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Un moment de grâce : à l'assaut du Piton de la Fournaise (2632m)

Un moment de grâce : à l'assaut du Piton de la Fournaise (2632m)

Publié le 1 déc. 2023 Mis à jour le 1 déc. 2023 Voyage
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Un moment de grâce : à l'assaut du Piton de la Fournaise (2632m)

 

Article dédié à ma très chère Maman, qui le jour même fêtait ses ... années. Toutes mes pensées sont allées vers elle au sommet !

 

A la Réunion, beaucoup évoquent cet instant magique d'être au lever du jour aux plus beaux points de vue de l'île, pour y admirer les fantastiques jeux de lumière et pouvoir bénéficier d'une vue dégagée avant que les nuages ne se forment : être au Maïdo au lever du jour, être au sommet du Piton des Neiges au lever du jour... Pour notre part, c'est l'ascension de nuit du Piton de la Fournaise que nous ambitionnons, afin d'être rendu au cratère aux premières aurores. Et nous n'allons pas être déçus...

                                         Le piton de la Fournaise dans sa mer de nuages, vu du piton des Neiges

Plusieurs fois dans la semaine la météo était mitigée ou menaçante, nous obligeant à repousser le jour de notre escapade. Mais pour ce samedi, ça y est, les conditions semblent enfin réunies ! Couvert l'après-midi, éclaircies le soir, nuit éclairée, soleil le lendemain matin et journée... Lé bon ! On est partis !

Je quitte Saint-Denis avec Eliane et nous retrouvons Guillaume chez lui à St Leu (sur la côte ouest) pour dormir chez lui. La rando team est de nouveau réunie ! Enfin, dormir... disons plutôt se reposer la première partie de soirée, car à 00h le réveil sonne et nous voilà en route pour 2h de voiture en direction du pas de Bellecombe. La route de nuit est étrange et très sinueuse. Nous pénétrons l'interieur de l'île par la plaine des cafres, au niveau de Saint Pierre, puis s'ensuit à Bourg Murat une longue montée en lacets dans des décors mystérieux, végétation de plus en plus aride pour devenir semi-désertique, tandis que les brumes se forment et s'agglutinent au dessous de nous à mesure que nous nous élevons, formant une superbe mer de nuages éclairée à la lune brillante ; et nos yeux déjà s'illuminent.

2h : arrivés au pas de Bellecombe, nous nous équipons dans un froid tonifiant (nous sommes déjà à 2300m d'altitude ! ), allumons nos frontales, et commençons par descendre les 527 marches du rempart qui mènent à l'enclos Fouqué (je vous expliquerai plus tard la topographie du site). Puis nous évoluons sur un terrain assez plat, formé de grandes dalles de lave dessinées par une coulée, tout en suivant un parcours de taches blanches peintes sur la roche volcanique noire environ tous les 2 mètres.

Pascal nous avait bien prévenus : ne déviez jamais votre chemin de ces traces blanches, véritable parcours de Petit Poucet, au risque de très vite vous perdre dans ce désert volcanique, surtout en plein milieu de la nuit ; et si jamais la brume vous tombe dessus, surtout ne bougez plus et attendez d'y voir un peu plus clair avant de reprendre votre route. C'est dit, et c'est un sage conseil !

L'ascension qui suit du volcan n'est pas très dure ni très compliquée physiquement ; la pente est relativement douce, et le denivelé global peu important (360m de D+ à l'aller). Cependant, la roche est extrêmement rugueuse et dechirée, amas de multiples projectiles de tailles différentes éparpillés, nécessitant d'avoir de bonnes chaussures qui vont être de toutes façons flinguées, et d'avancer avec précaution dans la nuit pour éviter de se tordre une cheville ou de se perdre. On avance alors, chacun à son rythme, dans la nuit noire, véritablement perdus au milieu de nulle part dans ce désert de roche noire, admirant de temps en temps la voûte céleste (et inconnue pour moi) de l'hémisphère sud. Par moments, afin d'apprécier mon ascension, et peut être tenter de me relier à quelque chose, de me sentir un peu moins isolé, je me retourne en arrière et observe, l'instant de quelques minutes, la ligne de frontales allumées qui jalonne de manière éparse mais en rangée alignée l'enclos et la paroi du volcan. C'est un moment atemporel, où je sens que je suis en train de vivre quelque chose d'exceptionnel, pleinement connecté à la magie de l'instant, pleinement conscient que le meilleur reste encore à venir !

