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Chapitre 36 : Rien ne fait le poids face à deux cœurs séparés

Chapitre 36 : Rien ne fait le poids face à deux cœurs séparés

Published Sep 23, 2025 Updated Sep 23, 2025 Fantasy
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Chapitre 36 : Rien ne fait le poids face à deux cœurs séparés

Aaron souleva Morgan dans ses bras, et se dirigea vers la sortie de la cellule.

Enfin il allait quitter cet endroit... Cela faisait des années qu'il n'avait pas vu le monde extérieur.

- Repose-moi, je peux nager tout seul !

- Non, c'est dur de nager avec un seul bras.

- Tu veux dire que c'est plus simple si tu nages avec tes bras autour de moi que si j'avance par moi-même ? Ça revient à te laisser nager sans bras ! Tu prends trop soin de moi...

- Je ne veux pas que tu te blesses, alors ne me contredis pas.

- Je te rappelle que toi aussi tu as failli mourir. De plus, tu n'es pas sorti d'ici depuis des lustres... J'ai peur que tu vas t'épuiser si tu...

- Ne t'inquiète pas pour ça, mes chaînes étaient longues et ma cellule plutôt large, alors j'ai pu me maintenir en forme. Je ne bougeais plus depuis quelques jours seulement, lorsque j'ai abandonné tout espoir de quitter ce lieu, mais tu es arrivé, et mes forces m'ont immédiatement retrouvé.

- C'est ton imposteur qui m'a permis d'entrer ici pour te retrouver, je lui dois énormément de m'avoir aidé alors que je lui ai fait tant de mauvaises choses... Mais tu es sûr de vouloir le rencontrer ? Imagine ce qu'il fera quand il apprendra que tu es le prince légitime du royaume terrestre ! Je suis inquiet... Je ne veux pas qu'il te blesse, tu es mon meilleur ami...

- Je vais me débrouiller, ne t'en fais pas pour ça. Au fait... Tu m'appelles encore ton "meilleur ami" ?

- Quel est le problème ?

- Tu m'as avoué tes sentiments, et c'est réciproque... Ne sommes-nous donc pas des amants ? Je suis ton chéri, non ?

Morgan se détourna de lui vivement en entendant ces mots, et cacha son visage rouge de son bras valide, la mine contrariée.

- Quoi ?! s'exclama-t-il enfin, voyant qu'Aaron le regardait encore avec insistance, un sourire espiègle aux lèvres.

- Ton petit-ami, si tu préfères.

- Mmm. Tu es trop proche, pousse-toi !

- Non . Allez, regarde-moi, fit le prince en essayant d'écarter la main droite de Morgan afin que celui-ci arrête de cacher son visage.

- Tu vas encore te moquer de moi ! Non... Tu ris déjà !

- C'est parce que tu es adorable quand tu es en colère, tes joues sont rouges à cause de moi ?

- À cause de qui d'autre à ton avis ?!

- Je veux juste être ton petit-ami officiellement, c'est si dur que ça de m'appeler "chéri" ? fit Aaron en battant des cils.

Morgan finit par rire en le voyant ainsi, et le repoussa doucement, les sourcils froncés.

- Bon, si tu veux... Tu as gagné, "chéri", dit-il en l'imitant.

Le sourire d'Aaron s'élargit, rougissant lui aussi.

- Tu vois quand tu veux ! Même si j'avoue que je ne pensais pas que ça allait me faire tant d'effet... C'est pourtant moi qui t'ai demandé de m'appeler comme ça. Ah, j'aime tellement t'avoir dans mes bras...

Morgan ne répondit pas mais se blottit contre le torse d'Aaron, ses mèches grises occultant son visage. Le prince attrapa la main de son amant et y déposa un baiser. Il garda ses lèvres ainsi un petit moment avant de s'approcher de Morgan pour écarter ses mèches d'argent. Il fut surpris de le voir encore sourire contre son torse.

- Je vois que toi aussi, tu aimes être dans mes bras...

- Bien sûr que j'aime ça, sinon, je me serais déjà enfui depuis longtemps.

Aaron fit une caresse sur la joue de Morgan, et accéléra pour enfin atteindre la porte de sortie.

- Oh, c'est beau... murmura-t-il en ouvrant la porte. Ça faisait vraiment longtemps que je n'étais pas sorti de cette prison... Le château paraît tellement plus clair, toute cette lumière me brûle les yeux ! Le roi m'emmenait souvent dans sa chambre au début pour m'interroger, mais il a fini par venir en prison lui-même, voulant éviter de me détacher de mes chaînes car je grandissais à vue d'œil... J'ai dû lui faire peur, regarde comme je suis fort ! Sans magie...

Morgan éclata de rire :

- J'avais presque oublié à quel point tu aimes te vanter. J'ai toujours admiré ta confiance en toi.

- Je ne sais pas si c'est un compliment ou non, mais merci. Pour toi, je suis prêt à m'améliorer encore et encore. Et je suis peut-être arrogant, mais toi, tu es un vrai râleur, avec un caractère plutôt piquant. Tu es également très têtu, mais ça, c'est aussi mon cas.

- Eh !

- Ne t'inquiète pas, c'est pour ça que je t'aime encore plus.

