Pour qu'un complot réussisse
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Pour qu'un complot réussisse
On l'aura compris : je crois auX complotS, mais je ne crois pas AU comploT.
Je ne crois pas au GUCOU.
Parce que pour qu'un complot réussisse, il faut respecter un minimum de règles.
Un groupe restreint
Bien sûr, cela implique automatiquement un groupe restreint. Comme le secret fait automatiquement partie de la règle, chacun sait que moins de personnes seront au courant, moins il risque d'y avoir des fuites, voire carrément des trahisons. Dans l'Antiquité romaine, la conjuration de Catilina a échoué pour deux raisons : la première, c'est que trop de monde était impliqué ; la deuxième, c'est qu'au moins deux conspirateurs ont trahi en révélant l'existence du complot aux autorités. C'est dire qu'un groupe restreint (et solidaire) est le meilleur garant du secret indispensable à ce genre d'entreprise. Ceci dit, il ne s'agit bien entendu pas d'une certitude absolue : le seul moyen réellement sûr de garder un secret absolu... c'est de ne pas le partager. Du tout. Le hic, dans l'histoire, c'est qu'il est impossible de faire la révolution tout seul.
Mais le secret - donc un groupe restreint - à soi tout seul ne suffit pas.
La convergence d'intérêts
Il faut aussi, et même surtout, que tous les participants au complot tirent dans la même direction au lieu de se tirer mutuellement dans les pattes. Pour cela, il existe trois possibilités :
- soit ils ont tous les mêmes intérêts,
- soit leurs intérêts convergent parce que chacun y trouve un bénéfice différent,
- soit chacun est prêt à faire passer son propre intérêt personnel après celui de la cause défendue.
Reconnaissons-le : la troisième possibilité exige un degré d'abnégation de plus en plus difficile à trouver à l'heure actuelle, surtout dans les sociétés occidentales, mais dans les autres également. Et de toute façon, elle n'est guère tenable sur le long terme. Tôt ou tard, l'intérêt personnel finit par reprendre ses droits - le sien propre ou celui des siens. La détermination diminue avec le temps qui passe au fur et à mesure que l'objectif s'éloigne et que des impératifs plus immédiats viennent interférer avec lui.
Quant aux deux autres possibilités : les groupes de conspirateurs, surtout s'ils se recrutent dans les cercles du pouvoir et/ou dans ceux des affaires, n'ont que très rarement un seul et même intérêt commun, et quand par hasard ils en ont un, il est encore plus rarement durable, car dans un monde en perpétuelle mutation, rien n'est plus volatile que l'intérêt. Le plus souvent, il s'agit d'un rassemblement opportuniste de personnes venues d'horizons divers, qui ont toutes des intérêts disparates, et qui ne poursuivent le même objectif que parce que chacune en retire un bénéfice différent pour son propre compte. C'est le portait type du groupe dont les membres sont prêts à se tirer dans les pattes à la première occasion. On appelle cela une alliance objective.
Cela exclut donc tout groupe trop nombreux, dont les intérêts ont toutes les chances de diverger et dont les membres auront d'autant plus de mal à trouver un benéfice personnel dans un objectif commun qu'ils seront nombreux et disparates.
Mais cela nous amène également à la règle suivante.
La limitation dans le temps
On le sait : il n'y a rien de plus fragile qu'une alliance objective. Elle est susceptible de se retourner en une seconde à la moindre occasion, avant même qu'on ait le temps de dire "ouf". Et elle le fera à chaque fois que l'intérêt opportuniste d'un ou plusieurs des alliés changera - ce qui arrivera inévitablement dans un monde en perpétuelle mutation dans lequel la seule chose qui ne change pas, c'est le changement.
Donc, non seulement le groupe impliqué doit être assez restreint pour que le secret puisse être gardé jusqu'à terme et pour que ses membres puissent trouver chacun un bénéfice personnel à la poursuite de l'objectif commun, mais l'objectif doit rester réalisable dans un laps de temps assez court pour ne pas laisser aux intérêts des uns et des autres l'occasion de diverger avant qu'il soit atteint. Ou pour ne pas donner à la détermination de certains l'occasion de s'émousser face à des impératifs plus immédiats, même s'ils sont encore ce que l'on appelait autrefois des "idéalistes".
