

Le glas sonne-t-il pour le « win-win » ?
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Le glas sonne-t-il pour le « win-win » ?
Lors de mes études universitaires, puis tout au long de ma vie professionnelle, j’ai été littéralement biberonné à l’approche coopérative du « gagnant-gagnant », largement diffusée sous la bannière du soft power américain.
Trois « classiques » parmi tant d’autres m’ont marqué. Abraham Maslow, d’abord, avec sa conviction que les êtres humains possèdent un potentiel positif et aspirent à s’accomplir. Pour qu’un contexte soit véritablement gagnant-gagnant, les besoins fondamentaux de chacun doivent y être reconnus et respectés. Frédérick Herzberg, ensuite, montre que la satisfaction durable et l’implication dans un projet naissent des conditions permettant à chacun de s’épanouir dans son rôle. Enfin, Kurt Lewin, avec ses travaux pionniers sur la dynamique de groupe, insiste sur l’importance d’un environnement social fondé sur la coopération.
Le concept de « gagnant-gagnant » s’est ensuite épanoui avec les méthodes de développement personnel. L’Analyse Transactionnelle, par exemple, promeut une position de vie équilibrée : « Je suis OK, tu es OK ». La Programmation Neuro-Linguistique nous invite à entrer dans le modèle du monde de l’autre pour nourrir des relations mutuellement enrichissantes. L’Assertiveness nous rappelle que notre propre affirmation se renforce d’autant plus que nos interlocuteurs peuvent s’affirmer eux aussi. La méthode Beyond Conflict de Will Schutz nous apprend à négocier à partir des intérêts communs. Et les Sept habitudes de Stephen Covey synthétisent toute cette philosophie du « gagnant-gagnant » depuis ses origines.
J’ai débuté ma carrière de consultant dans des filiales européennes de grandes entreprises américaines, au sein de programmes tels que « respect des personnes », « égalité des chances », « intégration des minorités », « formation tout au long de la vie », « leaders créateurs de leaders », ou encore « faible impact environnemental ».
Je me souviens d’un reportage sur Walt Disney. À la question : « Quelle est votre mission ? », il avait répondu : « Faire profiter toute la planète de l’American way of life. » Cette ambition, portée par le soft power, s’est répandue dans de nombreuses entreprises des pays démocratiques. Les dirigeants et managers des ex-pays de l’Est, avides de nouvelles méthodes, ont accueilli avec enthousiasme cette culture du dialogue, de la négociation et de la coopération.
Aujourd’hui encore, la demande en développement personnel reste vivace. Mais l’horizon s’assombrit.
Les relations internationales se durcissent. Certains dirigeants orchestrent ouvertement des scénarios « gagnant-perdant ». Des démocraties s’effritent de l’intérieur, minées par des acteurs qui contestent ouvertement l’État de droit. Les algorithmes des réseaux sociaux polarisent les opinions et amplifient les divisions. La ghettoïsation sociale progresse, notamment autour du logement et de l’école. Et l’intolérance à la frustration s’exprime de plus en plus violemment.
Dans ce climat, alors que je continue à défendre les approches coopératives, la pluri-perspectivité, la bienveillance et l’empathie, il m’arrive d’être moqué. On me traite de « bisounours », de « droit-de-l’hommiste », de « bobo », de « woke », selon l’inspiration du moment. Je sais que je n’ai pas le pouvoir d’enrayer seul le durcissement des relations politiques, économiques, sociales et humaines.
Mais je persiste. Partout où j’estime avoir un peu d’influence, je choisis d’entretenir des relations « gagnant-gagnant ». Parce que je crois encore — et peut-être plus que jamais — que c’est dans ce terreau que peuvent naître des dynamiques vraiment porteuses d’avenir.