- Je pensais que tous les humains me dégoûtaient, mais tu dois être une exception à la règle... Tu étais humain quand je suis tombé amoureux de toi, et même sous ta forme de triton, tu en restes un. Je sais bien que c'est bête de détester un peuple entier à cause de quelques personnes, mais... C'est dur pour moi de changer...

- Je t'ai donné envie de changer ?

- C'est tout ce que tu retiens de ce que je viens de dire ? Tu ne trouves pas que je suis...

- Je me moque de tes défauts. Ce qui m'intéresse, c'est si tu m'aimes ou non. Et te voir faire des efforts, c'est un grand pas en avant. Surtout si j'en suis la cause.

- Oui, tu peux être sûr que tout est à cause de toi. La première fois que je t'ai vu, j'ai immédiatement pensé qu'il y avait une chance que tous les humains ne soient pas si mauvais... Sans toi, je ne me serais même pas remis en question, mais quand tu as disparu, ces mauvaises pensées se sont accaparées de mon esprit. Je pensais avoir tenu bon, mais j'ai été faible de faire tout ce mal simplement à cause de mes blessures. Tu n'as plus intérêt à me quitter.

- Aucune chance, je te collerai toute ma vie. Et si tu ne m'aimes plus, je resterai à tes côtés pour te protéger même si tu ne me laisses pas m'approcher de toi. Je n'ai pas supporté ta perte. Cette solitude que j'ai ressentie ces dernières années a été un supplice, alors rien que voir ton visage, c'est déjà le paradis pour moi. Je me sens responsable envers toi. Je ne t'abandonnerai pas, tu ne seras plus seul pour affronter le monde.

- Merci, Aaron. Si ça peut te rassurer, je ne pense pas pouvoir me passer de ton affection pour moi. Tu peux être envahissant, mais j'aime ça. J'ai parfois peur d'être devenu trop dépendant de toi, regarde ce que j'ai fait le jour où ton double ne m'as plus observé avec insistance... Tu n'imagines pas à quel point ça m'a détruit de voir ton imposteur si joyeux en présence de ses nouveaux amis, ne m'adressant pas un seul regard, je suis tellement soulagé qu'il ne s'agissait pas de toi...! Maintenant que je le sais, la différence entre vous est flagrante : si lui ressemble plutôt à la lune (c'est d'ailleurs aussi mon cas), toi, tu es un véritable soleil. C'est ton caractère lumineux qui comblait le vide en moi... Je t'aime beaucoup trop pour te laisser tomber.

- Je ne devrais pas me réjouir de ça, mais je ne peux pas m'en empêcher... Continue à dépendre de moi, tu as bien vu que je suis dans le même état que toi. Voilà où mène la solitude. Je voulais voler ton cœur, mais je t'ai volé tout entier rien que pour moi...

- Je m'en moque. J'ai déjà accepté depuis longtemps que je t'appartenais. J'aimerais vraiment te rendre la pareille pour toutes ces années de prison que...

- Tu m'as déjà rendu la pareille il y a des années, et même plus, car le jour où je t'ai rencontré est le plus beau jour de ma vie. Comme je te l'ai dit, tu as transformé la prison qu'était le palais terrestre pour moi. Tu penses peut-être que si je ne t'aurais pas rencontré, j'aurais été heureux, mais c'est faux. La vie dans cette prison marine sans toi, c'est la même vie que je menais au palais lorsque je ne te connaissais pas encore. Les deux sont des prisons, et le pire, c'est que tu n'étais pas là. Ta voix quand tu t'énervais contre moi, le son de ta respiration et ton rire si sincère, c'est ce qui remplissait mon cœur de bonheur. Sans toi, je me sentais vide et seul. Tu pourrais même m'insulter si tu le voulais : tout est meilleur qu'avoir affaire à ce silence si pesant qui me hante encore dès que tu n'es pas là.

Aaron s'arrêta en sentant la main de Morgan sur son torse. Le triton la glissa vers le cou de son prince où était encore accroché son pendentif.

- Oh, j'avais oublié ton collier, reprends-le, tiens.

- Non, garde-le, Aaron... Je l'observais simplement car il te va bien. En fait, j'aimerais te l'offrir car je veux que tu aies mon nom sur ton cœur.

- Tu en es sûr...? C'est la seule chose qu'il te reste de ta mère...

- Oui, accepte ce cadeau de ma part, s'il-te-plaît. Ne refuse pas ce que j'ai de plus précieux, Aaron.

- Bon, d'accord, mais seulement si tu me promets de porter le collier que je t'offrirai avec mon nom gravé dessus.

- Avec plaisir, je suis tellement habitué à porter un pendentif autour du cou que je me sens nu sans... C'est étrange, j'étais tellement inquiet pour toi tout à l'heure que je n'avais même pas senti que tu me l'avais retiré pendant mon sommeil. Je ne l'ai compris que plus tard...

Le garçon suspendit sa phrase en l'air et se mit à tripoter le collier d'argent sur le cou de son ami, pensif.

- Tu sais... Je viens de me rappeler que c'est ce pendentif qui me permet de me transformer en triton malgré le fait que la mer m'a bannie. Peut-être que la mer m'a accepté à nouveau si je ne me détransforme pas.

