Des hourras !
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Des hourras !
Hourra, l'ascenseur est enfin réparé, hourra également, la douleur de mon genou a presque disparu, je peux désormais marcher sans mes béquilles. Je me sens revivre, libre de me déplacer où bon me semble, mais l'important n'est pas d'aller, la seule possibilité me suffit.
Je n'ai pas été bon dans l'épisode précédent, Trésor me l'a reproché, c'est toujours un peu pareil, me confie-t-elle en refermant mon carnet. D'où, je ne peux qu'acquiescer, si ce n'est que je n'écris pas un roman d'aventure, mais un journal, ces pages parlent de moi, de mes tourments, de mes hésitations, de mes contradictions aussi. Tenter de se raconter est un défi, l'écrire est simple, demande peu d'effort, intéresser est autrement compliqué, Trésor l'a compris et m'encourage à continuer. Qu'as-tu à perdre ? Rien !
Encore hourra, je suis monté à l'assaut, j'ai affronté mes démons, la bête n'est pas encore morte, elle agonise, je ne m'en réjouis pas, et puis, elle ne meurt pas vraiment, c'est une renaissance, un nouveau départ vers un inconnu qui ne m'effraye plus, qui me happe et m'apprivoise. Je ne peux pas encore regarder en arrière, constater le chemin parcouru, pas tout de suite, les regrets et le doute pourraient m'envahirent, mon évaporation est fragile, même si en soi, changer de vie n'a rien d'un exploit. Cela pourrait même, sous certains aspects, ressembler aux caprices d'un enfant gâté, alors que d'autres, dans ce monde, vivent sous les bombes.
Oui, des enfants gâtés, aux défenses atrophiées, dont les dents limées n'accrochent plus la chair, à quoi bon, tout est à disposition, prémâché et servi à profusion. Le monde est ainsi fait, je ne le changerai pas, la force, et surtout le désir, me manquent, je ne suis pas Jésus, mon sacrifice serait inutile et puis, je te l'avoue, je ne t'aime pas assez pour t'offrir ma mort en étendard.
Je referme mon carnet, il est rempli, j'ai même continué à écrire sur les pages de gardes, je sens les mots bouillir, ils ne demandent qu'à jaillir, les phrases trépignent, claquent contre les parois de mon cerveau. À l'évidence, je n'ai plus de papier, j'ai omis d'en acheter. À quoi cela tient-il ? Mon fulgurant besoin d'écrire est mis à mort, noms communs, adjectifs, verbes conjugués, même les fautes d'orthographes, se disloquent, se heurtent à cette soudaine réalité. Je suis de retour à la vie, j'ai perdu le fil, le sens de mes propos s'éparpille, pourtant je tente de les retenir, me les répète, les récite, les apprends par cœur, afin qu'ils ne s'effacent pas de ma mémoire. En vain, c'est à cet instant précis que les mots doivent naître, s'accrocher aux carreaux bleus de mes cahiers et non plus tard, je le sais, j'en ai déjà fait l'expérience, l'écriture n'est que le sentiment d'un moment, celui-ci passé, elle est autre.
Je descends dans la soute et tombe sur la lettre que ma femme m'a laissée en me quittant, quelques lignes pour m'oublier. À la suite, les mots retenus reprennent forme, j'y écris ma nouvelle vie.
[À suivre…]