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Chapitre 10 - Vous étiez son valet !

Chapitre 10 - Vous étiez son valet !

Publié le 3 avr. 2024 Mis à jour le 20 juil. 2024 Policier
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Chapitre 10 - Vous étiez son valet !

En entendant ces paroles, Alexander cacha son visage dans ses mains avec désespoir. Il avait évité la bataille entre le sergent et son colocataire pour ne pas paraître malpoli devant Lady Pembroke. Et Strange arrivait, avec sa franchise implacable, à ruiner tous ses efforts. La femme le fixa quelques instants en clignant des yeux, très surprise.

Le domestique qu’elle avait chargé de rapporter le thé se glissa furtivement dans la pièce avec le plateau et le posa sur la table.

— Attendez un instant, Sinclair, lança la brune en reprenant ses esprits, voyant qu’il allait se retirer. Ces messieurs voudraient vous poser quelques questions. Venez, asseyez-vous ici…

Elle se leva de son fauteuil et lui fit signe de prendre sa place. Un peu gêné, le serviteur accepta, tandis qu’elle sortait docilement en refermant derrière elle.

— Vous vous appelez Sinclair… murmura Strange d’un air songeur.

— Oui, monsieur, répondit l’intéressé d’un air stressé. William Sinclair.

— Inutile de me le dire, je ne retiens pas les noms, le coupa l’enquêteur en reprenant lentement son ton précipité. Manifestement, vous n’êtes pas majordome, ça saute aux yeux. Même si vous avez apporté le thé, vous n’êtes pas un valet de pied non plus : si c’était le cas, on vous appellerait par votre prénom et non votre nom de famille. Vous êtes l’ancien valet de chambre de Lord…

— Pembroke.

Sullivan tourna la tête vers son colocataire. Ce dernier complétait sa phrase à chaque fois, et en un jour, il s’y était tellement habitué que sa voix était désinvolte.

— Oui, lui. Ce qui explique aussi que ce soit vous qui ayez découvert le corps, acheva le noiraud.

— C-c’est exact, bafouilla le domestique, manifestement un peu étonné. Comme je l’ai dit à l’inspecteur hier, Madame a bien voulu me garder. Je vais sûrement être mis au service de M. Charles…

Alexander avait très bien entendu la teinte d’amertume dans sa voix à la fin de sa phrase. Il jeta un regard vers son compagnon pour essayer de voir s’il l’avait saisie aussi. En voyant l’air profondément ennuyé de l’interrogateur, il en doutait sincèrement.

— Qui est Charles ? questionna le noiraud comme si la conversation était devenue inintéressante.

Cette fois, le valet de chambre échangea un coup d’œil surpris avec Carter. Pour un détective, il était très peu renseigné sur les habitants de la maison… le policier haussa simplement les épaules, habitué par les nombreuses enquêtes communes.

— Eh bien, Charles Pembroke, le fils aîné de Lord Pembroke, expliqua Sinclair comme si c’était une évidence. Il se disputait souvent avec Monsieur.

— Pourquoi ? reprit Sullivan.

— Pardon ? Comment le saurais-je ?

— Vous étiez son valet de chambre ! s’impatienta l’enquêteur en haussant légèrement la voix. Ne jouez pas à ça avec moi !

— Strange, vous énerver ne nous aidera pas, tempéra le Chief Inspector. Il nous a dit hier qu’il ne savait pas pourquoi ils étaient en désaccord.

Vous ne connaissez pas les gens de la haute, rétorqua son ex-subordonné dans un feulement furieux. Un valet de chambre passe du temps avec son employeur, il écoute tous ses petits secrets !

— J’étais son domestique, intervint Sinclair sur la défensive, pas son confident ! J’étais payé pour mon travail ! Je regrette, mais je n’en sais pas plus.

Alexander le trouvait honnête dans sa façon de parler, mais les doutes de son compagnon l’intriguaient vraiment. Et l’ancien inspecteur n’avait jamais eu l’air aussi enragé. Ses poings étaient si serrés que les jointures de ses doigts étaient blanches. Sa mâchoire était crispée au point que le soldat avait l’impression d’entendre ses dents grincer. Ses yeux bleus auraient foudroyé de mépris n’importe qui au hasard dans la pièce.