- Peut-être... Je ne te l'ai jamais révélé, mais le jour où nous avons été séparés, j'ai failli abandonner mon rôle de prince. En me promenant la nuit alors que tu étais parti te coucher, j'ai voulu revenir te réveiller pour qu'on s'enfuie ensemble. J'avais beaucoup réfléchi, et j'ai eu peur de t'imposer le rôle de bras-droit, je ne voulais pas que tu te sentes emprisonné... C'était égoïste de ma part de ne pas avoir pensé à tes sentiments, je voulais t'avoir pour toujours près de moi car tu avais transformé la prison qu'était le palais terrestre. J'étais si bien que je n'ai pas pensé qu'en te gardant avec moi, je t'obligeais à vivre uniquement pour alléger mon fardeau... Je...

- Ne dis plus rien, chuchota Morgan en posant son doigt sur les lèvres du garçon. Tu m'es apparu tel un ange, et tu m'as rapporté dans ton univers fait d'or. Tu m'as offert ton amitié et un toit, que voudrais-je de plus ? Et tu m'as libéré pour un temps des personnes qui me blessaient... Je suis déçu de moi-même : comment ai-je pu croire une seule seconde que tu m'avais abandonné ?

- Oublions tout cela, fit Aaron en l'embrassant.

Tout à coup, ils virent le groupe de Blake devant eux, en compagnie du roi triton. Ce dernier était attaché à des chaînes contre l'une des colonnes du château.

- Ce...! s'écria Aaron, les traits tendus par la colère.

Il s'éclaircit la gorge et ajouta :

- Morgan... C'est ton père, alors j'aimerais te demander ton avis... ou plutôt ton accord. Je peux le tuer ?

- Fais ce que tu veux. Je ne pourrai pas le pardonner de t'avoir séquestré ici à ma place, il t'a presque tué tout à l'heure.

- Tu n'as qu'un seul bras valide par sa faute, et il a voulu t'enfermer pour la simple raison que tu es son fils. Il nous a séparés, il t'a blessé... La liste est longue, c'est certain. Je me retiens à peine, mais je ne peux pas te mettre en danger alors que tu es dans mes bras. Dès que possible, je te dirai de t'écarter de moi, et j'irai m'en débarrasser pour sûr. La question ne se pose même pas : il est coupable de trop de choses pour continuer à vivre dans l'insouciance.

Quand Lohan les vit, il sourit et fit signe aux autres de venir rejoindre Morgan et l'inconnu.

- Je suis content d'apprendre que ton ami va bien, lui dit le mage avec sincérité.

- Je me dois de vous remercier... Je n'aurais pas supporté sa mort, souffla Morgan, baissant le regard.

Blake soupira, et répondit :

- Quand j'ai vu ton désespoir, je n'ai pas pu m'empêcher de me voir en toi... Je choisis de te pardonner, mais seulement si tu ne t'approches plus ni de Poema, ni de mon royaume. Tu ne mérites pas la prison, c'est le roi des mers qui la mérite vraiment.

- Je comprends, honnêtement, j'aurais été plus dur avec toi si la situation serait inversée, alors merci...

Lohan s'avança lentement, l'air embêté.

- Je ne voulais pas le mentionner, mais je dois vous parler de ce qui s'est passé tout à l'heure. Les armes qu'employait le roi triton contiennent de la magie noire, et leur unique but est de tuer. Quelqu'un devait absolument mourir, et si Morgan n'avait pas pris le coup, son ami serait certainement mort. Je n'aurais rien pu faire, car la magie est impuissante face à la mort, mais aussi pour forcer ses sentiments sur quelqu'un (un philtre d'amour, par exemple, n'est que temporaire et éphémère). Dans des situations comme celle-ci, seules une affection profonde ou une forte confiance en soi peuvent agir. Tu n'as même pas senti la mort passer près de toi tant tu étais inquiet pour ton compagnon, vous avez vraiment eu de la chance.

Aaron écoutait Lohan, serrant son amant dans ses bras sans dire un mot. Il savait que Morgan l'aimait, mais l'entendre de la bouche des autres le rendait encore plus ému qu'il ne l'était déjà.

- Quand je l'ai vu au sol, j'ai pensé que les coups répétés du roi l'avaient...

- Ça l'a certes affaibli, mais ce n'était rien comparé à ce qui l'attendait. Tu n'imagines pas mon étonnement quand tu as reçu l'arme dans ton bras pour le protéger, et qu'il ne t'est rien arrivé. Tu aurais dû mourir sur le coup. Je pense que ton bras est celui qui est "mort" à la place de toi et ton ami, car l'un de vous aurait forcément dû disparaître. Tu as donc été bien plus utile que tu ne le pensais, Morgan.

- Pourquoi me dire ça maintenant ?

- Simplement pour t'informer que tes pouvoirs sont bien plus grands que tu ne le crois. Alors aies confiance, et tu n'auras plus de problèmes. Je sais maintenant que tes sentiments sont assez forts pour résister à la mort, et c'est admirable. Tu es un nouveau membre du clan des mages, n'est-ce pas ? Alors même si tu ne devrais pas revenir au royaume terrestre, je serai heureux de t'accueillir chez les sorciers. Cette histoire de mage du jour et de la nuit m'a intrigué, et j'aimerais te faire atteindre ton vrai potentiel.

- Pourquoi faire tout ça pour moi ? Je ne comprends pas...