Rapidement, de fines goutelettes d'eau se condensent dans l'air, puis le phénomène s'intensifie, formant une petite pluie. Je poursuis ma route, quand tout à coup la fameuse brume me prend et m'enveloppe, rendant brutalement la vue très limitée ! Je comprends alors concrètement les sages conseils de Pascal qui nous ont été prodigués, car vraiment, en l'espace de quelques minutes, on n'y voit plus rien ! La brume se dissipe un peu, me permettant de reprendre ma route, tandis que la pluie continue de tomber finement. Je rejoins finalement Eliane et Guillaume qui étaient partis devant depuis un bon moment, et les sermonne pour la forme, en leur disant qu'il vaudrait mieux rester groupés au vu du risque concret de se blesser ou de se perdre ! Nous poursuivons alors ensemble notre route, la pluie s'estompe tandis que nous nous élevons au dessus du brouillard, et arrivons finalement à l'applomb du fameux cratère Dolomieu...

La nuit est encore sombre, on ne distingue pas encore ce que nous avons en face de nous ni l'intérieur du cratère. Nous avons mis 1h48 pour arriver jusqu'ici, il nous reste une bonne heure avant le lever du jour, et à peine l'effort suspendu, il commence déjà à cailler ! Nous nous félicitons joyeusement d'être ici, puis rapidement nous nous équipons de tout ce que nous avons encore dans le sac, pour tenter de ne pas trop vite nous refroidir. Nous grignotons quelques carreaux de chocolat en récompense de nos efforts, et nous trouvons un endroit où nous installer sur la roche, afin d'être aux premières loges dans l'attente du spectacle majestueux qui nous attend. Les étoiles et la lune scintillent au dessus de la mer de nuages, et nous patientons.

Je me souviens d'avoir déjà vécu ces moments particulièrement émouvants, notamment au sommet du mont Fuji au Japon, à attendre l'apparition progressive de la lumière à jour frisant. Mais une nouvelle fois : qu'est ce que c'est beau et magique à la fois ! Le spectacle est tellement magnifique qu'on s'extériorise de nos contraintes terrestres habituelles, qu'on en oublie la faim, la soif, ou qu'il fait vraiment bien froid. La lumière du jour, aux subtiles nuances de rouge orangé, gagne progressivement l'horizon, s'intensifie peu à peu, de seconde en seconde, révélant une gamme de plus en plus étoffée de teintes reprenant les différentes couleurs du spectre du visible. Les rayonnements des jaunes et des violets notamment, apparaissent de plus en plus marqués.

C'est un grand retour aux sources, aux origines de l'existant ! Un pur moment de grâce, où nous nous reconnectons avec ce spectacle intemporel que des millions d'hommes, depuis la nuit des temps et aux différents confins de la planète, n'ont eu de cesse de contempler et d'interpréter, créant ainsi les mythes fondateurs de la création du monde, dans une sorte de combat que mène le jour face à la nuit, la lumière face à l'obscurité, la beauté de la vie face aux ténèbres. Il y a quelque chose de subtil et pourtant de bien palpable, qui s'éprouve par le biais d'une émotion très particulière, contemplative et extatique à la fois, qui se passe de discours et de mots, que d'être admis à la table des Maîtres, des grandes forces qui régissent ce monde, le temps de quelques instants, nous, petits hommes, si risiblement petits que nous sommes.

