Episode 14 : Quel pleutre !
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Episode 14 : Quel pleutre !
Une semaine s’était écoulée depuis l’histoire au château. Une semaine et toujours rien. Pas un seul indice ! L’appartement avait été nettoyé. Il ne restait aucune trace de ce fou, ni même de notre passage avec Gram. Ce n’était pas vraiment une surprise, mais ça me faisait quand même chier. J’en avais ras le bol…
– Moridan. Une nouvelle carte pour toi. Et cette fois, t’as vu, j’ai laissé aucune trace !
Gram avait déboulé dans mon bureau avec son air abruti. Le sourire aux lèvres et le regard fier… Il se tenait debout devant moi, me tendant une image étrange. Elle était si différente des autres. Elle me semblait plus authentique, moins…, comment dire…, surnaturelle. J’avais l’impression de connaître cet endroit, mais tout ça sonnait faux. Comme pour le dernier mot qui m’avait été adressé. Ce n’est plus ton problème, bordel ! T’as décidé de laisser tomber toute cette affaire, tu te souviens ? Pour mieux te concentrer sur celle de ton frangin. Pour le sortir de toute cette merde avant qu’il ne soit encore blessé…
Gram agita la carte devant mes yeux. Quel con ! Je ne pris même pas la peine de lever la tête pour lui répondre.
– Je ne joue plus avec ce taré ! C’est terminé pour moi. Pose-la où tu veux…
Et sans un regard vers lui, je poussai la poubelle en sa direction avant de continuer :
– Encore mieux. Balance-la aux ordures !
– Tu…
Putain, une furieuse envie de me lever et de lui mettre mon poing dans la figure me démangeait. Il avait vraiment l’art de me foutre en rogne, cet abruti, mais je pris sur moi. Un autre blâme et je ne servirais plus à personne. Ni à mon frère, ni à Léila…
– Je passe mon tour. J’ai assez donné. Ce psychopathe change les règles quand ça lui chante. Et ben, moi aussi ! Je quitte le jeu. Qu’il se trouve un autre adversaire !
– Mais…, mais tu n’peux pas abandonner. Et Léila ?
– Tous les éléments sont au labo. Si c’était vraiment un remède qu’il y avait dans cette putain de fiole, elle devrait être sur pied dans quelques jours. Et toi, tu pourras retourner planquer ton gros cul derrière ton écran !
Gram fondit en larmes. Jamais vu ça ! Il laissa tomber la carte sur mes dossiers et partit en courant. Une vraie gonzesse ! Je parie qu’il va aller se plaindre au capitaine. Super ! j’avais bien besoin de me faire engueuler ce matin.
Je me remis sur le dossier du « meurtre au paradis ». Sur le dossier de ce gamin de 15 ans à peine qui croupissait en taule à cause de notre paternel. L’enquête avait été classée. Tout, d’après ces putains de magistrats à la con, le désignait coupable. Il détestait notre beauf ̶ comme à peu près tout le monde sur la bague ! ̶ et son bras bionique lui a permis de manipuler le serpent sans danger. C’était un peu lège pour moi. Ça cachait autre chose et j’allais le découvrir. C’était juste une question de temps…
Mais impossible de me concentrer. J’étais obsédé par cette putain d’image. Par le dernier mot de ce fou furieux. Il fallait que je le liste. Que je découvre qu’elle était sa dernière menace… Fait chier ! Qu’est-ce que tu me veux aujourd’hui ?
Sans plus attendre, je lus la note au dos de la carte. Elle avait été tapée à la machine, comme pour la lettre trouvée au château. « Moridan, comment se porte notre très chère Léila ? » Rien d’autre. Il se foutait de moi ! Il me prenait vraiment pour un con. Pas d’autre explication possible. Je retournais le bout de papier dans tous le sens, à la recherche d’une autre phrase. D’un secret dissimulé dans la brume autour de cette belle lune claire. Mais que dalle. Il prenait simplement des nouvelles de Léila. Après l’avoir laissée pour morte dans des souterrains dégueu, il y a de ça plusieurs semaines déjà, il s’inquiétait de ce qu’elle devenait !
C’était tout bonnement délirant… et incompréhensible. S’il était aussi peiné par l’état de Léila, pourquoi avoir détruit la fiole avec ce liquide violet ? Pourquoi m’avoir assommé et l’avoir laissée tomber ? Ce putain de mal de crâne ne m’avait pas quitté pendant près de trois jours. Quant au « remède », il était tellement complexe que les scientifiques n’arrivaient pas à identifier tous les composants. Jusqu’à hier, ils étaient en panique… Heureusement que l’IAC était là pour les aider. Sans elle, ils ne serviraient vraiment à rien !
Je me concentrai sur la photo. Ce paysage me semblait bien familier. Comme un vieux souvenir… Bon sang ! Mais bien sûr ! Ce cours d’eau, ces fortifications, cette horloge sur pilotis et ce personnage fantomatique devant la lune blanche… c’était un de ces vieux jeux vidéo auxquels je jouais, gamin. Floriane m’avait offert une console rétro et on y jouait pendant des heures. Merde. C’était quoi déjà son nom ?
– Moridan. T’as du courrier.
– Quoi, encore ? C’est jour de fête, ma parole !
– Comment ça ?
Je levai la tête vers Thibaut. Il me regardait, perplexe. Il balança une nouvelle carte postale sur mon bureau. Un paysage lugubre aux contours irréels. Dans la même veine que les précédents. Fantastique et morbide…
Intrigué par cette image, je marmonnai un « merci » quasi-inaudible. Thibaut se contenta de hausser les épaules, comme si je déboîtais total, et partit en sifflotant. Mais ce n’était pas moi le taré. Depuis le début, je savais qu’il y avait quelque chose de bizarre. Je l’avais senti. Mais bien sûr, je n’avais pas écouté mon intuition. Comme un con, je m’étais contenté d'obéir aux ordres alors que cette petite voix dans ma tête me hurlait d’ouvrir les yeux. C’était pourtant évident !
Je me levai pour attraper ce taré. Telle une furie, je courus dans le hall et sifflais Hax et Rex pour qu’ils me rejoignent. Rendez-vous chez Gram, de l’autre côté du couloir. Ce pleutre allait me le payer ! Pour Léila et pour ma putain de commotion !
Texte de L.S.Martins (45 minutes chrono, sans relecture).
Image par davidfoxx de Pixabay : Immeubles Pont Fleuve - Photo gratuite sur Pixabay