15. La Légende de Nil - Jean-Marc Ferry - Livre I - Les Diamants de Sarel-Jad - Chapitre VII, 1 - Le Voyage d'Oramûn
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15. La Légende de Nil - Jean-Marc Ferry - Livre I - Les Diamants de Sarel-Jad - Chapitre VII, 1 - Le Voyage d'Oramûn
De moi, Nil, qui vous conte ma légende, sachez que c’est Almira, épouse d’Ols, le fils d’Ygrem, roi des Nassugs, elle-même, fille de Santem et sœur d’Oramûn, qui eut la primeur du récit que ce dernier lui fit de son extraordinaire périple à travers les Terres sauvages de Sarel-Jad.
Oramûn embarqua sur son catamaran avec deux de ses frères, Ferghan et trois forgerons de grande confiance, de l’eau, des vivres, fruits secs, blé dur, oignons frais, des hachettes, une longue vue, des outils, piolets, couteaux, fléchettes, hameçons, allume-feux, une échelle de corde et… cinq engins aéroglisseurs. Il avait renoncé à rechercher le vieil homme dont il avait fugitivement pensé qu’il pourrait servir de guide pour gagner Sarel-Jad. Mieux vaut d’ailleurs qu’il n’y ait d’autres témoins, lorsqu’il aborderait les grandes Terres, que ces six hommes en qui il a confiance. Oramûn a conservé bien vivant le souvenir des paroles de Nasrul rapportant les propos de Zaref au sujet de Sarel-Jad : à l’Ouest, une cordillère à peu près infranchissable, bordée sur la côte de mangroves inhospitalières ; à l’Est, le désert immense. Le catamaran arriva par l’Ouest en vue des Grandes Terres. Le temps était clair. L’équipage tomba en admiration devant la chaîne de montagnes qui forment en effet une barrière abrupte du Nord au Sud. Une épaisse ceinture de nuages la borde à peu près au niveau où la végétation d’arbres prend fin. Cependant on aperçoit au-delà les sommets. D’après l’estimation les plus hautes montagnes culmineraient à trois mille mètres d’altitude au-dessus de la mer. Mais il n’est pas exclu qu’une amplitude équivalente se retrouve dans la profondeur des fosses sous-marines. Entre la rive et la cordillère une ceinture verte borde tout le long.
Oramûn doit maintenant prendre une décision pour contourner la mangrove : par le Sud ou par le nord ? Il se félicita d’avoir emporté sa longue vue. La transparence de l’air lui permit de sonder l’horizon par le Nord, là où s’arrêtent les Grandes Terres. Il put distinguer une grande quantité d’îles petites ; plusieurs centaines, apparemment. Il en apercevait aussi loin, au Nord, que pouvait porter sa vue. Peut-être la cordillère se prolonge-t-elle sous la mer, ce qui expliquerait la quantité d’îles. Mais, dans ce cas, on peut craindre aussi des récifs moins visibles ainsi que des tourbillons. Par le Nord, la navigation est à coup sûr dangereuse. Oramûn décida donc d’aborder Sarel-Jad par le Sud. Il faudrait alors longer la côte jusqu’à ce que l’on aperçoive les derniers monts de la chaîne.
Cela prit trois jours et trois nuits. Au deuxième jour, les hommes remarquèrent une déclivité de la chaîne de montagnes, tandis que la forêt pluviale fait place à de hautes herbes. Plus loin, la chaîne reprend de l’altitude, et la mangrove retrouve sa densité de palétuviers. C’est comme si un second massif, au sud, faisait suite à un premier, au Nord. Cette étrangeté laissa Oramûn perplexe. Y aurait-il deux massifs montagneux distincts, séparés par une large vallée ? Ne serait-il pas judicieux d’accoster à cet endroit, afin de pénétrer à l’intérieur des terres ? Cependant, les étendues de hautes herbes laissent deviner une vaste zone marécageuse dans laquelle Oramûn renonça à se risquer. Il laissa poursuivre la route.
Les Grandes Terres prennent fin avec des falaises qui tombent presque à pic dans l’océan. L’équipage tira un bord Sud-Ouest, suivi d’un bord Sud-Sud-Est, pour contourner le cap. Puis le catamaran remonta la côte en longeant la cordillère à revers en direction du Nord-Est. Les hommes débarquèrent à la limite de la montagne et du désert, un endroit battu par les vents. Il fallut d’abord tirer le catamaran sur la berge, démonter son mât et plier ses voiles, le délester de son chargement : outils, vivres, aéroglisseurs, puis lui trouver un abri protégé des intempéries. Après quoi, les hommes embarquèrent sur les aéroglisseurs qu’ils avaient chargés au minimum : quelques fruits secs, raisins, abricots, amandes, du blé, des piolets, une échelle de corde, des fléchettes à pointe effilée, qui, lancées de main d’homme, peuvent pénétrer dix centimètres de cuir épais, deux allume-feux et des couteaux. Ils remontèrent la cordillère sur un cap Nord-Est, la longeant à la lisière du désert dans une zone clairsemée de rochers, de gros buissons épineux, et jonchée de rares arbres rabougris. Les aéroglisseurs furent une bénédiction. Les sept hommes s’étaient en effet répartis sur les cinq engins qui progressent rapidement en épousant l’élargissement du massif montagneux. Cependant, Oramûn garde en mémoire l’espèce de plaine marécageuse qu’il a perçue comme une zone intermédiaire entre deux massifs de la chaîne montagneuse. L’image de cette étendue de hautes herbes ne le quitte pas. Il pense en retrouver le prolongement oriental à mi-longueur, ce qui devrait probablement se révéler d’ici quelques heures. C’est la brèche par laquelle il serait possible de pénétrer l’un ou l’autre massif dont l’extension vers l’Est laisse deviner qu’à cette latitude l’aire occupée par la cordillère est considérable. Qui sait ce qu’elle peut receler ?