Et pourtant. Je réalise alors cette vérité profonde et paradoxale que les sages et les grands esprits n'ont de cesse de nous enseigner : Plus on se sent petit, et plus on est grand. Plus on est humble, plus on se sait infime partie de l'Univers, et plus on peut se relier au tout. Le grain de sable n'est que poussière ; le désert est infiniment plus grand. La goutte d'eau ne pèse rien ; la force de l'océan est tout autre. Plus je relativise l'importance de mon existence, plus je m'associe à la puissance de ce qui existe et s'anime, au delà de mon existence.

 

Et c'est alors que, de manière magistrale, le Dieu Soleil sort derrière la ligne d'horizon et fait sa majestueuse apparition. Oh, oui ! Des hommes, partout et de tout temps, ont érigé des temples et élaboré des rituels en l'honneur de cet astre rayonnant si puissamment, qui nous apporte d'un coup sa lumière et sa chaleur ! Qu'ils l'aient appelé Râ, Hélios, Inti, ou Sûrya, chacun l'a célébré à sa manière ! Et dans le froid et l'obscurité du Piton de la Fournaise, on comprend bien pourquoi !  Emus et en silence, nous assistons et honorons respectueusement, chacun à notre manière , la progression rapide de notre étoile montant dans le ciel.

La mer de nuage est là, tout autour et devant nous. La roche, à nos pieds, ces coulées de pierre fondue refroidies et figées dans leur écoulement, dessine des formes et des mouvements fascinants à observer. Et derrière nous, à flanc de falaise formant un précipice plongeant, se découvre enfin le fameux cratère Dolomieu. Sans plus de commentaires, je vous laisse admirer le spectacle.

Nous avons désormais repris un peu de poil de la bête, et avec Guillaume, forts de cette expérience que nous vivons, nous nous prenons à philosopher, mi sérieux mi goguenards, parfois hilares, sur les limites que notre esprit et que la pensée s'impose pour définir et conceptualiser les choses. Je joue avec lui et avec les concepts. Qu'est ce qui définit le Vivant ? Qu'appelons-nous la Conscience ? Comment pouvons nous considérer ce monde purement minéral, pourtant si mobile et animé ? A la base de tout ce qui existe, est-ce de la matière, juste de la matière et des particules élémentaires en mouvement ? Ou n'y a t il pas quelque chose d'autre, de plus immatériel, qui serait de l'information, et dont la matière en serait le vecteur ? Vastes questions métaphysiques auxquelles l'ivresse des sommets et la grandeur des forces fondamentales qui animent notre planète m'invitent...on ne se refait pas...:-)

Mais le froid se rappelle à nous, à notre existence conditionnée d'être humain que nous pensions avoir un temps sublimé, et nous invite si ce n'est nous oblige désormais à redescendre. Fin du spectacle ! Il s'agit de redescendre sur Terre, les amis ! Enfin... pas tout à fait. La redescente du volcan, de jour, nous laisse découvrir peu à peu ce gigantesque espace que nous avons parcouru de nuit.

Le fameux enclos, dont je vous parlais tout à l'heure, est en fait une immense caldeira qui s'est affaissée sur elle même, telle un fer à cheval, sous l'effet des immenses forces telluriques, formant un rempart semi circulaire tout autour de nous. Au cours des différentes phases d'activité du volcan, plusieurs cratères se sont formés pour expulser le magma sous pression, puis se sont effondrés sur eux-mêmes, le principal et le plus récent étant le cratère Dolomieu. Mais il existe également d'autres cratères, lieux d'extériorisation accessoires de ce fameux point chaud, et de cette pression bouillonnante de roche et de gaz en fusion.

                                                   La coulée de lave, l'enclos, le rempart, et au fond..le Piton des Neiges !

De là haut, nous devinons plusieurs coulées de lave successives qui se reconnaissent sur les flancs. Chacune est datée sur les cartes IGN, le Piton de la Fournaise ayant présenté des éruptions quasiment tous les ans ces 20 dernières années. Nous redescendons donc en suivant par moment l'une de ces coulées, mais aussi au milieu d'un amas de roches projetées et refroidies dans l'air du ciel, blocs de pierre basaltique légère et particulièrement aérée, blocs plus denses de projectiles probablement plus riches en métaux, poussières et sables aux teintes différentes selon les minerais qu'ils contiennent.