— C’est vraiment pathétique ! cracha-t-il avec dégoût en fixant le valet, sourcils froncés. C’est pour ça que je déteste les nobles et leur bande de sous-fifres ! Vous essayez de protéger ses cachoteries ! Quelqu’un est MORT !! Je pense qu’il ne pourra plus se soucier de ses secrets !

Le militaire était impressionné. Il ne l’aurait peut-être pas signifié d’une manière aussi directe, mais il devait admettre que Strange savait déstabiliser les gens lors de ses interrogatoires. Sinclair semblait hésiter, comme s’il pesait le pour et le contre. Une chose était certaine à présent : il avait dissimulé des informations à Carter.

— Très bien, trancha Sullivan avec brutalité face à son mutisme. Si vous voulez préserver l’honneur d’un cadavre, faites-le ! Cette enquête n’est plus la mienne, maintenant !

Il fit demi-tour pour sortir. D’un geste commun, Alexander et James bondirent de leur place, et posèrent chacun une main sur une épaule pour l’arrêter.

— Vous n’allez pas abandonner si vite, souffla le blond à voix basse.

— Strange, je ne plaisante pas, déclara Carter sans s’encombrer de la discrétion. Vous êtes le meilleur, et je ne pourrai pas résoudre ce cas sans vous !

—  Laissez-moi passer, feula le noiraud d’un ton orageux.

Les deux hommes échangèrent un regard entendu. Le brun était de bonne carrure, et le second était un soldat. Ce n’était pas cet homme-là qui allait les faire lâcher.

— Je refuse de rester plus longtemps avec quelqu’un qui s’impose complice d’un meurtre en dissimulant des renseignements !

Sentant qu’il essayait de se dégager, son colocataire resserra sa prise jusqu’à ce que ses doigts soient crispés sur le tissu de sa veste. Brusquement, une voix s’éleva derrière eux.

— Je vais vous le dire !

Sinclair s’était levé à son tour, et avait lancé ces quelques mots avec précipitation. Cette décision semblait beaucoup lui coûter.

— Restez, demanda-t-il, et trouvez son meurtrier ! Je vous dirai tout si vous me le promettez !

Alexander remarqua nettement le sourire qui étira les lèvres de Sullivan. Et à cet instant, il se sentit très idiot. La même réflexion avait sans doute traversé l’esprit du policier, car il le lâcha en poussant un soupir. Ils auraient dû comprendre que c’était la plus enfantine des comédies : Strange était compétiteur, il n’allait pas abandonner ! Le noiraud se retourna lentement, toujours amusé.

— Évidemment que j’attraperai le coupable, ricana-t-il. Je ne vais pas renoncer à mon loyer payé par celui qui m’a viré…

Le valet se laissa tomber sur le fauteuil, soulagé, tandis que l’inspecteur se maudissait d’être tombé dans le piège si facilement. À côté, le blond vit le regard meurtrier du sergent en direction de son compagnon, et lut sur ses lèvres le mot « salopard ». La fierté insolente illuminait le visage de l’enquêteur.

— Je vous écoute, déclara paisiblement Strange en s’installant sur le sofa, rapidement rejoint par son compère.

Sinclair prit une grande inspiration avant d’entamer son histoire, comme s’il s’excusait auprès du défunt de ce qu’il allait faire.

— Cela fait déjà quelques semaines que Lord Pembroke et M. Charles se disputaient. Monsieur avait découvert que son fils fréquentait une jeune fille qui n’était pas… convenable…

— Elle n’est pas de la noblesse, explicita Sullivan.

— C’est cela. Il voulait qu’il épouse une personne ayant de la fortune. Je… je n’en suis pas très sûr, mais je pense qu’il s’inquiétait pour l’argent de ses investissements. M. Charles a refusé, et il est parti à Oxford pendant quelques jours. La famille craignait que cela fasse scandale si cela se savait, alors personne ne devait en parler…

— Ce n’était pas si dramatique, fit observer Carter. Pourquoi ne pas nous l’avoir dit hier ?

