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Beaucoup de bruit pour rien (Much ado about nothing, Kenneth Branagh, 1993)

Beaucoup de bruit pour rien (Much ado about nothing, Kenneth Branagh, 1993)

Pubblicato 20 giu 2021 Aggiornato 20 giu 2021 Cultura
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Beaucoup de bruit pour rien (Much ado about nothing, Kenneth Branagh, 1993)

Cette deuxième adaptation d'une pièce de Shakespeare par Kenneth Branagh après le drame historique "Henry V" est aussi joyeuse, rayonnante et légère que la première est sombre et torturée. On en sort euphorique, avec l'impression que le soleil de Toscane a réussi à traverser l'écran pour nous englober dans son rayonnement. Ce n'est d'ailleurs pas qu'une impression. En 1993, lorsque j'ai vu le film pour la première fois au cinéma, j'y suis allé avec une terrible migraine que ce film a réussi à guérir comme par enchantement. Et un film qui guérit les migraines, ce n'est pas si fréquent!

Il y a quand même quelques traces résiduelles du Shakespeare sombre et torturé, celui du "Conte d'hiver" au milieu de cet enchantement dionysiaque à base de jeux amoureux, de fêtes, d'agapes, d'ivresse. C'est le personnage luciférien de Don Juan (Keanu Reeves) jaloux et malfaisant qui en porte la plus large part. Refusant la main tendue de son demi-frère Don Pedro (Denzel Washington) qui est le prince légitime alors que lui n'est qu'un bâtard, il choisit de de se venger en semant la désolation autour de lui. Il est bien aidé par la crédulité (pour ne pas dire la bêtise) de Don Pedro et de son acolyte Claudio (Robert Sean Leonard, le minet benêt de service). Il suffit qu'il lui montre une scène de fornication au balcon de la chambre de celle qu'il doit épouser pour qu'il soit persuadé de la trahison de sa promise Hero (Kate Beckinsale alors encore étudiante et tout aussi lisse que son partenaire). Shakespeare nous livre alors l'une de ces scènes de violence passionnelle et destructrice dont il a le secret et qui font jaillir l'enfer au cœur du paradis. Claudio ruine son mariage avec la même violence aveugle que celle qui s'empare du roi Léonte dans "Le Conte d'hiver" et lui fait répudier sa femme et sa fille, hurlant que celle-ci "est de la graine de Polixène" (son pourtant meilleur ami).

Heureusement tout comme "Le Conte d'hiver", "Beaucoup de bruit pour rien" est une comédie où le mal peut être réparé après que le coupable ait éprouvé la souffrance du remords (et que les méchants responsables de la conspiration aient été punis. C'est le rôle du truculent Dogberry joué par un Michael Keaton directement échappé de "Sacré Graal" et ses chevaux fantômes). Et surtout, même au moment le plus critique, la joie ne s'éclipse pas. Elle est portée par l'autre couple vedette du film devant et derrière la caméra, Benedict et Beatrice alias Kenneth Branagh et Emma Thompson dont l'union faisait alors étinceler le talent (ce n'est pas pour rien que l'on parlait à leur égard de "couple doré"). Ceux-ci réussissent à introduire la screwball comedie d'Howard Hawks dans l'univers shakespearien. La modernité de ces personnages était déjà dans la pièce qui mettait en parallèle un couple romantique (Claudio et Hero) et un couple comique (Benedict et Beatrice). Beatrice regrette de ne pas être un homme alors que Benedict est le seul protagoniste masculin qui prend le parti des femmes (en dépit de sa misogynie de façade qui s'effondre d'une pichenette) De plus leurs chamailleries permanentes les placent dans une relation d'égalité (soulignée également par leurs prénoms similaires et leurs initiales identiques). Il n'y a pas une mais deux mégères à apprivoiser. D'où les hilarantes scènes parallèles où leurs amis leur tendent un piège pour les faire tomber amoureux l'un de l'autre. Branagh approfondit cette thématique en inversant les codes de genre: Beatrice parle d'une voix grave, a la peau brûlée par le soleil et est aussi décidée et intrépide qu'un garçon alors que Benedict est pâle, minaude devant la glace et est doté d'une voix qui part dans les aigus.  

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