai la brosse à dent dans la bouche. Elle aurait pu dire que mon poisson est beau, plutôt que parler de mon salon. Lorsqu’elle viendra et le verra nager de ses propres yeux, elle pourra l’admirer dans toute sa splendeur et admettre que ce n’est pas qu’une décoration.
Je passe rapidement sous la douche pour me laver en vitesse. Un shampoing plus tard, je mets un jean et un autre sweat pris dans ma collection.
— Maman va faire des courses, je dis en passant devant l’aquarium. Tu es sage et ne profite pas pour faire des bêtises.
Mon sac à main sur l’épaule et mon tote bag dans la main, j’ouvre la porte et sors pour aller jusqu’à ma voiture.
Arrivée au SuperU, je prends un panier et cherche directement le rayon des jouets où pourraient être les balles. Elles ne sont vendues que par quatre. Au moins Surimi aura de quoi s’amuser. Evidemment, je vais me racheter des boîtes de kiris, des sachets de bonbons et exceptionnellement j’ajoute un pot de nutella. Pour prouver à Aurélie que je ne me laisse pas complètement aller, je prends deux soupes de légumes en briques et même un lot de trois avocats. Un pack de lait, des cookies, une plaquette de beurre et me voilà déjà à la caisse. Pendant que j’attends, je sors mon téléphone de ma poche et vois une notification. Rick m’a répondu et je souris sans même m’en rendre compte. Je pose mes articles rapidement sur le tapis et me dépêche ensuite de les ranger dans mon cabas et de payer. Avec mon pack de lait à la main je marche vite jusqu’à ma voiture.
Une fois assise derrière le volant, je reprends mon portable et ouvre internet pour aller lire le message privé.
Message privé de Rick à Lou - 06-04-2022 – 13h09
Haha j’adore ton histoire. Donc Surimi a eu le plaisir d’atterrir chez toi grâce à une promotion ? Je croirais presque que c’est une blague de premier avril. Je trouve ça génial qu’après seulement quelques jours tu te sois autant attachée à lui. Surtout que rien ne permettait d’anticiper cette alchimie entre vous. Mais je comprends. Les poissons sont des animaux tellement fascinants. Certains disent qu’ils ne sont pas comparables à des chats ou des chiens. Mais je trouve qu’une vraie relation peut se nouer avec eux. Mais tu sais de quoi je parle…
Tu l’as réellement surnommé « ton p’tit chat ? » Quel surnom affectueux.
Comment je suis tombé dans l’aquariophilie ? Et bien pour faire simple, c’était la grande passion de mon père. J’ai eu mes premiers poissons à six ans. Un aquarium de 100 litres avec des poissons voiles japonais dans ma chambre de petit garçon. Mais il y avait deux autres aquariums dans l’appartement. Le premier avec des poissons d’eau douce et l’autre d’eau de mer. J’ai baigné et grandis entourer d’écailles et de nageoires. Alors forcément ça a laissé des séquelles irréversibles. J’ai deux aquariums chez moi… Le premier avec Bubulle et Coco et le deuxième avec des poissons d’eau douce (tu as peut-être vu les photos sur le forum ?)
Tu me vois ravi que Surimi ai intégré son nouvel aquarium. Comment est-il ? Il nage ? Part à la conquête du décor ? Il va enfin avoir un espace digne de ce nom. Ca va lui changer la vie.
Pour le miroir, non, il n’est pas question d’estime de soi (marrant que tu penses à ça) en réalité certaines espèces de poissons apprécieraient d’avoir des miroirs (surtout les betas, aussi appelés les combattants) mais il parait que ce n’est pas très « bon » pour eux. Des poissons pourraient être déstabilisés par l’usage des miroirs. J’ai lu plusieurs choses sur le sujet, des personnes sont pour, d’autres contre. Personnellement j’en ai un sur l’un des côtés de l’aquarium de Bubulle et Coco. Et ils s’en moquent royalement !
Hmm, je me dis maintenant que l’idée du miroir n’est pas le meilleur conseil que je t’ai donné. Laisse peut-être ça de côté pour le moment. Surimi s’éclatera beaucoup plus avec sa balle qu’avec son reflet…
Le message que m’a écrit Rick est long. Trop long pour que je le lise entièrement dans ma voiture. J’ai envie de rentrer et de rentrer chez moi pour voir la réaction de Surimi avec son nouveau jouet.
Dès mon arrivée, je lui parle depuis la porte d’entrée en retirant mes tennis.
— Maman est rentrée et j’ai des cadeaux pour toi mon p’tit chat !
En chaussettes, je rejoins le salon et sort les balles de mon sac pour lui montrer à travers la vitre.
— Tada, surprise. Je vais juste les nettoyer et je t’en donne une. Avant je range juste mes courses.
Je pose mon sac dans la cuisine et mets les fromages au réfrigérateur. Le pot de nutella sur la table, les avocats dans la corbeille à fruit. Les sachets de bonbons je les garde pour les mettre sur la table basse du salon.
— Un petit coup de produit aux balles et je reviens.
Dans la cuisine, j’imbibe l’éponge de vinaigre blanc, mon produit fétiche. Je frotte les balles et les rince abondamment.
— Me voilà. Tu es prêt ?
J’ouvre le couvercle doucement et Surimi nage jusqu’à la surface. Il doit croire que je vais encore lui donner à manger, mais non, il va être déçu. Je pose doucement la balle à la surface de l’eau et referme le couvercle.
