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En équilibre  3. Un phare 

En équilibre  3. Un phare 

Pubblicato 12 ago 2024 Aggiornato 12 ago 2024 Family
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En équilibre  3. Un phare 

Les sœurs de ma mère sont arrivées hier soir. Elles nous ont rejointes car elle veulent faire ensemble le plus grand pèlerinage de la région, en l’honneur de sa sainte patronne. Un événement qui pendant deux jours, attirent des milliers de pèlerins dans la ferveur religieuse et populaire. Ma mère connaît mon athéisme. Elle en souffre, ne le comprend pas, mais l’accepte. J’ai prévu de partir plus à l’ouest, là où les terres sont encore plus sauvages. Il semblerait que ma mère en ait décidé autrement. 

  • Allez debout ma fille. Tu as trois quart d’heure de route si tu ne veux pas rater la navette pour l’île. 
  • C’est bon maman, j’arrive. Dis moi, comment t’est venue l’idée de m’envoyer dormir dans un phare au bout d’une île? 
  • Tu m’as proposée ce voyage pour que je te rappelle d’où je viens et quelles sont mes racines. Tu ne peux pas apprécier cette terre tant que tu n’as pas vécu la solitude et la force des éléments. Pour être d’ici il faut comprendre ce qui pousse les hommes à devenir des taiseux et des alcooliques. Ils connaissent la mer de l’intérieur. Quand ils rentrent ils sont perdus. Les femmes ont géré le reste. Ils n’ont pas leur place dans le quotidien. Alors ils repartent. 
  • Quel rapport avec le phare?
  • Je sais que l’océan n’est pas ton élément. Ce n’est apparement pas génétique. Je voulais juste qu’une fois dans ta vie tu puisses le vivre. Tu verras quand tu auras posé tes yeux dessus depuis là-haut. Tu comprendras.
  • Je ne suis pas certaine de bien comprendre mais je suis contente de vivre l’expérience. Deux jours, une nuit, je devrais m’en sortir. 
  • Deux nuits ma fille, c’est deux nuits! 

La route est belle, rapide. Il fait beau. Je mets moins d’une demie heure pour rejoindre le port. La traversée est courte elle aussi. La mer est calme, bleue. La navette longe la presqu’île et contourne les îlots. Une première île, une première halte, puis c’est repartit. Destination, une deuxième île. Je vois un phare en arrivant au port. Il est différent de celui qui est sur le document que ma mère m’a remis. On m’indique que celui que je cherche n’est pas sur l’île. Il est derrière un peu plus loin. Quelqu’un m’attend à quai. Je dois prendre un autre bateau. Plus petit. Le conducteur est un habitué. Il ne parle pas, je respecte le silence.

Le moteur ralentit, des marches creusées dans la roche émergent. Il est là. Rouge, géant. Il se dresse devant moi tel un défi. Le soleil est au zénith. Je suis rassurée. L’îlot est minuscule. Pas de possibilité de s’y promener. Juste la place du phare. La pierre est glissante. Au loin je devine la côte. 

  • J’ai bien connu vos parents vous savez! C’est pour ça que j’ai accepté, par ce que normalement on ne laisse pas les gens dormir à l’intérieur. 
  • Heu d’accord.
  • Y’a bien eu cet écrivain une fois, il est resté tout un mois. Y’a fallut le ravitailler. Vous, je viens vous chercher après demain. À 10 heures. Vous avez toutes vos provisions? On vous a dit pour l’eau? 
  • Oui! Merci j’ai tout prévu.
  • Bon, alors je vous montre. Venez! C’est par là. 

L’automatisation dans les années soixante dix a rendu inutile la présence humaine à l’intérieur du phare, pourtant il est entretenu. Le premier niveau est vide. Il servait de réserve. Par l’escalier en colimaçon on accède au niveau suivant, qui est la cuisine, puis une chambre sur chacun des deux autres niveaux. Je choisis la plus haute pour passer la nuit. A moins que je ne monte encore jusqu’au poste de veille. Au dessus, c’est la lanterne. 

Mon guide est reparti. Je réalise ce que je vis.

