Orlando (Sally Potter, 1992)
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Orlando (Sally Potter, 1992)
"La même personne... Aucune différence! Juste un autre sexe" C'est dans une très symbolique psyché qu'Orlando contemple sa mue après une nouvelle semaine "d'hibernation". Un changement de peau, oui certainement mais en aucune façon un changement de personnalité. Plus l'histoire avance dans le temps (un temps qui n'a rien à voir avec la chronologie humaine puisque qu'il s'écoule près de 400 ans entre la Renaissance où débute le récit et la fin du XX° siècle où il s'achève), plus Orlando varie les expériences (divisées en chapitres d'une cinquantaine d'années chacun autour de la mort, l'amour, la poésie, la diplomatie, les mondanités, le sexe et la naissance) et progresse de façon à se rapprocher du centre de gravité de sa personnalité profonde en ignorant les frontières (sociales, sexuelles, temporelles). Par delà les mues de son identité transgenre, c'est aussi à une vision alternative de l'évolution de l'humanité que nous assistons, de la mort (les cadres-tableaux de la Renaissance en clair-obscur, les costumes-prisons, la nuit, la glace, les lois discriminatoires sur la transmission de la propriété en Angleterre durant le siècle victorien, la guerre) vers la vie (le paradis édénique de la nature ensoleillée frémissante, le visage extatique de Tilda Swinton accompagné de sa petite fille écoutant la voix de l'ange Jimmy Somerville en train d'interpréter le merveilleux "Coming"). Une vision tout à fait comparable à celle du musée historique d'Amsterdam qui se déploie sur sept siècles et où cohabitent deux histoires et deux parcours: l'officielle et "l'invisible", féministe et LGTB (signalée par de petites bornes arc-en-ciel sous les oeuvres). Les toilettes du musée ne sont d'ailleurs pas genrées (c'était alors une première dans un pays lui-même en pointe sur la question).
Orlando est effectivement ce film arc-en-ciel extrêmement réfléchi (sa genèse a pris presque une décennie) qui transpose délicatement l'expérience intime du livre de Virginia Woolf, personnalité à l'identité complexe et évolutive qui ne se reconnaissait pas dans la construction sociale binaire des genres. Orlando refuse d'ailleurs d'entrée le "he" de la voix-off narrative pour le "I" et le regard face caméra qui dit "essaye de m'assigner si tu l'oses". De fait dans "Orlando" si les repères de genre sont bouleversés, il le sont en parfaite adéquation avec l'histoire des arts. Le destin d'Orlando qui est au départ un adolescent d'allure androgyne se forge à l'époque élisabéthaine dont le théâtre (visible à travers un extrait d'une représentation de Othello) n'admettait aucune femme en son sein. Il est donc logique que dans la première période du film de Sally Potter, les rôles de femme en représentation y soient tenus par des hommes travestis, y compris celui de Elisabeth Iere (Quentin Crisp) qui fait de Orlando son favori et lui adjoint de traverser le temps sans vieillir, titre de propriété à l'appui, scellant ainsi sa première destinée. Les anges n'ont bien entendu pas de sexe, ni d'âge, et c'est en tant que tel qu'Orlando s'essaye à l'amour, la poésie puis à la diplomatie, sans succès, sa sensibilité réfractaire à la société patriarcale se heurtant à un monde dominé par des valeurs guerrières, corrompues, opportunistes etc. Sa transformation en femme la confronte à des entraves et des humiliations bien pires que celles qu'elle avait subi dans sa précédente identité. Au XVIII° les salons littéraires mondains étaient censés permettre aux femmes (de la haute société) de jouer un rôle culturel, social et politique mais elles devaient se confronter à un violent machisme (dont beaucoup d'aspects persistent de nos jours dans les cercles d'influence). Au XIX°, Orlando perd la propriété qu'elle avait acquise au XVI° parce qu'elle est reconnue définitivement femme et n'a pas d'héritier mâle. La rencontre entre Orlando et Shelmerdine (Billy Zane dans un réjouissant contre-emploi) se fait sur le modèle renversant ^^ de la scène du cheval de "Jane Eyre", le grand roman de Charlotte Brontë avec les bouleversements qui en résultent (dont la seule transposition pertinente se trouve dans la mini-série de 2006 réalisée par Susanna White, Toby Stephens alias Rochester jouant d'ailleurs Othello dans "Orlando"). Il est remarquable de constater à cet égard le respect de la représentation du corps féminin au naturel avec le maintien des poils axillaires (alors que dans l'art occidental, la pilosité féminine est taboue depuis l'antiquité et donc rarement représentée. Et quand elle l'est, elle fait scandale comme la "Olympia" de Edouard Manet). Enfin au XX° siècle, Sally Potter prolonge le roman de Virginia Woolf qui se terminait en 1928 (date de sa parution) jusqu'en 1992 (date de la sortie du film) pour évoquer comment Orlando survit à l'horreur de la guerre et enfante. Une petite fille, cela va s'en dire. Car l'avenir des hommes s'écrira au féminin n'en déplaise à certains ou il ne s'écrira pas du tout.