Japanese's style
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Japanese's style
11sept.2019
Je ne vais pas prétendre ici avoir tout compris de la culture japonaise après seulement 10 jours sur place ; bien loin de moi cette idée ! Mais j'observe ici, je lis aussi, et j'essaie de comprendre cette population passionnante et très intéressante à étudier avec un regard exterieur d'occidental ....
D'abord en bref : 126 millions de japonais sur un territoire restreint de 377 500 m2 ; 80 % de la surface étant des montagnes, 90% de la population se concentre dans des villes, avec deux immenses mégalopoles que sont Tokyo-Kawasaki-Yokohama ( 36 millions d'habitants) et Kyoto-Osaka-Kobe (25 millions). Donc population essentiellement urbaine, grosse densité de population sur les surfaces habitées, et deconnectée souvent de la nature, bien qu'un certain nombre aspire à se rapprocher un peu plus des campagnes ou migrent des megalopoles vers les plus petites villes.
Après mes premières impressions tokyoites de japonais très disciplinés, très automatisés, très uniformisés, et au final très isolés au milieu d'une foule immense, je dois dire que sortir de la megalopole me permet de rencontrer des personnes beaucoup plus libérées, spontanées, souriantes, devisant et riant facilement en marchant ; plus accessibles aussi, d'une gentillesse extrême ! ultra prévenants envers les étrangers, et très curieux de nous rencontrer et d'échanger, même si pour la plupart les rudiments d'anglais sont très éthérés... Mais que ce soit aux guichets, dans la rue, dans les hotels, au comptoir des échoppes ou des salons de thés, j'ai regulièrement l'occasion de discuter, parfois avec quelques mots d'anglais, parfois avec l'aide de mon guide de conversation japonais, parfois avec l'aide de google traduction qu'ils aiment à utiliser... Et tout ça avec une extrême gentilesse, une grande attention, et un profond respect de l'autre... Très agréable et appréciable !
Derrière cela existe aussi une société très organisée et respectueuses des règles et des conventions, avec un souci du détail qui fait vite sourire, très souvent plaisir, et parfois qui laisse à penser qu'ils veulent trop tout régenter ! Les multiples extras, petites confiseries ou autre, au service dans l'avion, à commencer par les fameux oshiboris très souvent servis en debut de repas (petite serviette humide chaude pour s'essuyer les mains) ; les delimitations sur le trottoir, dans les escaliers ou à l'attente du métro pour delimiter l'espace de chacun afin de pouvoir se croiser sans se gêner ; les pantoufles que l'on trouve dans chaque WC d'hotel, en addition de celles qu'on nous invite à chausser à l'entrée après avoir enlevé nos chaussures ; les automates à l'entrée des restaurants pour passer sa commande, sans monopoliser les serveurs ou les cuisiniers ; ...
Tout un ensemble de détails et d'attentions qui étonnent qu'ils y aient pensé, et qui donnent quel que soit l'endroit où l'on se rend le sentiment d'un service de grande qualité, et de villes particulièrement propres et civilisées ! Reste pour l'écolo que je suis une surconsommation de plastiques en tout genre, tout est emballé suremballé, que ce soit la petite serviette qu'on te donne avec la brochette que tu viens d'acheter, le sirop de glucose pour sucrer ton café, le sac plastique delivré à chaque achat quel qu'il soit, le règne de l'emballage individualisé pour n'importe quelle viennoiserie, bento (boite à repas prépreparée), boisson ou autre.... Derrière cette notion d'hygiène particulièrement exacerbée, une certaine prise de conscience écologique qui laisse toutefois à désirer...
Une société extrèmement portée sur la consommation également ! des distributeurs de boissons multiples absolument partout, dans les gares, sur les quais, dans la rue, dans tous les lieux touristiques en abondance, dans les hotels et supermarchés ; des boutiques souvenir ou de gateaux et friandises qui se multiplient dans chaque endroit à visiter, et les japonais qui se font un devoir de chacune les inspecter et d'acheter ; des très bons clients ! des bonnes têtes de pigeons comme on les qualifierait dans le reste du monde, ayant du mal à refuser, et toujours prêts à s'extasier et à consommer. A l'image du chemin pour monter au Mont Fuji, 10 stations, la vente d'un bâton à 15e qu'à chaque station on peut faire tamponner au fer pour 2,5e chaque tampon, je vous laisse compter, et tous les japonais bien-sur qui jouent le jeu avec un enthousiasme débordant !