 

Quand ma mère m’a annoncé que je passerai ces deux nuits dans un phare, j’ai d’abord songer à la solitude. Avec ces quinze jours passés en sa compagnie je n’ai pas eu un moment à moi et ça me manquait. Non pas que sa présence me pose problème. Bien au contraire. Mais j’ai besoin d’être seule régulièrement, à mon rythme, face à moi même. Encore une chose qu’elle ne m’a pas transmise tant elle déteste cela. J’observe cette pièce. Les murs sont recouverts de bois. Le lit est encastré dans une sorte d’alcôve. La fenêtre n’est pas grande, mais la lumière qui y rentre est puissante. Silence. Seul le bruit de l’océan. J’attends le cri de l’oiseau marin, il ne vient pas. La mer est calme. Peut-être, cette nuit, les vagues frapperont plus fortement. Je revois le poster encadré dans la salle de restaurant de l’hôtel. Un quadrillage des plus beaux phares de la région. Frappés par des griffes d’écumes. Parfois jusqu’au sommet. 

Je me sens à l’étroit. Verticalité, exiguïté. J’ai besoin de sortir. 

Je suis saisie. Vertige, immensité, horizontalité. Je m’adosse à mon géant rouge. Assise sur la dalle de béton. J’observe le bleu de l’eau qui se perd jusqu’au ciel. Je cherche le bruit du silence. Un crabe joue à côté de moi. Il vient me rejoindre à chaque claquement de vague puis retourne la narguer dès qu’elle recule. Le soleil chauffe la dalle. Je revis ces derniers jours. Je perds la notion du temps. Les minutes, les heures. Le soleil est bas. La brise s’est levée. La mer moutonne. Je sens les embruns sur mon visage. Le goût du sel sur mes lèvres. Il est temps de rentrer.

Première nuit. Je retrouve la rondeur de la chambre de bois. Elle m’enveloppe comme un cocon. Le soleil s’enfonce dans l’océan, juste en face de moi. L’obscurité se fait de plus en plus forte, alors que le vent se lève. J’entends le claquement des vagues qui s’échouent sur le rocher. Parfois l’une d’elle est plus forte. Je sens le géant vibrer à son impact. Obscurité. L’alternance de la lanterne et de la nuit ne me permet pas de saisir par la vue les éléments. Je mets mes autres sens en éveil. Mon pouls s’accélère lorsque je comprends que le vent a forci. Sur la vitre, j’entends les premières gouttes de pluie. Puis un éclair illumine la chambre, presque instantanément le tonnerre rugît. Je prends conscience de mon mal être. Je m’observe. Je suis collée contre le mur. Je sais que l’eau n’entrera pas dans mon phare, je m’en convaincs à coup de parole répétées. Mais mon ego a pris le dessus. Il a déclenché la peur. J’en cherche son origine. Pourquoi, alors que mes racines sont là, marines, pourquoi suis-je paniquée à chaque fois que je pose le pied sur un bateau? À chaque fois que je vois la vague s’approcher. Je cherche l’origine du trauma. Je n’ai pas de souvenir. 

  • Sois honnête! 

J’entends cette petite voix. 

Le sifflement du vent parcourt l’intérieur du phare. À travers les escaliers, il s’enfonce, rapide, sournois. Le bruit de l’océan a pris le dessus sur celui de l’orage. Un frisson m’électrise. Je m’enfonce dans l’épaisseur de l’édredon. Je ferme les yeux. Je compte mes respirations. Je cherche une explication. 

J’ai six ans. Vous êtes mes piliers, mes racines, mon équilibre, vous êtes mes parents. Vous avez choisi de partir une semaine en mer avec vos amis. Je reste seule. Chez les grands- parents. Mon frère n’est pas là, lui non plus. Je ne suis pas du voyage. Je ne comprends pas. Votre absence me pèse. Je suis terrorisée à l’idée que la mer vous avale. Chaque jour, chaque nuit. J’intègre cette possibilité. Sans nouvelle. Puis arrive le dernier jour. Celui que j’attends. Je me suis réveillée de bonne heure, je vous attends tout le jour. Vous n’arrivez pas. Je hais la mer, elle vous a emportés. Vous avez préféré continuer de naviguer plutôt que de venir me retrouver. Je connais ma première émotion de jalousie. Je déteste cet azur infini. Je le détesterai jusqu’à la fin de mes jours. Je m’en fais la promesse. Les heures passent. L’angoisse monte. La mer vous a peut-être avalés. Arrive l’heure de se coucher. Vous n’êtes pas rentrés. Dans le silence de mon lit je pleure. Ils m’ont oublié. Je m’endors épuisée. J’entends vaguement des voix chuchoter dans mon rêve. Je dors. Vous êtes rentrés.

