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Oui, Charlie, mais au fait : c'est quoi les Soins Palliatifs ?

Oui, Charlie, mais au fait : c'est quoi les Soins Palliatifs ?

Publié le 6 déc. 2023 Mis à jour le 19 mars 2024 Voyage
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Oui, Charlie, mais au fait : c'est quoi les Soins Palliatifs ?

 

Article cette fois que je dédie à mon oncle et parrain, à l'initiation de la formation d'une équipe mobile puis d'une unité de soins palliatifs au moment de leur essor en France, au tournant des années 2000. Gilles, tu m'as accompagné depuis le début de mes études de Médecine dans ma réflexion, et nous avons régulièrement échangé autour de l'éthique et de l'humain à travers nos expériences respectives ; et je peux dire aujourd'hui que je suis fier d'une certaine manière de reprendre ton flambeau..:-)

 

J'ai donc finalement été recruté, et j'ai pris mes fonctions au CHU de Saint Denis fin novembre, il y a tout juste une semaine, au sein de l'EMSP (=équipe mobile de soins palliatifs). Et ce que je peux vous dire d'emblée, c'est que oui, là je me sens vraiment à nouveau à ma place ;-). L'intégration se fait rapidement, l'équipe est petite (1 médecin, 3 IDE, 1 psychologue, 1 secrétaire) mais super chouette, d'emblée le contact passe bien, et le travail d'intervention au niveau des différents services de l'hôpital pour discuter des prises en charge palliatives de patients, qu'il s'agisse de traitement de la douleur ou d'autres signes d'inconfort, de discussions éthiques sur la limitation de soins, de non acharnement thérapeutique ou de l'accompagnement d'un patient et de ses proches en phase terminale d'une maladie, est extrêmement intéressant et riche à de nombreux niveaux. Alors oui, dans ce cadre très humaniste, intervenant à un moment si particulier de la vie des personnes où tout rejaillit et se bouscule, tant au niveau physique, que psychique, moral, familial et social, ou spirituel, je me sens à ma juste place, celle où l'on peut véritablement considérer et prendre en charge l'être humain dans sa globalité et dans tout ce qui l'habite.

Alors je suis toujours amusé de voir vos visages se décomposer ou faire la moue quand, les premières fois où nous nous rencontrons, je vous dis que je suis médecin, et quand arrive le moment où vous me demandez ma spécialité, je vous répond "la douleur et les soins palliatifs"...

« - Oh.... ça doit pas être drôle/facile/évident tous les jours, ça !... »,

et de vous répondre :

«- oui c'est sûr, c'est souvent complexe et pas toujours évident à gérer, mais c'est tellement riche humainement ! »

Car oui, c'est une richesse des échanges, une richesse de rencontres singulières, de moments particuliers où l'on prend le temps d'être là, pleinement présent avec les patients, à leur écoute de leur propre vérité/ressenti/souhait, et que ce temps, c'est vraiment notre grand luxe, quand on sait combien tout le reste du système de santé est pressurisé et en tension depuis tant de temps. (mer...credi..j'ai l'impression de t'entendre parler à travers moi, Gilles, là ! )

Mais tout ceci traduit également peut-être une certaine méconnaissance ou incompréhension de ce que nous faisons réellement, avec l'idée que l'on ne gérerait que des patients en fin de vie, où l'on serait là essentiellement pour aider les gens à mieux mourir, voire où on pratiquerait l'euthanasie sans le dire... Alors laissez moi vous expliquer brièvement ce que sont vraiment les soins palliatifs.

Les soins palliatifs, ce sont tous les soins que l'on peut proposer lorsqu'on a acté qu'un patient ne pourra pas guérir de sa maladie, et lorsque l'on sait que cette maladie, à plus ou moins long terme, risque de lui être fatale. Il s'agit alors d'un renversement complet de paradigme dans la culture du soin : l''objectif premier n'est plus la guérison « à tout prix », mais il se centre avant tout sur le confort et la qualité de vie du patient. Le moteur de l'ensemble de nos réflexions et interventions, c'est cet objectif de tendre vers le meilleur confort et la meilleure qualité de vie ressentis par le patient, malgré les contraintes et les symptomes que sa maladie lui inflige.

De là, on peut en déduire plusieurs choses :

- Un patient peut entrer tôt dans une démarche palliative, et il peut y rester longtemps, plusieurs mois voire plusieurs années, selon la rapidité d'évolution de sa maladie. On ne s'occupe donc pas que des patients en fin de vie, et au contraire, on est ravis quand on intervient tôt dans le processus et que le patient peut évoluer progressivement et sereinement dans l'acceptation de sa propre finitude.

