Epilogue
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Epilogue
Jeudi 1er avril 2024
Mon excitation est à son comble. Je gigote sur mon siège à côté de Rick qui reste concentré sur la route.
— Tu crois que tu vas réussir à rester assise jusqu’à ce qu’on arrive ?
— Je ne suis pas sûre, j’avoue en me tortillant un peu plus.
J’ai déjà ôté mes ballerines et je me suis assise en tailleur.
— Tu crois qu’il va être mis en rayon ? Peut-être qu’ils n’auront pas eu le temps, ou que…
— Liloo. Oui il va être mis en rayon.
J’attrape un bonbon dur dans la petite boite en carton qui est dans ma poche et le glisse dans ma bouche.
— N’empêche que…
— Liloo. Il sera en rayon je t’ai dit.
— Ok, je murmure en suçant mon bonbon.
Nous arrivons au centre commercial de Thiais et Rick va se garer dans le parking extérieur. Je sors du véhicule et claque la porte en remettant ma deuxième ballerine. Je ne traine pas et avance déjà vers le bâtiment. Nous devons monter au premier étage et traverser tout un couloir pour arriver chez Cultura.
— Pourquoi tu as absolument voulu venir ici ? Il doit être disponible partout.
— Pour changer. Je vais toujours à la Fnac ou au Furet du nord. Et j’avais besoin de nouveauté. C’est la première fois que je vais entrer dans un Cultura, dis-je toute agitée.
Nous passons les portiques et je cherche tout de suite l’emplacement où sont rangés les livres.
— Je crois que c’est par là.
Rick me suit et nous faisons presque tout le tour du magasin avant de trouver le rayon livres.
— En même temps, c’est très mal indiqué, j’argumente pour justifier mes lacunes en orientation.
Dans le rayonnage des nouveautés francophone, il y a le dernier Guillaume Musso. Le nouveau livre de Marc Lévy. La dernière sortie de Franck Thilliez. Mes yeux descendent en parcourant les différentes couvertures, jusqu’à s’arrêter net. Je fixe le livre qui est juste en dessous de Virginie Grimaldi.
— Oh mon dieu, je m’écrie en mettant mes mains sur ma bouche. Il est là, j’ajoute en montrant le livre à Rick.
Mon attitude le fait rire. Il attrape un exemplaire et le tient de manière à ce que la couverture soit sous mon nez. Elle est magnifique. Tellement que j’hésite à saisir le livre dans mes mains, comme s’il risquait de disparaitre.
Poisson d’Avril. Le titre était une évidence. Comme la couverture. J’en ai passé du temps avec le photographe à positionner correctement le bocal pour que Surimi soit immortalisé sous son meilleur profil. Il a fallu prendre des dizaines de clichés avant que j’en trouve un suffisamment beau. J’avais récupéré l’eau de son aquarium pour la mettre ensuite dans le bocal et je l’ai déplacé d’environnement juste le temps de la séance avec le photographe. Je me suis excusée des millions de fois pendant plusieurs jours auprès de mon p’tit chat pour lui avoir fait subir ça. Mais il n’a pas eu l’air traumatisé par la petite heure qu’il a repassé dans son bocal. Ne voulant pas provoquer de conflit, ni de jalousie entre mes deux amours, j’ai également fait photographier Tarama. Elle a été incluse dans le fond de la quatrième de couverture, juste en dessous du résumé. Pour me faire pardonner de cette courte aventure, je leur avais acheté la veille des vers de vases vivants. Un évènement. Rien que penser avoir eu ces petites bêtes dans mon réfrigérateur m’a poussé à le laver tous les jours à l’eau de javel pendant une semaine. Rick se moquait de moi gentiment, mais je ne pouvais pas m’en empêcher.
— Il est beau. Non pas beau, magnifique. Il est parfait, je continue en fixant mon livre.
Oui, mon livre. Le mien. Rien qu’à moi. Qu’aujourd’hui je laisse entre les mains de mes futurs lecteurs. Je leur offre ce bien si précieux. Ma guérison. Mon changement de vie.