- J'ai moi-même fait énormément d'erreurs à cause de mon maître qui me manipulait, et parfois, les évènements changent une personne. Je pense que tu fais partie de ces gens qui se retrouvent forcés à faire le mal car ils n'ont pas d'autre solution. Tu as fait tout cela pour rester fort, ton but de vengeance t'a permis de ne pas mettre fin à ta vie, je me trompe ?

- Comment...?

- Ah, je savais que j'avais raison. Regarde autour de toi : nous sommes tous dans un cas semblable, et chacun de nous a fait des erreurs. Nous n'avons pas le droit de te juger après ce que nous-mêmes avons causé. J'ai durant des années tenté d'oublier en utilisant la vengeance et les ordres de mon maître comme but, ça m'a permis de rester en vie comme toi car cela m'évitait de penser à ce qui me blessait. Seulement, ça m'a fait plus de mal que de bien, je retenais toute cette haine en moi sans la laisser partir. Lorsque j'ai enfin permis à cette haine de quitter mon corps, je me suis mis à guérir, et je pense que c'est ce qui vient de t'arriver. Tu as besoin d'un nouveau départ, ce n'est que là que nous comprendrons qui tu es vraiment.

- J'essaierai de me montrer à la hauteur de tes attentes.

- Parfait.

- Et, hum... Il est inconscient ? lui demanda Morgan en désignant le roi.

- Oui. Je l'ai mis hors d'état de nuire, la plupart des habitants marins sont au courant de la folie du roi grâce à nous. Le seul problème, c'est qu'ils n'ont plus de dirigeant, et bien sûr, la première idée qui leur est venue à l'esprit est de couronner Poema. Ils veulent qu'elle soit leur nouvelle reine.

- C'est exact, mais ni moi ni Blake ne sommes d'accord. C'est une mauvaise idée, car je veux régner au royaume terrestre avec lui, pas ici, acquiesça Poema.

- Pardon de vous couper, mais ça fait un moment que je me pose la question... Pourquoi le prisonnier que Morgan a sauvé ressemble autant à notre prince ? demanda Jack.

Un lourd silence suivi ses mots, car personne n'avait osé le demander.

- C'est plutôt moi qui devrais poser la question, marmonna Aaron.

Il n'avait pas parlé jusque-là mais brisa vite le silence une fois que la conversation fut dirigée vers lui.

- C'est-à-dire ? s'enquit Blake.

- Es-tu sûr de vouloir en parler maintenant ? J'ai pas envie que cet imposteur te touche...

- Ne t'inquiète pas, Morgan. Et puis c'est bien trop flagrant pour continuer à le cacher. Je suis le prince disparu du royaume terrestre : Aaron.

Stupéfait, Blake le fixa comme il aurait fixé son reflet dans le miroir. À quelques différences près, notamment les cheveux plus longs de l'inconnu, ils étaient identiques. Les paroles de son conseiller résonnèrent alors dans sa tête en écho.

"Tu n'es ni Aaron, ni son bras-droit, ni même un homme."

- Cette sirène t'a appelé "Blake". Qui es-tu ? Que s'est-il passé durant mon absence et où est ma sœur ?

Poema lui fit signe d'arrêter de parler car son fiancé était pâle comme la mort.

- Je crois que lui-même ne sait pas qui il est, murmura-t-elle simplement.

- J'ai une idée sur la question, mais ça me paraît trop beau pour être vrai... commença Aaron.

- Attends, ne dis rien. Je pense me rappeler de quelque chose. Mon conseiller en a parlé avant de mourir... Je... Non, en fait, aide-moi. Je n'y arriverai pas seul. Il m'a appelé "Perla". Est-ce que...

- "Perla" ?! Mais si tu es bel et bien Perla, pourquoi as-tu un corps d'homme ? Cela nous rend encore plus semblables l'un à l'autre... La magie doit y être pour quelque chose ! Non, ce n'est pas possible. Je n'y crois pas.

- Il a mentionné mon "véritable corps"... Il m'aurait aidé à devenir comme je le voulais...

- Je peux vérifier quelque chose ? intervint alors Lohan.

- Quoi donc ?

- Sous ta chemise, je dois regarder ton torse si tu me l'autorises.

- Ah ? Hum, pas de problème.

Le mage s'approcha de Blake, ouvrit la chemise de ce dernier et éclaira le torse du prince de sa main.

- Je le savais ! Je suis désolé de te l'apprendre, mais ton corps a été modifié. Le fidèle de mon maître a beau avoir totalement réussi à changer ton apparence, ma magie détecte des cicatrices qui ont été effacées sur ton torse. À part ce léger détail impossible à voir à l'œil nu, rien ne montre ton changement, Blake.

- Tu veux dire que...

- Oui. C'est étrange que je ne le savais pas alors que j'étais présent lors de la séparation des royaumes, je te connais, et pourtant, je ne pensais pas que ta mère a eu deux enfants... Peut-être que le fidèle de mon maître a effacé cela de l'esprit des autres, mais comme sa magie est plus faible que la mienne, certains s'en rappellent encore...? C'est sûrement pour cela qu'ils avaient tendance à te surprotéger, et que tu es devenu par la suite le meilleur fugueur du royaume pour leur échapper... En tout cas, cela expliquerait même pourquoi tu n'aimais pas ton prénom : tu n'es pas Aaron. Tu es sa sœur disparue. Cette fameuse Perla.

