Félicitations ! Ton soutien à bien été envoyé à l’auteur
Émigrés et exilés

Émigrés et exilés

Publié le 26 mai 2023 Mis à jour le 26 mai 2023 Voyage
time 5 min
0
J'adore
0
Solidaire
1
Waouh
thumb 3 commentaires
lecture 49 lectures
1
réaction

Sur Panodyssey, tu peux lire 30 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 29 articles à découvrir ce mois-ci.

Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit ! Se connecter

Émigrés et exilés

Un vrai sédentaire, un vrai casanier, voyage sans doute dans le temps mais le moins possible dans l'espace. Son paradis, c'est son chez-lui, son terroir, l'endroit où il a ses repères et aussi ses racines, qui a forgé sa personnalité, qu'il a forgé à son image et auquel il s'identifie. C'est sa maison, son village ou bien sa ville, sa région, son pays, son continent, sa culture. C'est aussi sa famille, ses amis, ses voisins, ses collègues.

Mais parfois, il arrive que le destin l'arrache malgré lui à l'environnement dans lequel il est né et où il se sentait chez lui. 

Parfois il lui est tout simplement impossible de rester pour des raisons simplement pratiques. L'école ou l'université ne sont pas sur place et il doit aller ailleurs pour poursuivre ses études. Ou bien il n'y a pas de travail là où il habite et il doit déménager, voire émigrer, pour espérer trouver un emploi et se construire un avenir. 

Parfois c'est la Nature qui l'y force : une catastrophe, naturelle ou climatique, un tremblement de terre, un glissement de terrain, une éruption volcanique, des inondations, une tornade, la sécheresse, la montée des eaux qui grignote le territoire avec le réchauffement climatique. Il a tout perdu, parfois c'est tout son environnement qui est dévasté, et il n'a pas d'autre choix que de faire ses bagages et de recommencer sa vie ailleurs. 

Parfois il est carrément dangereux pour lui de rester. 

Son pays est en guerre et le lieu où il habite est le théâtre de combats, peut-être même tombé aux mains de l'ennemi, et il n'est pas apte à combattre ou bien il préfère mettre les siens à l'abri. 

Ou bien il a été condamné à l'exil pour opposition politique au régime en place. Ou alors il fuit simplement ce régime et ce système qu'il n'approuve pas dans son principe ou dans lequel, plus simplement, il ne trouve pas sa place ni d'avenir à la mesure de ses ambitions. 

Quoi qu'il en soit, ce qui le motive dans tous ces cas, c'est le désir de survivre, l'espoir d'une vie meilleure, ou les deux à la fois. 

Mais quel que soit le cas de figure, s'il part, c'est parce qu'il ne peut pas faire autrement. C'est parce qu'il n'a pas, ou plus, le choix. 

Souvent, il tente de s'arranger du mieux qu'il peut avec les circonstances adverses. Il espère rentrer chez lui dès la fin de ses études. Il accepte n'importe quel travail, même dégradant, même sous-payé, en espérant qu'un jour futur ça ira mieux. Il peine pour cultiver un lopin de terre ingrate. Il tente de reconstruire sa maison détruite, de réunir son entourage éparpillé. Il se bat pour défendre la terre de ses ancêtres, il fait de la résistance. Il combat un régime injuste comme on combat un envahisseur. Ou il tente péniblement de faire son chemin dans une société qui ne lui offre aucun avenir. Quel que soit le cas de figure, ses efforts et son combat durent souvent des années. Et s'il finit par partir, soit c'est soit parce que les choses ou les gens l'ont chassé de chez lui, soit parce qu'il a beau faire, il se retrouve après chaque essai devant un mur. 

Quand il s'en va, c'est en jetant derrière son épaule un regard nostalgique avec les larmes aux yeux. Il emporte avec lui un album de photos, des objets en souvenir de sa vie d'avant, un peu de terre de son pays natal. Il note soigneusement dans son carnet d'adresses les coordonnées de contacts de son terroir natal. Quand il est au loin, il se met en rapport avec eux le plus souvent possible. 

Et dès qu'il s'en va, il pense au retour. 

Au petit retour, provisoire, pendant d'éventuelles vacances. En attendant le grand retour, définitif, quand les études seront finies, quand le régime aura changé, quand le pays sera reconstruit, quand l'économie ira mieux et qu'il y aura du travail chez lui, quand l'envahisseur sera parti. Quand on aura trouvé une parade à la montée des eaux ou à la sécheresse. Ou tout simplement, dans un avenir lointain, quand il sera retraité et aura fait relative fortune avant de rentrer au pays. 

Certains rentrent un jour. Beaucoup ne rentrent jamais. 

Les enfants ont grandi à l'étranger et y font leur vie, c'est là-bas qu'ils se sentent chez eux. Ils y ont étudié, ils y travaillent, ils y trouvent l'âme sœur, y fondent une famille, y montent parfois une entreprise. Les parents eux-mêmes s'y sont installés avec le temps. Parfois ils ont trouvé une vie meilleure, parfois pas. Mais quoi qu'il en soit, quand ils rentrent au pays, ils voient qu'il a changé. Mais pas nécessairement comme ils l'avaient espéré. Eux aussi ont changé, mais pas avec l'endroit où ils ont grandi. Ils ne l'ont pas accompagné dans son évolution, et quand c'est un changement brutal qui les y a arrachés, ils constatent avec déception que l'on n'a même pas tenté de rétablir les lieux tels qu'ils les avaient connus avant la grande catastrophe. Et même si on l'a fait, ce n'est plus la même chose. Ce sont les mêmes lieux, mais pas les mêmes gens. Et si ce sont les mêmes gens, ils ne sont plus comme avant. Ils ne reconnaissent plus le terroir de leur enfance. Ils n'y retrouvent plus leurs racines. Ils ne s'y sentent plus chez eux. 

Mais ils ne se sentent pas pour autant chez eux là où ils sont allés. Là où tout, leur aspect, leurs vêtements, leur langue, leur système, leurs coutumes, leur cuisine, leurs fêtes, leur culture, leur religion aussi parfois, et surtout le regard des autres et la façon qu'ils ont de parler d'eux, leur rappellent qu'ils y sont des étrangers. Et que même s'ils y ont passé des années, et même s'ils ont pris la nationalité, aux yeux des gens du cru et dans leur propre cœur, ils restent malgré tout des étrangers.

Ils ne sont plus chez eux nulle part, ni ici ni là-bas. 

Le voyage a commencé par être pour eux un arrachement et un déracinement. Et par la suite, il est devenu l'histoire désespérée d'un impossible retour vers un pays à jamais disparu. 

Leur mémoire est devenue leur territoire.

lecture 49 lectures
thumb 3 commentaires
1
réaction

Commentaires (3)

avatar

Bernard Ducosson il y a 10 mois

Moi j'aurai dit Hawking, mais peu importe.
avatar

Jackie H il y a 10 mois

Tout à fait, en tout cas c'est ce que Darwin disait
avatar

Bernard Ducosson il y a 10 mois

L'intelligence, c'est s'adapter au changement...

Tu aimes les publications Panodyssey ?
Soutiens leurs auteurs indépendants !

Prolonger le voyage dans l'univers Voyage
Paris (2024)
Paris (2024)

Crédits photographiques Jean-Marc Sire

Jean-Marc Sire
1 min

donate Tu peux soutenir les auteurs qui te tiennent à coeur