 

Dans le ventre de mon géant je comprends soudain que je me suis trompée d’ennemi. L’océan vous a fasciné. Alors, vous avez continué à caboter une journée de plus. C’est à vous que j’aurais dû en vouloir. À vous qui l’aviez choisi, plutôt que de venir me retrouver. J’accepte. Mais je veux, cette nuit, comprendre cette fascination. La pluie s’est un peu calmée. Le vent est tombé mais les vagues sont encore fortes. Je monte les escaliers de métal jusqu’à la lanterne. Par la verrière je vois surgir les griffes d’écume. La vague caresse la tour de verre, puis redescend et disparaît. La lumière de la lanterne joue avec l’obscurité. Je m’enveloppe dans mon plaid et m’approche de la balustrade. Mes doigts agrippent, alors, je devine la déferlante. Le monstre monte puis s’écrase, une première fois. Je bascule vers l’escalier de terreur. Le cocon résiste. Je me penche à nouveau. Je ferme les yeux. J’attends le bruit assourdissant de l’eau se fracassant sur ce tronc de béton et d’acier. Je sens mon corps qui se détend. Je veux t’apprivoiser. Je dois t’apprivoiser. Tu es une partie de ce que je suis. Montre moi. La pluie a cessé, le vent s’est calmé. Il ne reste plus que le combat des vagues et du phare. À chaque fois il gagne. Elles finissent par se défaire et mourrir à ses pieds. Lui, il est ancré, immobile solide. 

Je descends l’escalier, je ne m’arrête pas à la chambre, ni à la cuisine, je continue. La grosse porte métallique rouge se dresse devant moi. J’ose. Je franchis le pas. Je reste de ce côté. J’attends. Je reconnais son murmure, je sais qu’elle se courbe. Son dos s’élève vers le ciel. Je perçois son fracas sur le rocher. À l’abris derrière mon géant de béton, je prends racine, je résiste au souffle. Je suis trempée, j’ai sur mes lèvres le goût du sel. Ma peur se transforme en extase.

 

La journée s’écoule. Le calme est revenu. Je noircis des pages de carnets. Je veux coucher sur le papier l’expérience de ce voyage. Je t’ai offert ma présence sur ce chemin, tu m’as permis de comprendre d’où je viens. Cette nuit j’ai reçu la force des éléments. Même si nos origines sont communes, même si j’apprends de ton expérience, nous restons différentes. 

Tu t’accroches à cette terre, tu la revendiques. Je sais qu’elle est mienne mais je me suis nourrie d’autres contrées. Ces racines qui nous unissent te retiennent, elles me donnent de l’élan pour m’envoler. Je te sais là-bas en pèlerinage, bercée par la multitude. Ici, je suis seule sur mon rocher. Tu communies avec cette foule pleine de ferveur. Je suis en osmose avec les éléments. Tu souffles des chants de repentance et de pardon. J’expire de gratitude. Nous sommes vivantes, chacune à notre façon.

 

La nuit est tombée. Le ciel est pur. La brise légère. Je me pelotonne dans mon plaid. Adossée contre le béton du phare, je plonge mon regard dans le voile de l’obscurité qui se déploie tout autour de moi. J’aperçois la lune. Son croissant est vertical. Chez moi il est renversé, comme un berceau. Je pense aux miens que j’ai laissé là-bas. À cette heure-ci, ils ne contemplent pas les étoiles. La voûte céleste s’éteint à chaque passage de la lanterne qui illumine l’océan. Le ciel et la mer se répondent. Ils parlent. Ils se racontent l’immensité. Ils se moquent de notre vertige. Ils savent qu’ils sont au cœur de l’équilibre. 

Épilogue. 

Je quitte mon géant rouge et ce rocher. Je pars retrouver ma mère. Demain nous quitterons cette terre. Dans quelques jours je quitterai ma mère pour de nouveaux horizons. Elle me dira que je fais le bon choix, et me demandera de lui envoyer des photos. Son cœur se déchirera, ses yeux pleureront des larmes sèches, mais un peu moins que les dernières fois. Je sais qu’elle ne viendra pas. J’emporterai avec moi ses histoires, dans mes yeux les couleurs de sa terre, dans ma tête les sons de sa mer, et sur mes lèvres, le goût du sel. 

 

 

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Jackie H 1 mese fa

Très beau voyage. Très belle fin 🙂

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