- Non... Dis-moi que c'est faux... Je... Je suis un homme ! Je l'ai toujours été !

Quand Morgan vit l'expression qu'avait Aaron, il s'écarta et lui sourit, semblant dire "Vas-y. Tu avais attendu ce moment tant de temps !". Celui-ci lui chuchota un merci et s'approcha de Blake.

- J'espérais vraiment que c'était le cas. Que tu étais Perla, ma sœur jumelle. Elle seule aurait pu me remplacer dignement dans mon rôle de prince. Elle a toujours voulu régner, et je l'aurais bien laissée si les règles idiotes du royaume terrestre obligeant d'avoir un dirigeant masculin n'existaient pas. J'ai voulu changer ça, mais j'ai été emmené ici le jour où j'ai voulu quitter le palais. Tu m'as bien entendu : je ne voulais pas régner, du moins pas là-bas. Ce n'est pas mon royaume, c'est le tien, et tu le mérites bien plus que moi. Pardonne-moi de ne pas avoir compris pourquoi tu voulais être prince à ma place : tu ne voulais pas seulement le trône, tu voulais aussi qu'on puisse voir ton véritable visage. Tu n'étais pas toi-même. Mais maintenant que je te revois aujourd'hui, tu peux en être certain : tu es devenu le prince que tu voulais être. Je vois enfin ta véritable personnalité, tu es toi-même et ne laisse personne te dire le contraire.

- Mais je ne...

- Si, tu es un homme. Le plus courageux que je connaisse. Et je sais que ce n'est pas totalement à cause de la règle qui oblige notre royaume à avoir un prince dirigeant et non une princesse : tu as toujours été un homme, et je le comprends en voyant à quel point tu es toi-même sous cette forme. Après tout, homme ou femme, tu restes l'unique famille qu'il me reste, rien n'a vraiment changé. Tu n'es pas obligé de dire au royaume terrestre que tu as jadis été cette Perla. De toute façon, nous étions trop petits à ce moment-là pour que le peuple nous différencie. Tu n'as qu'à dire que Perla était un garçon, ils penseront avoir déduit tout seuls que ce nom féminin appartenait à une fille. Maintenant, tu es Blake, et le reste n'a pas d'importance. La seule chose importante, c'est ton bonheur. Et je pense que tes amis t'acceptent déjà comme tu es. Regarde-les. Malgré tout ce qu'ils viennent d'apprendre, ils ne dégagent qu'un seul sentiment : ils s'inquiètent pour toi. Ce n'est pas grave si tu ne te rappelles pas de moi même si je suis ton frère. Je suis là pour toi quoi que tu fasses, et j'aurais dû avoir cette conversation avec toi bien avant. Pardonne ton frère qui était encore trop bête pour le comprendre avant. J'y pense depuis que Morgan m'a parlé d'un "imposteur". Je ne voyais personne pouvoir me remplacer à part toi, et je ne me suis pas trompé. Ai-je bien compris ce que tu ressentais ?

Disant cela, Aaron ouvrit les bras, et Blake se précipita pour le serrer contre lui.

Avoir oublié son frère jumeau, sa part manquante ? Jamais. Son cœur s'en rappelait si bien que le revoir avait déjà éveillé en lui de très fortes émotions. Oui, son esprit avait caché les souvenirs liés à son frère dans un coin de sa tête. Oui, Blake était tourmenté par des cauchemars et faisait tout pour ne pas se rappeler de ce qui s'était passé le jour où il a été nommé prince. Mais malgré tout cela, une seule mention de son ancien prénom et de l'existence de son frère suffirent à lui rendre la mémoire.

- Si c'est trop douloureux pour toi, n'y pense plus, fit Aaron.

- Non. Je me rappelle de tout, même si c'est encore un peu flou. Je suis... Je suis tellement heureux de te retrouver ! Je pensais que tu m'excluais des affaires royales parce que je n'étais pas l'héritier, j'étais si blessé que je n'ai même pas vu à quel point tu pensais à moi... Tu étais accablé par les lois de notre royaume, mais tu as voulu changer les choses, tu voulais que je règne ! Et tu viens de résumer à la perfection ce que je ressentais. Mot pour mot.

- Tu dois être fier de ton passé. Ce n'est pas parce que tu as reçu ce corps que tu es obligé de tout rayer de ta vie avant de changer. Enfin, fais comme tu le souhaites, je ne devrais pas...

- Non. Tu as raison. Je ne parvenais pas à accepter que le moi d'avant a réellement existé, il fait quand même partie de moi, et j'ai voulu l'effacer. Je... J'aimerais garder une trace de mon histoire, et si possible... J'aimerais retrouver les cicatrices qui gravaient mon corps en souvenir. Et surtout, retrouver mon frère, car il fait partie de ce passé, mais moi, je veux qu'il fasse aussi partie de mon présent et de mon futur.

- Pour les cicatrices, tu peux considérer cela comme fait, lui dit Lohan en agitant le bras pour les faire réapparaître.

- Ce fut rapide... Merci, Lohan.

- Avec plaisir, Blake. Le fidèle de mon maître t'aura au moins aidé à devenir toi-même. Je crains qu'il ne t'ait forcé à penser que tu étais réellement Aaron, mais au final, ton cœur l'a compris de lui-même dès le moment où tu as changé de prénom. Il est responsable de tes cauchemars, et de l'enfermement de tes souvenirs. Tu as dû accepter par désespération, mais ne prends pas le blâme sur toi.

