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Tout n'est pas toujours de la faute du KGB

Tout n'est pas toujours de la faute du KGB

Publié le 23 juin 2024 Mis à jour le 24 juin 2024 Société
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Tout n'est pas toujours de la faute du KGB

Je dois avouer qu'à la base, je ne suis pas très "théorie du complot". Il y a une bonne raison à cela. 

 

"C'est le KGB !"

Je ne l'ai jamais vraiment été, certes, mais dans ma jeunesse, dans les années septante (soixante-dix si vous préférez) et quatre-vingt, je m'étais quand même finalement laissé convaincre par ces gens, très intelligents au demeurant, qui croyaient dur comme fer à la subversion communiste et qui étaient très sincèrement convaincus que le KGB et ce qu'on appelait à l'époque "les pays de l'Est", via tout l'univers occulte de l'espionnage et du contre-espionnage, étaient derrière tout ce qui était problème de société et contestation dans les pays occidentaux, et créaient même ces problèmes de toutes pièces, à partir de rien, avec pour but de renverser ces sociétés et d'y installer un régime politique communiste et une économie collectiviste

Même quand les problèmes en question n'avaient rien à voir avec l'opposition capitalisme/communisme. Même quand ils n'étaient même pas des problèmes économiques en soi. Même quand ils relevaient plus de la sociologie et de l'évolution des sociétés. 

Selon cette théorie, la subversion faisait tout simplement flèche de tout bois pour créer chez des gens autrement très contents de leur sort, et heureux sans le savoir, une insatisfaction qui n'aurait jamais existé sans leur action ni sans leur propagande. Et tout était bon pour diviser ces sociétés afin d'y préparer l'avènement du communisme qui, dans l'esprit des forces subversives, était censé avoir réponse à tout. 

Les revendications féministes ? C'était le KGB ! 

Les manifestations pour l'IVG ? C'était le KGB ! 

La pilule ? Le bouleversement des mœurs ? C'était le KGB ! 

La société de consommation ? Un slogan gratuit pour pouvoir contester, inventé par le KGB !

Le développement des sectes de tout poil ? Il ne fallait surtout pas se laisser abuser par leur façade pseudo-spirituelle ou pseudo- religieuse (certes) : (mais) derrière tout cela, elles n'étaient toutes que des officines du KGB ! 

La décolonisation ? Une manipulation voulue par le KGB ! 

La révolution islamique en Iran ? C'était forcément un coup du KGB ! (Et même si Khomeiny en personne déclarait publiquement qu'on ne pouvait pas être à la fois communiste et musulman, et même s'il ne faisait pas bon être communiste en Iran, il ne fallait pas y croire, c'était du pipeau, ce n'était qu'une façade.) 

L'écologie ? Le souci du climat ? Encore des idées anti-industrielles soufflées à certaines oreilles par le KGB ! Le parti vert ? Des rouges déguisés !

Il y avait une marée noire ? Le bateau avait été forcément saboté par le KGB ! 

Le pipi sur la porte du chat de la voisine ? C'était forcément la faute au KGB ! 

Quelqu'un dans le monde avait pèté de travers ? C'était forcément le KGB qui était derrière ! 

La mixité dans les écoles ? Encore une idée subversive suggérée en douce par le KGB ! (En réalité cette idée vient des États-Unis où sa pratique, forcée par les contraintes des réalités concrètes, remonte à l'ère des pionniers : dans le Far West, il n'y avait ni assez d'élèves, ni assez de profs, ni assez de bâtiments pour prévoir des écoles séparées pour les garçons et pour les filles, donc tous les enfants étaient scolarisés ensemble et ça se résumait à ça, sans même qu'il y ait eu à l'époque de grandes théories pédagogiques derrière : on s'est tout simplement contenté à l'époque de faire ce qu'on pouvait avec les moyens du bord). 

Comme quoi dans toute cette fièvre conspirationniste anticommuniste, on trouvait vraiment de tout et même parfois du grand n'importe quoi. 

 

Et puis est venu 1989. 

Le démantèlement du "rideau de fer" en Europe a pour apothéose la chute du mur de Berlin puis celle de Ceaucescu en Roumanie. L'URSS, cet "empire éclaté" selon le mot d'Hélène Carrère d'Encausse, déjà moribond, vit ses derniers mois, et Gorbatchev, désigné "homme de la décennie quatre-vingt" par le magazine Time, évite furtivement le Printemps de Pékin avant de se faire déposer peu de temps après par Boris Eltsine avec qui tout l'Occident, Bill Clinton en tête, se dépêche de copiner pendant qu'il libéralise les républiques ex-soviétiques, Russie en tête. Par la suite, la Russie soviétique s'est révélée bien loin en-deçà de la puissance que l'on avait tant redoutée pendant des décennies, même au niveau de l'armement (si Gorbatchev a levé le drapeau blanc et tendu la main aux États-Unis, et s'il a signé avec Reagan des accords de désarmement, c'était peut-être qu'il y avait une bonne raison et qu'en réalité il savait très bien que dans la course aux armements, l'URSS ne faisait pas le poids que l'on pensait et qu'il valait mieux arrêter les dégâts avant que les choses aillent vraiment trop loin). Le "monstre" communiste - contre lequel les Européens de l'Ouest avaient recherché la protection des États-Unis d'Amérique - s'écroulait donc sous les yeux de tous. 

 

Et pourtant, rien n'a changé...

