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 CHAPITRE 32 

 CHAPITRE 32 

Publié le 9 avr. 2022 Mis à jour le 9 avr. 2022 Culture
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 CHAPITRE 32 

Bal à Saint Cloud – L’ombre de la guerre – Dispute fraternelle

Le dîner que donna mon frère à Saint-Cloud fut assez fabuleux, il avait prévu des festivités destinées sans nul doute à effacer le chagrin du deuil. Seule ombre au tableau, la présence du chevalier de Lorraine. Les divertissements étaient à la mesure de ceux que je lui connaissais, un ballet sur scène opéré par de très beaux danseurs dont je ne doutais pas que chacun d’eux plut à mon frère.

Les voir virevolter sur scène me rappelait notre jeunesse, lorsque nous dansions ensemble. Henriette se joignit plusieurs fois à nos danses, et elle ne fut pas la seule. C’est ainsi que je tombais sous le charme de Louise. Ces ballets étaient le symbole de mes amours de jeunesse, de la douceur de vivre qui nous étreignait alors. La Fronde était finie, nous avions un pays à reconstruire, mais nous avions l’avenir devant nous et tout nous souriait.

Ces ballets dont j’étais souvent le centre exigeaient d’innombrables répétitions, durant lesquelles des amitiés se tissèrent également. Avec Lully, dont le génie et le travail me firent le préférer à tous les autres compositeurs de ma Cour, ce qui lui valut bien des jalousies, mais également avec Bontemps qui avant de devenir mon Valet, fut mon partenaire de danse et mon ami. Je regrettais qu’en vieillissant, j’eusse perdu la souplesse nécessaire. À ceci, l’on pourrait opposer le fait que j’étais toujours sur une scène, ce qui n’était point faux.

Mon frère devinant l’envie presque nostalgique que réveillerait le ballet l’avait fait suivre d’un bal. Je fis la première danse avec mon épouse, Marie-Thérèse me paraissait d’autant plus belle qu’elle était à nouveau enceinte, du moins, le médecin le pensait. Les matins, elle était prise de nausée, son appétit avait fortement grandi, de plus, elle avait des envies de fruits des bois qui m’amusaient toujours. J’en étais naturellement ravi. Souhaitant la ménager, la danse que je fis avec elle était délicate, douce, des petits pas sans grand mouvement, tout dans l’élégance et la finesse.

La Reine prisa cette danse à mes côtés, mais souhaita ensuite se retirer, j’avais demandé à mon frère, au vu de l’état de mon épouse, qu’elle eût des appartements aménagés en conséquence. Les grossesses pouvaient vite devenir compliquées et j’avoue que j’étais inquiet. Si elle perdait cet enfant, je ne sais dans quel état elle se retrouverait. Le dauphin était heureusement en parfaite santé, mais nous avions perdu deux enfants. De telles disparitions affectaient toujours le moral et parfois la santé.

Je la raccompagnais dans ses appartements, prenant son bras, et je sentis tout le plaisir qu’elle éprouvait dans cette attention que j’avais pour elle.

— Merci mon époux, me dit-elle à la porte de sa chambre.

Ses dames de compagnie l’entourèrent. Connaissant ses habitudes à l’espagnole, je savais qu’elles allaient jouer aux cartes, lire des poèmes et ne dormiraient pas avant de longues heures. Mais ces activités de boudoir convenaient parfaitement à une femme enceinte. Je glissais ma main sur son ventre que je percevais à peine à travers le corset.

— Faites-moi un garçon, ma Reine.

Elle me sourit, un voile de tristesse parut sur ses traits, puis je l’embrassais.

La tendresse que j’éprouvais à son égard prit une forme plus physique, nous chassâmes les dames de compagnie d’un geste, et nos corps finirent par tomber dans le lit dressé. Je lui fis l’amour sans même prendre le temps de la déshabiller, je lui troussais les jupes et me glissais en elle. Ma Reine était toute rose de plaisir, ses lèvres entrouvertes comme une rose s’offrant au soleil. Je l’embrassais, tout heureux de la combler. J’étais heureux de la savoir enceinte, heureux de la voir sourire à nouveau.

Après cela, je descendis retrouver le bal où ma maîtresse dansait avec les courtisans, mais je ne la rejoignis immédiatement. J’avais aperçu mon frère seul sur la terrasse admirant les jardins et désirait l’y accompagner. En vérité, j’étais même un peu jaloux de sa somptueuse cascade. En m’approchant pour la mirer, je fus soulagé de n’y distinguer aucune forme voluptueuse de créature mutine.

— Ta fête est magnifique, mon frère, je t’en félicite.