Oramûn s’était tenu le raisonnement suivant : des nuages épais forment une ceinture tout le long de la cordillère à quelque deux tiers de la hauteur de ses pics, ne laissant apparaître de loin que les plus hauts sommets. Cependant, les vents proviennent régulièrement de l’Ouest. Ces vents d’Ouest poussent les nuages chargés de vapeur, jusqu’à ce qu’ils se heurtent à la chaîne montagneuse ; et là, de l’eau de pluie se décharge en continu. C’est ce qui explique aussi bien la bande de la mangrove, sur le rivage occidental, que le désert, de l’autre côté des massifs… sauf, justement, à l’endroit de la déclivité des massifs. À la place de la mangrove s’y étend la plaine herbeuse, moins humide, sans doute, du fait qu’à cet endroit les nuages peuvent s’engouffrer et se déverser progressivement plus à l’Est. Cependant, de part et d’autre, au Nord et au Sud du « couloir » humide Ouest-Est, les nuages ne passent pas. D’où la désertification de la partie orientale de Sarel-Jad, sauf, peut-être, à la latitude de l’aire ménagée par la brèche aperçue depuis la mer. Là, à la lisière orientale de la chaîne, on devrait pouvoir constater une végétation plus dense.
Oramûn s’était trompé en estimant à quelques heures le temps requis pour atteindre la zone espérée. C’était sans compter avec l’élargissement du massif méridional de la cordillère. Son extension à l’Est est si importante, qu’il fallut aux engins, pourtant rapides, près d’une journée et demie pour parvenir, en contournant le massif, à la latitude de la brèche, sur le versant oriental. Le bonheur fut grand, lorsque, depuis leur aéroglisseur, les hommes devinèrent de loin les contours d’une vaste oasis. Oramûn ressentit un plaisir inhabituel où l’émotion esthétique se mêlait à la stimulation intellectuelle. Voilà donc le bout oriental du couloir humide, indiqué par la zone visible depuis la rive occidentale, à la jonction des deux massifs ! Aperçue depuis le Sud, l’oasis se profile comme une langue de végétation qui déborde la lisière aride du massif méridional, faisant une saillie assez profonde au sein de l’environnement semi-désertique. Les hommes réalisèrent rapidement que leur aéroglisseur ne pouvait leur servir pour pénétrer la zone. Il fallait à présent leur trouver un abri sûr. On dut contourner la trouée végétale de la zone aride, et parvenir donc jusqu’aux abords du massif septentrional, ce qui permit de prendre la mesure en largeur de l’oasis. C’est de ce côté que la roche présente de grandes anfractuosités dont l’une d’elles put abriter les cinq aéroglisseurs tout en les dissimulant aux regards. Les sept compagnons pénétrèrent à pied la végétation sur la longitude du versant oriental de la chaîne ; et, en effet, il y a bien comme une oasis naturelle : une vaste étendue d’eau limpide, alimentée en contrebas d’un large plateau par une quantité de fines cascades, filets de ruisseaux qui, en nombre, se déversent dans l’étang, presque un lac, sur toute la largeur de la chute.
Mais comment pénétrer l’intérieur du massif ? Le système des chutes semble former une barrière infranchissable, un vaste à-pic de quelque huit-cents mètres de hauteur, tellement glissant sur toute sa largeur qu’il eût été insensé de tenter l’escalade. Les hommes tinrent conseil. Il est en effet impossible de gagner directement le sommet du plateau. Mais ne pourrait-on l’aborder par le Nord, en partant à peu près de l’endroit où les aéroglisseurs sont dissimulés ? Là, la montagne est moins abrupte. Juste à la frange Nord de l’oasis on pourrait tenter l’ascension, quitte, le cas échéant, à s’aider des piolets et de l’échelle de corde.
Parvenus enfin sur le plateau, les hommes restèrent, un long moment, saisis par la splendeur sauvage qui s’offrait à leur vue, aux quatre points cardinaux. Leur regard pouvait se perdre, à l’Ouest, dans les brumes océaniques, à l’Est, dans les dunes désertiques, tandis qu’au Nord et au Sud les deux massifs découpent des plans successifs de montagnes volcaniques, comme à l’infini. Sur les hauteurs, la chaleur est torride en milieu de journée. Heureusement, des failles profondes laissent entrevoir, dans le fond, une végétation tropicale. Les hommes s’y engouffrèrent, progressant d’Est en Ouest sur le réseau que leur offre l’enchaînement des failles successives, comme un parcours providentiel : l’eau, en effet, y coule en abondance à travers les parois des volcans, et les failles, assez étroites pour conserver humidité et fraîcheur, sont cependant larges ce qu’il faut pour que parvienne la lumière. Dans la boucle d’une rivière ils installèrent leur premier bivouac, le soir venu, pour reprendre l’exploration, tôt, le lendemain matin… Et là fut la surprise.
Les hommes marchaient le long de la rivière jusqu’à un endroit jalonné de gros rochers ronds et lisses, dont certains émergent du milieu de l’eau, tandis que d’autres, en nombre, s’alignent près des deux rives. Or à peine arrivaient-ils en vue du site, que détalèrent des petits êtres d’apparence humaine. Ils étaient nus, la peau beige et lisse, le corps souple et d’une agilité stupéfiante. En disparaissant, ils n’avaient pas poussé un cri ; juste des sortes d’appels brefs, vite étouffés par la végétation…