L'esthetisme ensuite... Un esthetisme sobre et raffiné à la fois, ce qu'ils appellent le sabi, la simplicité élégante, héritage de l'arrivée du zen et de sa philosophie minimaliste autour de 1200 ap.JC, qu'on retrouve dans les temples, les habitations, les jardins, n'importe quel aménagement...Je crois que c'est en Inde à Bodhgaya, plus haut lieu de pelerinage bouddhiste au monde, où chaque pays bouddhiste a construit un temple à son image, que je suis tombé amoureux de ce style très épuré, de cette architecture aux courbures très stylisées, de ce souci du détail sans être flamboyant pour autant... Oui je crois que c'est là, en 2006 dans ces temples avec ce cher vieux Flo, que je suis tombé sous le charme de cette esthetisme élégant, sobre et raffiné à la fois, et que je me suis dit que je rêverai de venir voir tout ça de plus près...
Enfin, je voudrais terminer par une reflexion en forme de questionnement. Les japonais sont des férus inconditionnels de la photographie. Tout ce qu'ils mangent, tout ce qu'ils voient, tout ce qu'ils font est sujet à photo. La glace qu'ils viennent de commander ? Le plat qu'on vient de leur apporter ? La petite sculpture au milieu de la place, le moindre divertissement, la plante qu'ils aperçoivent en se promenant, les innombrables selfies avec la perche dans chaque endroit à visiter ; n'importe quel panneau explicatif de quoi que ce soit, le panorama détaillé des montagnes sur un grand panneau ? Ils le prendront et se prendront en photo devant, plutôt que devant les paysages eux mêmes qui sont juste derrière.
Le constat est là. Ils ne prennent jamais le temps d'observer et de se laisser imprégner, même à l'arrivée en haut du mont fuji au lever du jour ou au beau milieu des alpes japonaises, tout ce qui a un tant soit peu d'attrait est immédiatement immortalisé dans le telephone ou l'appareil photo et ils regardent eventuellement vite fait après.
Et ceci me renvoie alors beaucoup à cette société de l'immédiateté qui se dessine aussi chez nous ; le reflexe de tout filmer ou photographier ; le reflexe de chercher tout de suite la réponse à une question sur internet, ou de consulter et répondre à ses textos prioritairement à la personne avec qui on est en train de discuter ; le reflexe d'appeler le 15 ou d'aller chez son medecin ou aux urgences dès qu'il y a un probleme de santé quel qu'il soit (le petit pic à 38° de l'enfant à 14h qu'on doit recevoir en urgence à 16h pour savoir ce qu'il a)...
Tout ceci me donne le sentiment qu'immédiateté ne rime pas du tout avec vivre dans le présent, mais plutot avec réponse impulsive à un imperatif ressenti de plus en plus fréquemment, dont je ne suis moi-même pas exempt de l'éprouver, aussi ! et qui s'impose de plus en plus à nous, nous laissant de moins en moins le temps de ressentir, d'éprouver, de s'extasier sereinement, de se laisser traverser, d'évaluer, de réflechir, de questionner, de rechercher dans sa mémoire... Tout ceci m'interroge beaucoup sur la société de l'instantanée qu'on construit aujourd'hui et pour demain, et des consequences que ça peut avoir sur notre psyché individuellement et collectivement.
Voilà ce que m'évoquaient ces japonais caméra au poing au beau milieu des montagnes alpines japonaises aujourd'hui, sans jamais prendre le temps, oui prendre le temps au sens litteral, de regarder par eux mêmes ce qu'ils photographiaient....
Je vous laisse sur cette reflexion.
Bien à vous toutes et tous ! Bises