— Le testament, répondit l’enquêteur à la place du domestique. L’aîné en est le principal bénéficiaire. La victime changeait apparemment son testament régulièrement. Après s’être disputé avec son fils, il a peut-être décidé de le modifier de nouveau… c’est bon, vous pouvez partir.

Sinclair se leva et quitta la pièce d’un pas légèrement plus léger. Après que la porte ait été refermée, il y eut un silence de quelques secondes.

— Vous soupçonnez Charles Pembroke, alors ? interrogea Alexander non sans une certaine curiosité.

— Moi non, mais le domestique, si, affirma le noiraud avec assurance. Il est évident qu’il n’apprécie pas le fils, mais il était fidèle au père. Il a préféré ne pas révéler ses secrets, quitte à cacher cet élément à Scotland Yard.

— C’est suspect, marmonna Patel en plissant les yeux avec méfiance.

— Non, c’est simplement stupide, répliqua Strange en massant sa tempe de deux doigts. Un peu comme toi.

— La théorie du testament est intéressante, intervint Carter pour achever la dispute avant qu’elle ne commence. Qu’en pensez-vous ?

— Je n’aime pas les théories, répondit l’enquêteur en se levant du fauteuil. Généralement, vous vous arrangez pour que les faits collent à votre hypothèse. Moi, je préfère ne pas m’y intéresser. Partir de l’idée que le fils aîné est coupable risque de me distraire, donc je vais considérer qu’il n’est pas plus suspect qu’un autre…

— Comment saviez-vous que le valet cachait quelque chose ? demanda le blond.

— J’ai assez fréquenté de nobles pour ça, marmonna son colocataire. Wilson, allons prendre l’air quelques minutes…

Avant même que le concerné ne puisse répondre, Strange quitta le salon à grands pas. Après un dernier soupir, Alexander le suivit et le rejoignit à l’extérieur de la maison. Ils marchèrent quelques instants en silence, avant que le noiraud ne reprenne la parole.

— Que voulez-vous manger, ce midi ? questionna-t-il avec le plus grand sérieux en regardant le sol.

— Pardon ?

Le militaire le fixa avec surprise, et leurs regards se croisèrent quelques secondes. Il pensait qu’il allait parler de leur enquête, de ce qu’il avait tiré de l’interrogatoire de Sinclair, ou simplement se moquer de la police. Or, le sujet de conversation prenait une tournure presque lunaire.

— Ce matin, vous me reprochiez de ne pas avoir manger. Alors j’anticipe votre comportement maternel, même s’il est encore tôt.

— Comment ça, « maternel » ? se vexa son interlocuteur en fronçant les sourcils.

— Alors, voulez-vous rentrer à York Street ou dîner au Red Lion Inn ? insista l’enquêteur avec un sourire amusé en glissant ses mains dans ses poches. Après votre sermon de ce matin, ce serait un comble que vous jeûniez !

— Eh bien, je pense que nous pouvons rentrer, qu’en dites-vous ?

— Je suis d’accord, un peu de calme nous fera du bien, accepta son colocataire avec un hochement de tête. De toute manière, je devrai commencer à faire attention à mes dépenses. Saviez-vous que le prix de la viande a augmenté par rapport à l’année dernière ?

Le soldat se sentait un peu désorienté par la conversation. Il s’était attendu à des questions plus profondes ou sérieuses de la part d’un homme aussi futé. Alors que Strange devait trouver un meurtrier, et même deux selon lui, et qu’il n’avait plus que trois jours pour cela, son seul souci était le coût de ses repas. Regardant le ciel bleu parsemé de quelques nuages blancs, il réfléchissait à ce qu'il pouvait dire.

— Cette enquête ne semble pas être votre priorité, commenta finalement Alexander sans répondre à sa question. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi vous avez décidé de partir. Je vous imaginais plutôt à enchaîner les interrogatoires sans vous arrêter.