Un objectif précis
"Conquérir le monde", c'est très beau et c'est très bien, mais c'est aussi très vaste et surtout très vague. Et puis, pour quoi faire ? Là, tout de suite, les avis divergent et plus personne n'est d'accord. Sans parler du fait qu'il s'agit d'une entreprise de longue haleine, et qu'en plus elle nécessite la collaboration d'un grand nombre de personnes.
Et tout cela exclut un objectif de cet ordre du cadre du complot.
Un objectif limité dans le temps, et qui n'admet la participation que d'un nombre limité de personnes parce qu'il doit rester secret jusqu'à ce qu'il soit atteint, doit automatiquement rester assez limité pour être précis et assez précis pour rester réalisable et pouvoir mobiliser toutes les ressources nécessaires.
Ce qui apporte un autre avantage lui aussi indispensable à la réussite d'un complot.
La maîtrise des paramètres
Conquérir et dominer le monde, cela demande de maîtriser un nombre invraisemblable de paramètres dans un monde d'une hallucinante complexité, qui compte actuellement huit milliards d'individus rassemblés dans un peu plus de deux cents pays, qui parlent plus de six mille langues et langages différents, font partie d'une multitude d'ethnies, de cultures et de civilisations, qui vivent dans des conditions économiques très diverses et, disons, à des degrés d'harmonie - ou de conflit - très divers les uns avec les autres. Ceci ne rend compte que d'une toute petite fraction des paramètres à prendre en compte - et ceci ne tient encore compte que des humains, en faisant abstraction de l'environnement naturel (ou deS environnementS naturelS) dans lequel (ou dans leSquelS) ils vivent et s'inscrivent. Qui est apte à maîtriser tout cela et à l'obliger à converger malgré soi ? Surtout dans le cadre d'un groupe très restreint qui, en plus, doit cacher son jeu sous peine de compromettre son objectif ?
C'est là qu'on voit que le succès d'un complot dépend essentiellement, de manière vitale, de la maîtrise de tous ses paramètres - sinon il échoue. Et pour pouvoir en maîtriser efficacement tous les paramètres, il faut que ces derniers soient en nombre très limité.
Certains d'entre eux ne sont que de petits détails, et pourtant il suffit qu'un seul de ces petits détails coince, ne soit pas pris en compte ou soit insuffisamment préparé pour que le complot échoue. La tentative de coup d'État contre Hitler du 20 juillet 1944 en est un bel exemple : elle a échoué parce que la bombe qui devait tuer Hitler ne l'a que très légèrement blessé (et aussi parce que les conspirateurs ont, dans la confusion qui s'en est suivie, tardé à lancer le coup d'État proprement dit - car pour changer de régime, il ne suffit pas de tuer un chef d'État). Et pourtant tout avait été minutieusement préparé.
Alors, vous pensez bien, avant de pouvoir maîtriser tout ce qu'il faut pour réussir un GUCOU...
... un Grand et Unique Complot Occulte et Universel qui implique des milliers de personnes aux intérêts divergents et à la détermination fragile sur au minimum plusieurs décennies, pour poursuivre un objectif très vaste et très vague dont même un super-ordinateur n'arrive pas à envisager tous les paramètres sans en oublier même le détail le plus apparemment insignifiant, sans même parler de les maîtriser...
... certains peuvent toujours s'y essayer s'ils le souhaitent et s'ils y croient, mais... disons qu'on leur souhaite bonne chance (ou pas...)
Crédit image : © avicons - depositphotos.com
Cedric Simon il y a 28 jours
Les complots sont comme les prophéties et la spéculation.
(modifié)Autoréalisateurs !
Merci pour vos textes.
Jackie H il y a 28 jours
De rien 🙏🏻
Surf Xi il y a 4 mois
cette démonstration devrait être remboursée par la sécu.
Je vais enfin pouvoir tourner la page de ces prises de tête en boucle où j’essaie de démontrer à une audience imaginaire à quel point l’hypothèse du GUCOU [et al.] n’est en général pas rationnelle [très peu probable] ;
bravo !
je crois comprendre maintenant pourquoi vous avez pris la peine de commencer par expliquer qu’il était psychologiquement compréhensible [justifié?]
je trouve que l’irréprochabilité de votre raisonnement [honnêteté intellectuelle] lui donne une solidité que n’ont plus, précisément, les institutions [personnes morales et privées] dont les errances médiatiques font probablement partie des causes de l’existence même du GUCOU.
impatient de lire la suite…