Je tire une chaise et m’assois devant l’aquarium pour l’observer. Surimi est intrigué. Il tourne autour de la balle et la déplace légèrement.
— Ca te plait ? Il faut dire merci à Rick. C’est son idée. D’ailleurs il m’a répondu, attends je vais te lire son message. Alors…
Je fais défiler mes doigts sur mon écran de téléphone pour rouvrir son dernier message privé.
— Il commence par : haha, j’adore ton histoire…
Dans la suite que je n’avais pas lu dans la voiture, Rick me demande ce que j’écris. Il précise qu’il adore lire. Qu’il est passionné par les livres en plus des poissons et qu’il travaille dans une maison d’édition.
— C’est incroyable. Il aime les livres lui aussi, je m’enchante en continuant de sourire.
Sans perdre de temps, je lui réponds que j’ai acheté les balles et que Surimi semble intrigué. Qu’il tourne autour. Que je le vois explorer son nouvel environnement. Que le moulin bulleur avec ses ailes qui tournent à l’air de beaucoup l’amuser. Que je l’ai vu regarder la petite caverne sans oser y entrer. Mais surtout j’insiste sur le fait que Surimi nage et que ça me remplit de joie. J’ajoute que ça devait être passionnant de grandir avec un père aquariophile. Et je lui demande la différence entre poisson d’eau douce et d’eau de mer. Et à laquelle des catégories appartiennent les poissons rouges. Je l’informe que le chauffage de mon aquarium est réglé à 15°. Est-ce qu’il peut me confirmer que c’est une température correcte pour lui ?
Une fois le sujet des poissons clos, je passe à notre deuxième passion commune. Les livres. La lecture. Je lui écris que ça doit être fantastique de travailler dans une maison d’édition. Que je travaille moi-même dans une bibliothèque. Et que j’aime énormément mon métier. Aussi curieuse que lui, je le questionne sur la maison d’édition pour laquelle il travaille. Puis je me confie sur mes rares écrits. J’explique que j’écrivais surtout dans mon adolescence. Que certaines personnes m’avaient encouragée à proposer mes manuscrits à l’édition mais que je n’ai jamais oser franchir le cap. J’aimais écrire des histoires avec des animaux. Mon intérêt pour les bêtes a toujours eu une place importante dans ma vie. Ma première histoire s’appelait « Les mémoires de Mistigri. » Elle racontait la vie d’un chat, de sa naissance dans un jardin à ses vieux jours chez Mamie Huguette. En même temps que je lui écris, je ressens une sorte de pincement au cœur. En dehors d’Aurélie, de mes parents et quelques copines du lycée, personne n’est au courant que j’écrivais. Le cercle des personnes m’ayant lu est infiniment petit.
J’envoie le message et regarde Surimi qui continue à tourner autour de la balle.
— Il est gentil Rick. Tu ne trouves pas ? Vraiment je le trouve très sympa.
Mon poisson cesse de s’occuper de la balle et vient devant la vitre.
— Oh. Ne me regarde pas comme ça. Et ne fais pas comme Lili, ne t’imagine pas des choses. J’ai bien le droit de dire qu’il est gentil, non ?
Au milieu de l’aquarium, il reste sur place puis recommence à nager doucement. Juste pour voir, je m’approche et fais glisser mon doigt sur la vitre comme me l’a suggéré Rick. Ma surprise est grande lorsque Surimi vient vers mon index et qu’il le suit dès que je le déplace.
— Tu veux jouer mon p’tit chat ? Allez essayons de nous occuper ensemble.
Mon doigt glisse de droite à gauche, puis de haut en bas. Et Surimi le suit. Je ris en le voyant. Les poissons sont vraiment des êtres extraordinaires.
Je passe le reste de ma journée sur le canapé à lire mon livre. Après des semaines à ne pas réussir à me concentrer sur une lecture, voilà que j’arrive à suivre les lignes et à entrer dans l’histoire. Le dernier Amélie Nothomb ne restera pas comme mon favori, mais il mérite que lui ai accordé de mon temps.
Le soir, j’informe Aurélie que j’ai terminé ma lecture. Sa réponse arrive sans attendre. Elle se réjouit que j’ai recommencé à lire. Apparemment ça prouve que je commence à emprunter la voie de la guérison. Je ne vois pas bien de quoi elle parle, mais si ça lui fait plaisir de le croire.
En mangeant mon avocat, je retourne sur le forum où Rick m’a renvoyé un message privé. J’apprends qu’il est éditeur pour la maison Le diamant mauve. Ne la connaissant pas, je cherche tout de suite des informations sur internet. Le diamant mauve publie beaucoup de documentaires. Les thèmes de la nature et des animaux ont l’air d’être leur tête d’affiche. Forcément, si Rick travaille dans ce domaine, c’est qu’il doit aimer les animaux et pas seulement les poissons. Encore un point commun entre nous ! Il est touché que je me confie sur mes écrits et me demande si Mistigri dont j’ai raconté l’histoire a existé. Il a retenu que je faisais de l’allergie au chat et me précise que lui fait des réactions aux plumes. Qu’elles lui déclenchent des crises d’asthme. J’aime bien l’idée qu’il me parle d’autre chose que de poisson. Que nos sujets d’échanges s’élargissent et que nous apprenions peu à peu à faire connaissance. Loin de moi l’idée de m’intéresser à lui. C’est juste que… Bon d’accord, peut-être qu’il commence à beaucoup me plaire. Lui. Et pas seulement ses poissons.