Il n’y répondit que d’un petit sourire que je remarquais quelque peu contrit.

— Qu’y a-t-il, Philippe ? Qu’est-ce qui te chagrine ?

Ma demande le surprit, il leva un regard qui révélait plus de choses qu’il ne l’aurait voulu. Philippe n’avait ma capacité à masquer ses émotions, Mère l’avait gardé plus longtemps auprès d’elle et n’avait cherché à lui inculquer quelques manières d’être utile en politique, au contraire, elle avait voulu qu’il me fasse le moins d’ombre possible, le rendant plus sensible à la langueur, plus fragile. Mais mon frère possédait toutefois son caractère et sa fierté.

— Tu as choisi mon épouse, sans me consulter, vas-tu également ignorer ma demande de t’accompagner à la guerre que tu prépares ?

Ce n’était la première fois qu’il m’en faisait la demande, mais j’avais espéré que le retour du Chevalier l’en distrairait. Je m’étais trompé, apparemment.

— Mon frère, nous avons besoin de l’alliance avec le Palatinat. Tu sais que nous n’avons voix au chapitre de nos mariages lorsque nous sommes de sang bleu, qu’importe que tu sois prince ou duc, tu n’aurais le choix. Mais la princesse est un esprit libre, je suis persuadé qu’elle te plaira, de plus, j’ai entendu qu’elle raffole de la chasse.

Philippe n’avait le goût pour les chevauchées à l’air libre, mais j’espérais que sa promise le ferait changer d’avis, après tout, il était un Bourbon, et nous avions cela dans le sang.

— J’accepte ce mariage, j’ai conscience de mes devoirs, mais j’aimerais que tu me laisses t’accompagner en campagne. Je t’ai déjà prouvé ma valeur sur le champ de bataille. L’as-tu déjà oublié ?

Je ne sais s’il évoquait la Fronde ou la guerre de dévolution, dans un cas comme dans l’autre, j’avais toujours pu compter sur lui. Dès nos jeux d’enfants, en ce fortin que m’avait offert mon parrain, je ne voulais nul autre que lui pour me seconder. Ce n’était de ses capacités dont je doutais. Plutôt des miennes à supporter les risques que comportait la guerre.

— Je me souviens surtout de la Grande Mademoiselle tirant le canon sur nous. Nous avions bien manqué d’en mourir ce jour-là, répondis-je en souriant, sourire qui disparut devant le regard si sérieux de mon frère.

— Je n’ai pas tremblé ce jour-là, je ne tremblerai pas plus demain si tu m’emmènes avec toi. Je t’en prie, tu veux que nous soyons proches, que je te seconde, alors laisse-moi le faire à l’endroit où je te serais le plus utile.

Philippe en était capable. Fin stratège et raisonnable, il n’emporterait les hommes dans une bataille perdue d’avance pas plus qu’il ne se laisserait griser par la victoire. Mais il y avait ce problème avec ses amours, je savais qu’il succomberait au charme des soldats. Cela pourrait lui faire perdre la tête, et cette intelligence si redoutable.

— J’y réfléchirai, lui répondis-je.

Mon frère poussa un soupir qui ressemblait à de la déception. Je lui pris le bras pour nous en retourner vers le bal.

— Je t’ai dit que j’y réfléchirai, n’y vois point une manière polie de te le refuser. Tu sais que je prends toujours le temps de la réflexion. Il faut que je m’entretienne avec Lionne avant toute chose, mais je te promets que je n'oublierai pas ta demande.

Mon frère garda le silence, mais son visage se referma. Seul le chevalier de Lorraine pouvait chasser l’obscurité de ses traits, à mon grand dam. Je vis Philippe rejoindre ce dernier, et le voile de tristesse de ses traits s’effaça comme un mauvais souvenir.

J’en étais jaloux, je dois bien l’avouer, mais je ne dis rien, supportant en silence la distance qui se creusait entre nous. Les suppliques de notre mère me revinrent en tête, restez des frères et pardonnez-vous l’un à l’autre. Philippe avait juré en pleurant qu’il respecterait toujours sa volonté. Pourtant à cet instant, il me semblait qu’il la trahissait.

La seule manière de le garder auprès de moi était de combler ses désirs, mais jamais trop, de lui laisser croire que moi seul pouvais le satisfaire et répondre aux moindres de ses caprices et de ceux de ses amants. Mais en le gardant ainsi sous ma coupe, je l’empêchais de se réaliser et j’en étais chagriné. Mais je n’avais le choix.

William Wyld

Louis accèdera-t-il à la demande de son frère ? Lisez les chapitres suivants pour le savoir !

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