— C’est ce que fait Carter, déclara son colocataire tandis qu'ils longeaient les maisons de ville. Mais en ce qui le concerne, il a une faculté de concentration et une sérénité bien supérieure aux miennes. Cependant, je ne peux m’empêcher de penser que c’est à cause de son travail trop intensif qu’il oublie des éléments de temps en temps.

— Comment cela ?

— Voyez-vous, Wilson, j’aime à penser que notre cerveau à deux modes de fonctionnement bien distincts. Le mode « concentration », c’est celui que j’ai lors de mon travail, comme lorsque j’examine les lieux d’un crime ou que je questionne des témoins. Ensuite, il y a le mode « créatif ». Dites-moi, avez-vous déjà ressenti un besoin intense d’arrêter immédiatement ce que vous faisiez pour vous accorder quelques minutes de repos ?

— Comme tout le monde, je suppose, répondit le militaire. Au début de mes années de service, cela m’arrivait souvent…

— C’est à ce moment que je perds toute ma concentration et que j’ai besoin de me détendre, continua Strange tandis qu’ils faisaient le tour de la place. C’est ce qui vient de se passer, et lorsque je suis dans la phase créative, j’essaye de ne pas penser à l’enquête.

— Ah, je comprends mieux, acquiesça Alexander. Sans que cela soit un reproche, je trouve que vous ne correspondez pas vraiment à l’image que l’on peut se faire d’un ex-inspecteur de Scotland Yard.

— Et qu’imaginiez-vous ?

— Une sorte de bourreau de travail, froid et taciturne, sérieux en toute circonstance. Je ne pensais pas que vous partageriez si facilement vos observations sur une affaire de meurtre. Je m’attendais à ce que vous veuillez les garder pour vous. Malgré tout, vous êtes plutôt bavard, et même très bavard sur le sujet !

— Il est vrai que j’aime beaucoup exposer mes idées, lança le noiraud avec légèreté. Cependant, j’ai tendance à rapidement exaspérer les personnes qui m’écoutent, et je l’ai expérimenté avec vous.

— Je ne veux pas être de mauvaise foi, s’insurgea le soldat, mais vous m’aviez un peu provoqué !

— Calmez-vous, Wilson, se moqua gentiment Strange avec un air de petit diablotin. Je n’ai aucune rancœur à votre égard. Si je devais détester chaque personne m’ayant frappé, j’aurais la moitié du pays à dos ! En réalité, si j’ai pris l’habitude de beaucoup parler, c’est parce que j’ai remarqué que cela me forçait à structurer mes pensées.

— Je ne vois pas pourquoi vous discutez de l’affaire avec moi : je ne suis pas détective, fit remarquer Alexander. Je ne suis pas vraiment compétent dans ce domaine.

— Détrompez-vous, vous êtes une personne avec qui il m’est très agréable d’enquêter, répondit immédiatement son colocataire avec une étonnante franchise. Et j’ai déjà parlé avec des gens ayant une intelligence bien inférieure à la vôtre ! Lorsque j’étais à Scotland Yard, je choisissais un policier au hasard et il m’accompagnait là où j’allais. Je n’ai pas besoin d’un génie, je peux me contenter du dernier des idiots : j’ai simplement besoin d’une oreille.

— Lorsque je vous écoute, j’ai l’impression que vous ne pourriez pas vous passer d’une compagnie, commenta le soldat.

— Je peux vous assurer, Wilson, que la seule fois où j’ai parlé tout seul lors d’une affaire, Carter a cru que je devenais complètement fou ! Il a voulu me forcer à rentrer chez moi pour me reposer.

Sans même qu’Alexander s’en rende compte, ils avaient fait tout le tour de la place et étaient revenus devant la maison de ville des Pembroke. En seulement quelques minutes, il avait totalement oublié ce qu’il était venu faire ici à l’origine.

— Bien, nous pouvons retourner à nos interrogatoires ! conclut Strange avec un sourire.

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