Déjà deux ans que j’avais commencé à l’écrire. Il y en a eu des relectures et des discussions autour de la table entre Rick, Aurélie et moi pour parfaire mon manuscrit. Dès qu’il a été prêt, j’ai refusé que Rick utilise ses contacts. Comme n’importe quelle auteure qui voulait se lancer, j’ai envoyé mon histoire à plusieurs maisons d’édition. Et moins de six mois plus tard, j’allais dans le 5ème arrondissement de Paris, rue Saint-Jacques pour signer mon contrat.
— Tu te rends compte que c’est moi qui l’ai écrit ?
— Je m’en rends compte. J’en ai même eu la preuve. J’ai fini par arrêter de compter les nuits que tu passais devant ton ordinateur plutôt qu’avec moi dans le lit.
C’est vrai que j’en ai passé beaucoup du temps à écrire. A relire. A corriger. A remodeler certains chapitres. A changer la chronologie de l’histoire. Dans mon premier jet, je commençais par ma rupture avec Mickaël. Puis en pleine nuit, un certain mois de septembre 2022, j’ai pensé que non, je ne devais pas commencer par ça. Ca m’avait valu presque une réécriture totale pour que l’ensemble reste cohérent.
— Et maintenant ? On reste là à l’admirer dans le présentoir ?
— Je l’achète ! je décide en le gardant contre moi. Hors de question que je reparte sans.
— Tu sais que tu vas recevoir un carton avec une vingtaine d’exemplaires ?
— Oui. Mais je veux me l’acheter, je précise d’une petite voix.
Il est tôt et il n’y a personne lorsque j’arrive devant la caisse. Sans y faire attention je pose le livre à l’envers et la quatrième de couverture est sur le dessus. La caissière le prend et je la vois qui me regarde. Ses yeux reviennent sur l’arrière du livre puis sur moi. Est-ce qu’elle me reconnait ? Il est vrai que je ressemble parfaitement à la petite photo…
— Douze euros cinquante. Vous payez comment ?
— Par carte bancaire.
Je compose mon code, retire la carte pour la remettre dans mon portefeuille. C’est seulement là que je réagis que Rick n’est plus à côté de moi. Je relève la tête et guette si je l’aperçois. Il revient vite avec un livre dans les mains.
— Désolé. Mais j’ai pensé que tu voudrais garder cet exemplaire pour toi et que j’avais intérêt à m’en acheter un aussi.
Je rigole en lui donnant un léger coup de coude. La caissière nous regarde encore, alors que Rick et moi rions en chœur.
— Vous payez comment ?
— Par carte.
— Tu aurais dû me dire que tu en voulais un, je te l’aurais acheté, je lui lance.
— Certainement pas.
Il retire sa carte bleue et la range.
— Merci, bonne journée, dit Rick à la caissière qui continue de nous regarder comme si nous étions des extraterrestres.
— J’ai acheté mon livre, je chatonne en sortant du magasin. C’est tellement incroyable ! Pince-moi. Je crois que je rêve.
— Tu ne rêves pas, me confirme Rick en passant un bras sur mes épaules.
De retour dans la voiture, je retire encore mes chaussures pour me rasseoir en tailleur sur le siège.
— Attends, tu vas commencer à le lire maintenant ?
— Un peu que je vais commencer. Ce livre a l’air passionnant.
— C’est vrai. Je préférais l’acheter là qu’il y en avait, avant que ce soit un best-seller et qu’il soit en rupture partout.
Il me taquine et il fige le sourire que dessinaient déjà mes lèvres.
Je tourne la première et lit la dédicace.
A tous ces animaux qui redonnent un sens à la vie de leurs humains.
J’ai presque une petite larme au coin de l’œil en tournant la deuxième page où le titre est écrit en gros.
Rick a commencé à rouler, il a même mis la radio mais je m’en rends à peine compte. Mes yeux lisent déjà la première phrase.
« Tout a commencé, ce jour où j’ai voulu aller m’acheter un petit cactus… »