Mais pourtant, en Occident et partout ailleurs, tous les problèmes sociétaux, environnementaux, comme sociaux et politiques, que d'aucuns avaient prétendu dénoncer comme des prétextes pour contester soufflés par le KGB pendant que les gens ordinaires n'étaient pas même assez intelligents ni assez subtils pour voir d'où tout cela venait - tous ces problèmes subsistaient et gagnaient même en longévité comme en intensité

Malgré la perte quasi-totale d'influence du KGB (entre-temps rebaptisé FSB) et sa brillante absence pour entretenir la flamme de la contestation. Et alors même que son écroulement, celui du régime qu'il servait, et celui de l'idéologie qu'il devait promouvoir, auraient dû désorienter et mettre en désarroi et en déroute toutes ses supposées officines occultes et tous ses supposés agents expressément subsidiés pour mettre de l'huile sur le feu jusque dans les conflits les plus anodins dans la société. Donc en principe, tous ces problèmes supposément créés de toutes pièces auraient dû s'évanouir en fumée comme un vampire à la lumière du jour, et la société, occidentale notamment, aurait dû retrouver toute sa sérénité. Toute contestation, n'étant plus alimentée, aurait dû disparaître d'elle-même. Or il n'en a rien été. Que du contraire, même, parfois.

Alors, certes, les idées pacifistes et antimilitaristes qui avaient eu tant de succès dans les années septante (ou soixante-dix si vous préférez) étaient largement passées de mode (on se rappelle la déclaration d'un certain François Mitterrand qui disait que "les pacifistes sont à l'Ouest, mais les missiles, eux, sont à l'Est" - dans la bouche d'un président socialiste (donc de gauche) pourtant). Et, certes, il y avait une certaine logique à penser que le pacifisme pouvait être insufflé par l'ennemi potentiel. Décourager dès l'abord l'adversaire de se battre et saper son moral, c'est en tout cas là une stratégie que le vieux Sun Tzu, dans son "Art de la guerre" écrit au douzième siècle en Chine, ne renierait pas. Même si au vu d'un armement total capable de détruire quatorze fois la planète entière, le pacifisme pouvait tout aussi bien représenter une option de pur et simple bon sens. À quoi bon mener une guerre où même le gagnant est perdant ?

Mais on commençait petit à petit à se réveiller et à se rendre compte que certaines problématiques ne devaient finalement que peu de chose - si même elles en devaient quoi que ce soit - à une quelconque "bible" de la subversion produite par le KGB et ses alliés occultes du Pacte de Varsovie (d'ailleurs dissous entre-temps) et cyniquement utilisée pour manipuler le bas peuple et les autres aussi. En tout cas, le trou dans la couche d'ozone, ce n'est pas l'URSS qui l'a tiré, et le réchauffement climatique et la pollution, ce ne sont pas des inventions du KGB. 

Même si je pense moi aussi que des problèmes bien réels ont pu être récupérés par certains pour être représentés dans une certaine optique : si, pour accuser l'adversaire, la droite parlait principalement de "subversion", le slogan favori de la gauche en la matière, lui, était "récupération". La gauche ne se privait pas, elle non plus, d'accuser la droite de récupérer ses idées et sa contestation à son propre profit.

Alors, s'il faut appliquer le principe qui dit que "c'est celui qui le dit qui l'est" - ou "c'est celui qui en accuse qui le fait"... - que doit-on en penser ?... 

Ça a de quoi donner le vertige... non ? 

Et si c'était la droite qui subvertissait, et non la gauche ? Et si c'était la gauche qui récupérait, et non la droite ? 

 

Que nous apporterait en la matière un bon changement d'optique ?

Alors, oui, je sais bien que la manipulation, ça existe, que la suggestion, ça existe, que les médias ne sont ni neutres ni objectifs ni impartiaux, et que toute conspiration se doit d'avancer masquée sinon elle ne marche pas. Je sais que même si la fièvre anti-KGB non seulement est retombée par la force des choses mais est en plus bien tombée à plat dans pratiquement tous ses arguments, même s'il faut la ranger aujourd'hui dans le rayon "folklore", et même si d'autres théories du complot sont appelées un jour à suivre le même chemin vers le même rayon, il ne faut pas pour autant être naïf, et qu'il y a bien plus à voir du monde que l'apparence qu'on nous en montre. Après tout, les coups d'État et autres renversements de régime ont toujours été à un moment donné le résultat de complots, même s'ils reposaient sur une insatisfaction bien réelle qui dépassait le cadre d'une simple révolution de palais et s'ils remportaient de ce fait l'adhésion du peuple. Et il est tout aussi certain que l'appât du gain fait faire pas mal de choses pour tromper le chaland, d'où l'escroquerie - dont certaines se réalisent vraiment en grand format. Donc, oui, de part et d'autre, la tromperie existe et la manipulation aussi.

Mais alors, s'il nous faut rester en mode conspirationniste : si à tous ceux qui voyaient, ou faisaient voir, le KGB en action partout (et surtout dans n'importe quoi), nous devons appliquer le principe répété dans toutes les cours d'école du monde entier et qui dit que "c'est celui qui le dit qui l'est"... quelles conclusions devrions-nous en tirer ? et, surtout, sur qui ?... 

Si les agents du KGB étaient bien malgré tout loin d'être des enfants de chœur, le moins qu'on puisse dire est que les agents de la CIA les valaient bien... pour ne parler que de ceux-là... car il y en a beaucoup d'autres...

Alors, certes, le KGB, ses alliés et les puissances que tout ce joli monde-là servait n'étaient pas des enfants de chœur, je l'accorde bien volontiers à ceux qui s'en méfiaient (et s'en méfient peut-être encore toujours, même si ce n'est plus dans le même contexte ni pour les mêmes raisons). 

Mais nous, en face, n'avons-nous pas peut-être été imprudents et mal placé notre confiance ? Ou pas aussi bien que nous l'avons cru ? 

 

Crédit image : © avicons - depositphotos.com

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