Chapitre 28 - La fin d'un cycle
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Chapitre 28 - La fin d'un cycle
1179, Hildegarde a désormais plus de quatre-vingts ans. Si son corps lutte contre les ravages de la vieillesse, son esprit reste vif et engagé. Elle ne quitte à présent sa chambre que pour respirer l’air frais du jardin ou entendre les sœurs chanter une de ses compositions. Tant qu’elle en a la force, elle tient à jour sa correspondance avec les puissants et, bien malgré elle, avec le Saint-Siège.
Depuis deux années, elle est entrée en conflit avec le Pape. Ses idées progressistes, ses écrits évoquant ses échanges avec Dieu lui-même sont déclarés comme des enfances à l’esprit chrétien. Seule sa réputation et ses talents artistiques lui permettent d’échapper à l’excommunication. Ses monastères sont cependant frappés d’interdits : les sœurs ne peuvent dorénavant ni recevoir l’Eucharistie, ni enterrer les morts dans le cimetière.
Elle use ses dernières forces à convaincre l’évêque de revenir sur sa position, combat qu’elle finit de gagner au prix de longs atermoiements.
Malgré un été doux, Hildegarde n’a plus l’énergie pour quitter son lit. La nouvelle Mère Supérieure qui a pris la direction du couvent d’Eibingen est la seule à pouvoir la voir pour la consulter et l’aider dans son quotidien.
Hildegarde mène un dernier combat : elle convainc sa plus grande confidente de prendre les rennes du monastère de Rupertsberg . Cependant, l’évêque de Mayence a d’autres plans pour Richardis de Bavière. Il refuse de la nommer Abbesse si elle accepte.
Las de ces tribulations, Hildegarde rend son dernier souffle le 17 septembre 1779. Conformément à ses dernières paroles, son corps est enveloppé dans un linceul puis transporté à Rupertsberg. Durant une semaine, elle repose solennellement au centre de la chapelle, enveloppée dans un tissu brodé, sa tête reposant sur un petit oreiller de velours. Les sœurs de ses communautés, mais aussi des habitants et quelques seigneurs déposent des fleurs sauvages autour d’elle. Dans la salle de musique que Hildegarde avait tant appréciée, ses chants sacrés résonnent sans discontinuer.
Vient le jour de l’enterrement, elle est mise sous terre en toute simplicité. Nombreux sont les fidèles à pleurer son départ. Les sœurs font la promesse de poursuivre son œuvre artistique et intellectuel.
Alors que son dernier souffle de vie s’échappe de son corps amaigri, l’esprit de Hildegarde s’élève dans les cieux, aspiré vers une douce lumière blanche. Bientôt, elle se retrouve plongée dans un étrange corridor qui tourbillonne sans fin autour d’elle. Des murmures, des mélodies familières viennent rompre le silence absolu qui l’a accompagnée jusqu’à présent.
Soudain, elle se retrouve transportée dans une pièce somptueuse d’un château. Une enfant joue joyeusement près de la cheminée. Elle la reconnaît, ou plutôt, elle se reconnaît elle-même lorsqu’elle avait seulement quatre ou cinq ans. À peine a-t-elle assimilé cette scène qu’elle se retrouve dans sa chambre, au milieu des flammes dévorantes, son père hurlant à ses côtés…
C’est toute sa vie qui défile devant ses yeux, chaque instant, chaque heure. Ici, le temps n’a plus de prise…