- Le confort et la qualité de vie, contrairement aux idées trop vite preconçues, sont des expériences humaines extrêmement subjectives. On peut être atteint d'un très lourd handicap et pourtant éprouver une qualité de vie satisfaisante ; on peut avoir une maladie extrêmement agressive et se sentir confortable malgré tout avec les prises en charge appropriées. La santé, c'est ce dont on prend conscience quand on la perd. Mais chacun a sa manière propre de vivre cette altération de sa propre santé.

C'est donc une médecine qui remet le patient au centre de tout : c'est lui le sachant, c'est lui qui peut dire s'il est confortable ou non, s'il estime sa situation satisfaisante ou tout au moins suffisamment acceptable, tolérable ; c'est lui seul qui peut décider s'il est prêt ou non à accepter telle ou telle prise en charge, au vu de ce qu'il considère comme prioritaire pour lui dans ce sentiment de confort, dans le respect de lui même, dans le maintien de sa dignité.

- Enfin, et c'est je trouve la phrase la plus juste pour les définir, les soins palliatifs, c'est cette phase où, "quand il n'y a plus rien à faire, il y a tout à faire" (on aime bien les phrases percutantes en SP :-)). Quand on a posé qu'on ne guérirait pas le patient et que ce qui compte prioritairement c'est son confort et sa qualité de vie, alors on peut de nouveau envisager tout le plateau technique que la médecine propose, mais sous un regard différent : une chimiothérapie pour ralentir la progression et les douleurs induites par ce cancer ; une endoscopie pour désobstruer un canal, une prothèse pour ramener la circulation dans un intestin, une chirugie pour consolider une vertèbre ou un os infiltré ; on peut proposer des traitements de haute technicité comme l'implantation de dispositifs qui peuvent aider à contrôler la douleur, comme des electrodes ou des pompes d'antalgiques...

Mais aussi tout un autre ensemble de techniques ou de soins non médicamenteux, comme de l'hypnose, de la relaxation, du yoga, de la méditation, des soins socio-esthétiques pour reconstruire l'image de soi, des massages, un accompagnement psychologique, éventuellement spirituel... tout est centré sur le bien-être et le bien-vivre du patient, mais également sur le soutien et l'accompagnement de son entourage, dimension essentielle d'une prise en charge globale, car c'est tout un équilibre personnel et familial qui se retrouve chamboulé par la maladie.

On n'aide donc pas les gens qu'à "mieux mourir", mais on recherche d'abord et autant que possible un "mieux vivre", pour le temps qui reste à vivre. Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir, il y a quelque chose à faire. Et lorsqu'on aborde la phase terminale, la véritable fin de vie, il y a une loi qui a fait beaucoup progresser les prises en charge et les mentalités dans l'accompagnement des patients, c'est la loi Clays-Leonetti.

Sans entrer dans les détails, mais cette loi réaffirme la place du patient au cœur du processus décisionnel, par la notion de personne de confiance et de directives anticipées par exemple. Elle permet également l’arrêt des traitements au titre du refus de l’obstination déraisonnable (ou acharnement thérapeutique), et permet au patient de bénéficier de ce qu'on appelle une sédation profonde et continue jusqu’au décès, lorsque son pronostic vital est engagé à court terme, dans le but de soulager une souffrance qui est réfractaire aux autres traitements entrepris ; et cela, même si ça peut précipiter son décès.

Il s'agit d'une nuance subtile mais fondamentale : on ne pratique pas d'euthanasie active ni de suicide médicalement assisté ; on soulage un patient de souffrances intolérables, même si cela peut limiter ses capacités à se maintenir en vie. Le produit n'est pas létal, c'est la maladie et les défaillances des fonctions vitales qu'elle engendre qui entraîne la mort du patient. Et à l'heure d'aujourd'hui où ces questions d'assistance médicale à mourir sont fortement débattues au niveau sociétal et dans nos parlements, je peux dire que la grande majorité des soignants (en tout cas en soins palliatifs) considère comme un fossé immense et une ligne rouge à ne pas franchir que d'aller vers une légalisation du suicide médicalement assisté, comme pratiqué en Belgique ou en Suisse par exemple.

Ceci étant, les soins palliatifs, oui, mais ça se pratique où ? En fait, il y a plusieurs lieux où l'on peut proposer une approche palliative, plus ou moins dédiés à cela.