Dans l'enclos, plus nous nous éloignons du volcan, plus nous voyons comment la Nature et la vie reprennent rapidement leurs droits. Commençant par des lichens et des mousses retenant l'humidité et la terre, un terreau fertile secondairement se développe, pour permettre le développement des premières plantes puis arbustes. Arrivés au rempart, la végétation a desormais complètement repris ses droits. Nous remontons alors les 527 marches, et nous posons au sommet pour pique niquer un savoureux sandwich de jambon/fromage et pâté végétal pour notre petit déjeuner. Enfin, nous regagnons la voiture, dans l'espoir de bientôt aller nous reposer.

Sur la route du retour, autour de nous, se dessine une autre grande plaine, appelée la plaine des sables, qui englobe l'enclos. Il s'agit en fait d'une deuxième caldeira, issue d'un affaissement similaire mais plus ancien, formant le rempart de la rivière de l'Est. La plaine des sables, en son sein, offre un paysage semi désertique et lunaire des plus époustouflants, cloturant pour nous ce voyage incroyable sur une autre planète, ou tout du moins dans une autre dimension spatio-temporelle.

A voir en redescendant : la Cité Volcan. Un musée très intéressant sur le volcan ; à voir bien sûr pour mieux comprendre ce que nous avons vus, à condition bien sûr de ne pas être trop fatigués !;-) Nous laissons Eliane à Bourg Murat, qui veut redescendre par la plaine des Palmistes vers la côte Est (elle a encore un peu de temps pour barouder, Eliane, avant de commencer son remplacement dans un SSR au sud de l'île). Quant à nous, nous rentrons épuisés chez Guillaume pour dormir quelques heures. Elles me seront précieuses, ces quelques heures, car le soir même j'enchaîne une soirée anniversaire d'une amie ophtalmo de longue date sur le thème du Carnaval Brésilien ! 

Je termine cet article avec quelques photos du volcan vu du ciel, envoyées par ma cousine Sophie qui est passée cette semaine avec Stéphane sur l'île retrouver des amis, et qui se sont offert avec eux un survol de l'île en hélico... Expérience là aussi incroyable je pense !! C'était un grand plaisir de vous voir ici, tous les deux ! A très vite donc !

J'espère que cet article vous aura séduit et vous aura donné l'envie de venir voir tout cela en vrai... Je vous attends, avec grand plaisir !

Des bises à toutes et tous

                                                Guillaume observant le Piton des Neiges depuis le Piton de la Fournaise

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Commentaires (4)

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Stéphane Hoegel il y a 11 mois

Beau récit et belles photos qui ont éveillé chez moi quelques souvenirs précieux...

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Charlie il y a 11 mois

Ahhh ! Je me disais aussi que mon lecteur le plus assidu n'avait pas encore liké ni laissé de commentaires...:-) Oui ? Tu as vécu le même genre d'expérience ? ici à la Réunion ou ailleurs ? Dis en moi un peu plus, pour une fois que tu me parles de ce que ça résonne personnellement en toi ! ;-)

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Charlie il y a 11 mois

Ahhh ! Je me disais aussi que mon lecteur le plus assidu n'avait pas encore liké ni laissé de commentaires...:-) Oui ? Tu as vécu le même genre d'expérience ? ici à la Réunion ou ailleurs ? Dis en moi un peu plus, pour une fois que tu me parles de ce que ça résonne personnellement en toi ! ;-)

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Stéphane Hoegel il y a 11 mois

Oui, la Réunion a été la dernière étape d'un "Tour du Monde en 50 jours" que j'ai eu le bonheur de faire en compagnie d'un de mes meilleurs amis en 2017. Pour être passé par les mêmes endroits que toi dans cet article, tu as réveillé chez moi de très bons souvenirs !

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