Blake se tourna vers Poema, hésitant.

- Après avoir tout entendu, j'ai enfin compris ce qui te tracassais tant. Je suis heureuse de savoir que tu vas bien.

- C'est tout ce que tu as à dire ? J'avais un corps de femme, je...

- Peu importe, je t'aime Blake. Tu seras toujours mon prince et mon fiancé dans mon cœur. Tu n'as pas à t'en faire.

Ému, Blake s'approcha d'elle et la prit dans ses bras avec délicatesse. Elle caressa ses cheveux en souriant et puis s'écarta pour mieux le regarder.

- Cicatrices ou pas, tu es toujours aussi beau.

- Merci, Poema. Tes mots me touchent vraiment. J'avais tellement peur que tu ne m'acceptes pas en apprenant la vérité... C'est ce qui me retenait le plus quand je tentais de ne pas me souvenir de ce qui m'étais arrivé. J'ai vraiment été bête de ne pas avoir cru en toi. Ton amour est si pur, et moi...

- Les blessures du passé ont souvent du mal à se refermer, tu as dû te sentir rejeté et je comprends pourquoi tu as agi ainsi. Tu n'as pas besoin de te justifier.

Blake prit sa main et se tourna vers Aaron.

- Je comprends encore mieux maintenant ce que tu voulais dire par en être fier. Je suis fier d'avoir traversé ces épreuves pour réussir à devenir le prince que je voulais être.

- Et moi ? Tu n'as pas peur que je te rejette ? plaisanta Jack.

- Je vois à ton regard que ça ne change rien pour toi non plus... Je peux affirmer en toute confiance à quel point mes amis sont les meilleurs du monde.

Soudain, il s'arrêta. Il venait de se rappeler de quelque chose :

- Mais comment faire pour la prophétie ? Le conseiller a dit qu'il fallait qu'Aaron règne sur le royaume !

- Oh, c'est vrai... J'ai une petite idée sur la question qui permettrait à la fois de sauver ce monde de la catastrophe qui souhaite s'abattre sur lui, et à la fois que toi et Poema soyez les souverains du royaume terrestre, sourit Lohan.

- Dis-nous vite ton plan !

- Oui, Aaron doit régner, mais pas forcément sur terre : comme les deux royaumes ne font qu'un à la base, peu importe quelle partie il dirigera ! Pourquoi ne prendrait-il pas la place du roi triton ? Vous avez tous du sang royal : Poema et Morgan sont la princesse et le prince du royaume aquatique, tandis que Blake et Aaron sont les princes du royaume terrestre.

- Oh… C’est vrai que Poema est ma demi-sœur, nous n’avons pas vraiment eu le temps d’aborder le sujet… Pensez-vous que le peuple nous écoutera si moi et Poema lui expliquons la situation, vu que le roi est notre père ? s'enquit Morgan.

À ces mots, le souverain des mers s'éveilla.

- Qui veut prendre ma place...?

Aaron se retourna, un rictus de colère se dessinant sur son visage.

- Tu as encore la force de parler ?!

- Je suis le roi... Tu ne peux pas prendre ma place ! J'aurais dû te tuer avant... J'ai toujours eu peur que mon fils prenne ma place et me tue comme j'ai tué mes parents. J'aurais vraiment dû le faire plus tôt, tu ne me causes que des problèmes.

Le jeune homme voulu rétorquer, mais Morgan le devança.

Il s'approcha du roi, le regard noir.

- Tu as encore du mal à reconnaître ton propre fils, hein ? Je vais te le rappeler tout de suite.

- Que...!

Avant que personne n'ait le temps de réagir, Morgan attrapa le roi par les cheveux de sa main valide, le tirant d'une force inhumaine. Son père ne put rien faire, immobilisé par la magie de Lohan. Aaron, lui, était trop subjugué par la beauté de son amant, qui semblait briller de confiance et de force. Il avala sa salive, retenant sa respiration : il ne l'avait jamais vu si beau qu'en cet instant, défiant son propre père.

- Tu dis que ton vrai fils est celui qui va te tuer ? Regarde par toi-même et comprends enfin qui est ton fils et qui ne l'est pas.

Aaron se reprit, et voulut stopper son amant, mais celui-ci avait agi si vite qu'il avait à peine eu le temps de le rejoindre : Morgan venait d'étrangler le roi si fort qu'il le tua sur le coup, et tout cela d'une seule main. Le sang se répandit partout dans l'eau, donnant la nausée à Poema. Celle-ci ne s'attendait pas à assister à un spectacle pareil, et se retourna brusquement, serrant la main de Blake avec force, en tremblant légèrement.

- Pardon, j'aurais dû te demander ton avis... murmura Morgan à l'attention de sa sœur.

- Non, ce n'est rien... Je suis seulement, hum, un peu surprise.

- Qu'as-tu fait... Je voulais être celui qui prendrait sa mort sur la conscience, tu...

- Non, Aaron. Tu as déjà trop pris sur toi. Je devais régler ça tout seul. Lohan m'a bien dit que ma magie était puissante, n'est-ce pas ? En voici la preuve, et je me moque qu'on me punisse pour ça. Il avait peur d'être tué par son fils ? J'entends cela comme une prière qui m'est adressée. Maintenant, si tout ce sang ne te dégoûte pas, prends-moi dans tes bras. J'ai beau avoir l'air d'aller bien, ce n'est pas le cas.