D'abord, dans n'importe quel service, on doit être en mesure de proposer un accompagnement palliatif, dans le respect de la loi et des droits du patient. Mais tous ne sont pas forcément formés ou sensibles à ces approches, car comme je vous le disais il s'agit vraiment d'un changement complet de paradigme pour les soignants (renoncer à guérir pour se centrer prioritairement sur la qualité de vie du patient), qu'il n'est pas facile d'appréhender sans être au moins sensibilisé à cela. C'est un peu ce que nous faisions sur nos lits de médecine polyvalente à la clinique Aressy, ou bien quand j'allais donner des avis pour les patients en insuffisance cardiaque terminale en service de cardiologie.

Alors, pour favoriser certaines pratiques, il existe dans certains services des LISP (lits identifiés en soins palliatifs), qui bénéficient de moyens humains supplémentaires (nombre limité de patients par infirmière/aide soignant) et d'une valorisation financière particulière du séjour. On peut retrouver des LISP dans des services d'oncologie (le cancer) par exemple, ou même dans des SSR (soins de suite et réadaptation). Ils peuvent ainsi conduire sur un même lieu leur activité médicale habituelle « curative » et une approche palliative plus spécifique. C'était dans ce cadre que j'intervenais à la clinique Marzet à Pau, ou à l'Oncogard à Nîmes.

Cet accompagnement spécifique ne nécessite pas forcément des soins aigus, ni d'être hospitalisé ; mais s'il y a des soins assez lourds à réaliser néanmoins, ou le besoin d'une vigilance particulière chez un patient qui peut décompenser à tout moment, et que celui ci veut préferentiellement passer les jours qui lui restent à vivre chez lui plutôt que dans une structure de soins, il y a également les dispositifs d' HAD (hospitalisation à domicile) qui peuvent assurer cette prise en charge. C'est dans ce cadre d'HAD que j'intervenais quand je suis arrivé à la Réunion début octobre, avec ici une forte proportion de patients relevant de soins palliatifs (environ 70%), afin d'accompagner des patients et des familles très investies et fortement désireuses de pouvoir « mourir à la maison ».

Autrement, afin d'accompagner les patients, les familles mais aussi les soignants dans cette prise en charge spécifique et spécialisée avec laquelle ils ne sont pas toujours à l'aise ni habitués, il y a les équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP) à l'image de celle que je viens d'intégrer. Elles ont un rôle d'expertise et donc de conseil des équipes soignantes pour améliorer les prises en charge des patients et de leur entourage, mais également de soutien et de sensibilisation/formation, afin de promouvoir et d'instaurer une culture palliative au sein des établissements de santé. Ici, on intervient au sein de l'hôpital principalement, mais on peut également se rendre au domicile des patients, ou dans d'autres structures comme les EHPAD par exemple, pour donner des avis, améliorer les prises en charge, sensibiliser et former les soignants à la spécificité de cette approche.

Et enfin, il y a les fameuses USP ou unité de soins palliatifs, qui accueillent exclusivement des patients en situation palliative, le temps d'un séjour de repos lorsque le patient est trop fatigué pour rentrer chez lui, d'un séjour de répit pour l'entourage souvent épuisé, de faire un point médical et mener les explorations nécessaires en cas de dégradation ou complications de l'état d'un patient, ou pour accompagner un patient dans la phase terminale de sa maladie jusqu'à son décès.

Cet arbre rouge qui a agrémenté l'article est un flamboyant. C'est la pleine saison de floraison, qui dure à peine un ou deux mois, et qui transforme la ville de Saint Denis et le paysage alentour à l'époque de Noël dans une explosion de couleurs !

C'est souvent au travers de cette approche terminale dans ces USP que le commun des mortels imagine ou découvre le monde de la médecine palliative, d'où cette confusion énorme entre les mots palliatif et fin de vie, souvent considérés comme synonymes.

J'espère que cette article vous aura convaincu du contraire !

Je terminerai par cette citation si juste pour définir la philosophie des soins palliatifs : 

«Guérir parfois,

soulager souvent,

soigner/accompagner toujours.»

Je vous embrasse.

Prenez soin de vous, chacun dans vos vies respectives, à l'approche de ces fêtes de Noêl. Et je souhaite une belle fête et un joyeux anniversaire aux personnes concernées en ce jour de Saint Nicolas 😘

 

 

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Commentaires (2)

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Maivan il y a 4 mois

" C'est souvent au travers de cette approche terminale dans ces USP que le commun des mortels imagine ou découvre le monde de la médecine palliative, d'où cette confusion énorme entre les mots palliatif et fin de vie, souvent considérés comme synonymes. "

Oui, votre superbe article m'a convaincue du contraire :-)

Bravo !
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Charlie il y a 4 mois

Merci ! Et heureux de vous avoir convaincu du contraire ! Ici, on évite de s'attrister de la mort, on essaie de se réjouir et de rendre supportable avant tout de ce qu'il y a encore de temps à vivre !

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