Immédiatement, le prince fit ce qu'il lui disait et le serra contre lui avec force.

- Je suis là, tout va bien. Personne ne va te punir, on avait tous envie de le tuer après ce qu'il avait fait, de toute façon. Blottis-toi contre moi, et ne me lâche pas.

Il se passa un certain temps avant que Morgan ne casse à nouveau le silence.

- Je vais mieux. Pardon d'avoir été si brusque.

- Ce n'est pas ta faute, j'allais moi-même lui mettre une raclée, mais tu m'as devancé.

- À propos de ce que j'ai dit, ça te dirait de régner sur le royaume des mers, prince Aaron ? le coupa Lohan.

- Il faut demander ça à Morgan, car si je règne, ce ne sera pas sans lui.

- Tu veux vraiment avoir ce fou de Morgan avec toi ? Bon, c'est ton choix, fais comme tu le souhaites, mais je ne vous pensais pas si proches, se moqua Blake.

- Je l'aime, le coupa Aaron en souriant.

- Q-Quoi ?!

- J'aurais dû te le présenter plus tôt, j'ai quelques années de retard : Blake, voici Morgan, mon meilleur ami d'enfance à qui j'ai promis de le prendre pour mari un jour. Il est la personne la plus chère à mon cœur. Je sais que c'est affreux de te dire ça mais je veux être sincère avec toi : il compte même plus pour moi que toi alors que nous sommes jumeaux. Mais quand je vois à quel point tu aimes Poema, je me dis que je ne suis peut-être pas le seul à être devenu fou. Je n'ai pas regretté d'avoir passé ces années en prison, car tant que ça a pu protéger Morgan, tout me va. Le roi n'était pas une personne saine d'esprit, je l'ai bien vite compris. S'il-te-plaît, essaie de ne pas trop blâmer Morgan. Après ma disparition, il a pensé que tu étais moi, que je l'avais oublié du jour au lendemain alors que j'étais son seul ami... Il a vécu en complète solitude, rejeté par les autres. J'aurais agi de la même manière si la situation était inversée. Si Morgan m'ignorait ou me détestait, je suis sûr que j'aurais fait bien pire que lui. Si tu peux me comprendre moi, comprends-le, nous sommes pareils.

- Si tu le dis, je veux bien essayer de le comprendre, surtout qu'il m'a rappelé mon propre comportement quand il a accouru à ton secours... Je ne l'avais jamais vu avec un visage si désespéré, lui qui est toujours si renfermé d'habitude.

- Merci, Blake. Après tout, il est ton futur beau-frère.

- Eh, stop ! Tu vas me faire rougir... s'écria Morgan, détournant le regard, blotti contre Aaron.

- Je vais avoir du mal à m'entendre avec lui, mais je veux bien faire des efforts pour mon frère, fit Blake en levant les yeux au ciel.

- Morgan, veux-tu vivre sur terre ou dans la mer ? Je ne veux pas te forcer à quoi que ce soit, s'enquit Aaron, soucieux.

- J'ai toujours voulu revenir dans l'eau. Même si je me suis senti abandonné par la mer, la seule chose que j'aime sur terre, c'est toi. Alors si tu es d'accord pour régner au lieu du roi triton, je veux bien t'épauler... Et puis... J'ai du mal avec mon corps d'homme, j'aime être un triton. Mais si tu en décides autrement, je ferai comme tu le diras.

- Ça me va. J'ai toujours voulu m'enfuir avec toi du palais terrestre qui m'enfermait. Et je ne peux pas m'opposer à ton bonheur : je t'accompagnerai partout où tu iras. Si tu aimes être un triton, je te suivrai au fond de la mer, tu peux en être sûr. Et puis tu es le fils du roi des mers : ce trône te revient de droit !

- Oh... C'est vrai. Dire que j'ai failli noyer le royaume terrestre tout entier alors que j'étais le fils du roi... Et cette prophétie, en quoi est-elle si importante ?

- C'est vrai que toi qui voulais détruire ce monde, elle doit te sembler bien inutile. Je me demande même si tu es au courant pour la séparation des royaumes, ou si tu n'en sais que les détails, se demanda Lohan, pensif.

- Quand j'étais venu voir le roi triton avec Poema, elle m'en a parlé. Mais j'étais si obnubilé par le comportement de Blake, que je prenais pour Aaron, que ma haine contre les humains n'a pas fait le poids face à lui. J'avais si mal quand il m'ignorait que tout le reste m'était devenu égal, je m'en voulais de l'avoir laissé pour mort en emportant Poema avec moi...

- Hum. Pour faire court, je vais te répéter ce qu'elle-même t'a sûrement déjà dit : tous les humains sont d'anciennes sirènes bannies sur terre. Autrement dit, ces personnes sont dans le même cas que toi, rejetées par la mer. Sauf que contrairement à toi, elles avaient peur de s'approcher de l'eau, mesure supplémentaire au cas où certaines comprendraient leur lien avec l'eau et redevenaient des sirènes. Mais même en entrant dans l'eau de la mer, ils ne pouvaient pas se transformer à cause de ce que j'ai fait pour manipuler leur esprit.

- Je suis le roi des imbéciles... Détester mes semblables ainsi...

- Je ne suis pas mieux, à cause de moi, personne ne se rappelle de rien, et nombreux sont ceux qui ont des problèmes de mémoire. C'est pourquoi cette prophétie est importante, nous devions réunir les âmes-sœurs pour souder les deux royaumes, et éviter la catastrophe provoquée par la séparation trop longue de ces deux endroits. De plus, je dois rendre la mémoire aux gens sans leur faire de mal, car cela peut causer un choc trop grand. Certains ont quelque peu échappé à ces troubles en étant protégé par l'amour. Ça ne m'étonne pas que ta haine contre les humains avait diminué en t'approchant de ce château marin car Aaron s'y trouvait. Et je pense que la prophétie agira aussi de ce côté-là en m'aidant à rendre la mémoire, enfouie au plus profond de l'esprit des gens. Mes propres parents, qui sont encore sur le bateau de Jack, ont aussi des difficultés à cause de tout ce qu'il s'est passé, alors j'ose espérer qu'ils iront mieux après cela...

- Et pour cela, Aaron doit régner. Je me demande si comme tu as été oublié par tous... Peut-être que... commença Blake.

- Oui. Peut-être que ton frère est bien la pièce manquante du puzzle. Le fidèle de mon maître a parlé de trinité, de dualité et d'âmes-sœurs, mais je vois que les relations fraternelles sont aussi très importantes dans le schéma de la prophétie. J'ai retrouvé Moonlight, tu as retrouvé Aaron, et Poema a retrouvé Morgan : avoir renoué nos liens avec nos trois frères signifie peut-être le retour de la trinité ? compléta Lohan.

- Nous sommes même cousins, toi et moi... Considère donc Aaron ton cousin, j'en fais de même pour Moonlight et Coralia, récapitula Blake. Tous ces liens... Seul le destin a pu nous unir ainsi par hasard...

- En parlant de destin, et donc de prophétie... Réunissons le peuple des mers ! En tant que leur ancienne princesse, je leur dois des explications, conclut Poema.

Et c'est ce qu'ils firent.


- Regarde ! Tu avais raison, les terres de ton monde semblent s'illuminer, s'exclama le Messager Terrestre.

Il était assis sur les genoux du Porteur de la Terre dans un champ de fleurs entièrement blanches (tiges comme pétales), et quelques flocons flottaient dans les airs. Ils portaient tous les deux des habits blancs vaporeux à la manière des dieux grecs.

Le Porteur de la Terre déposa un baiser dans les cheveux courts blonds plein de boucles du Messager, silencieux. Il serra la taille de son amant de ses bras forts, et murmura enfin :

- Tu me fais confiance, maintenant ?

- Je t'ai toujours fait confiance. J'avais peur que c'était de ma faute, et de celle de la Fée de l'Univers si ta planète était en danger, mais je sais maintenant que tu avais tout sous contrôle.

- Exactement. Regarde comme les rivières s'agitent, comme les feuilles ondulent dans le vent, comme le ciel commence à reprendre ses couleurs, voulant éloigner la nuit qui le plongeait dans le noir... Tu sais, sans obscurité, on ne peut pas voir la lumière des étoiles...

- L'obscurité est donc parfois utile ?

- Oui, mais jamais trop longtemps : le soleil se lèvera toujours, tu peux me croire.

- Je te crois.

- J'en suis honoré. Tresse mes cheveux, s'il-te-plaît, demanda-t-il au Messager.

Celui-ci acquiesça en signe d'accord, et entreprit de tresser les longs cheveux d'un bleu-nuit très doux aux reflets dorés du Porteur de la Terre. Il y glissa de nombreuses fleurs, tissant tiges et mèches ensemble.

- Merci, c'est très beau.

- Ce n'est rien, j'aime toucher tes cheveux de mes doigts, ils sont tellement agréables... On aurait dit qu'ils sont faits d'eau et d'étoiles...

- Peut-être bien...

Disant cela, le Porteur de la Terre sourit et enfila une bague faite avec une fleur sur le doigt du Messager. Les joues de celui-ci rosirent de bonheur sous ses tâches de rousseur alors que le Porteur le regardait de ses yeux scintillants d'or.

Il se pencha vers l'oreille du Messager, son nez touchant son cou alors qu'il le serrait contre son torse :

- Le prince terrestre avait été oublié, mais maintenant que les gens commencent à s'en rappeler, tout rentre enfin dans l'ordre. La prochaine nuit sera une nuit sans lune pour rappeler au monde l'obscurité sans fin qu'il a connue, obscurité qui va enfin prendre fin dans quelques minutes. Tiens bien fort ma main, et sois témoin du renouvellement de mon monde, ça va secouer.

- Avec toi, je ne crains rien, murmura le Messager en s'accrochant au cou du Porteur de la Terre.

Ce dernier s'envola au cœur du cosmos avec une énergie nouvelle, tenant son Messager contre lui, ses longs cheveux bleutés flottants dans le ciel.


Le monde entreprit son changement, bouleversé à l'instant où le peuple marin accepta Aaron et Morgan comme souverains, faisant confiance à leur princesse.

Comme l'avait promis le Porteur de la Terre à l'oreille du Messager, c'était l'heure pour la prophétie d'entrer en action.

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