

#Writever février 2025
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#Writever février 2025
#Writever est un jeu d'écriture sur Mastodon. Sous le mot-clic éponyme, une liste de mots imposés assure la production quotidienne au décours du mois. Le nombre de caractères dépend de l'instance, la mienne est à 1000 désormais.
Tout l'intérêt est d'écrire quotidiennement, sans revenir sur la production antérieure. Pas de solution de facilité donc à réécrire un paragraphe pour arranger la suite.
Cette page sera mise à jour, en fonction de mes publications, afin d'assurer un suivi pour lire l'histoire dans son ensemble, sur Panodyssey bien entendu. Alors, n'oubliez pas de vous abonner gratuitement à cette Creative Room.
Writever, février 2025
Catastrophe
Personne n’avait voulu ça, mais tout le monde l’avait cherché. Nous, par notre passivité, notre permissivité, notre lâcheté, et eux, par leur mépris de classe. Ce mépris pour nous gouverner tous. Personne n’avait non plus appuyé sur un gros bouton rouge. C’était venu comme ça, par le patient zéro comme on dit. Puis, les morsures ont fait le reste, une contamination après l’autre, jusqu’au point de bascule, que l’on appelle « La Catastrophe ». Mais la catastrophe avait commencé avant.
Zombie
Lorsque l’on a parlé de la pandémie de Covid, les uns accusèrent les Chinois, les autres les pangolins ou la fameuse chauve-souris. Mais personne n’a été foutu de regarder la véritable raison de ce fléau : à dévaster notre planète, nous avions simplement mis en relation des organismes que la nature avait elle-même tenus à l’écart. Tout a recommencé lorsque le patient zéro est tombé sur une carcasse que le pergélisol gardait depuis des millénaires. Il est devenu le premier néo-zombie.
Ermite
En regardant attentivement sa découverte, il sut rapidement que quelque chose n’allait pas. La carcasse putréfiée, exposant ses os par endroit, semblait bouger. C’était presque imperceptible, mais à mesure que les rayons du soleil venaient piquer les chairs mortes, il voyait leur réaction épidermique. La carcasse vivait dans son sommeil de mort. Soudain, l’œil de la bête s’ouvrit, il hurla et courut se réfugier dans sa retraite de vieil ermite, mais le mal était déjà fait.
Révélation
Il avait quitté la compagnie des hommes, mais n’avait pas oublié leur éducation pervertie. Même un biologiste aurait eu ce réflexe de la littérature zombie postapocalyptique, avant de chercher une raison à cette mouvance des chairs, à cet œil animé d’une mortelle existence. Cependant, sa réclusion était axée sur la survie plutôt que sur le sens. Il revécut donc le souvenir de son dernier repas, ce charognard un peu fatigué. Ce fut la révélation : il était contaminé.
Solitude
Le monde méritait l’extinction de l’espèce humaine, c’était pour lui une évidence tant les hommes n’étaient que des parasites, mais pas comme ça. Les transformer en zombies, c’était presque les récompenser d’une sorte d’immortalité planétaire inconcevable. Il accepta donc son sort et attrapa quelques outils pour découper l’animal, car, même en dégel, il se doutait que le pergélisol ne céderait pas sa proie aussi facilement, alors creuser un trou ne faisait pas partie des options envisageables. Sa solitude l’empêchait de penser au bûcher qu’il ne pourrait maîtriser pour lui-même. Il choisit donc l’option d’enterrer les morceaux dans sa grotte, dont le sol était plus souple, d’éradiquer le maximum de charognards et de préparer sa propre tombe en faisant s’effondrer la voûte de sa grotte.
Espoir
La carcasse était toujours là, exhibant ses os scintillant sous le soleil. Elle bougeait, sans aucun doute, et s’il était un sceptique pour parler de vermines grouillantes sous les chairs décomposées, l’œil torve qui fixait son propre regard aurait suffi à convaincre le plus dubitatif d’entre eux. L’ermite posa ses outils et inspecta la zone. Il reconnut immédiatement les empreintes du charognard qui lui avait servi de repas et s’attela à chercher d’autres traces. Visiblement, aucune autre piste ne se dessinait sur le sol et les chairs à vif ne semblaient pas avoir été picorées par quelques volatiles. À défaut de son propre sort, il reprit donc espoir quant à sa capacité de circonscrire l’épidémie. Il retourna à ses outils, essentiellement hache, pioche et sacs en toile.
Mutations
La place n’était pas tout à fait nette. L’équarrissage avait souillé le sol et le comblement de la fosse laissée par la carcasse était visible, mais l’endroit restait isolé. Le pergélisol finirait de boire les dernières traces qu’il couvrit malgré tout d’une fine épaisseur de terre. Il prit le temps de confectionner une sorte de civière faite de branchages et entassa les sacs dessus afin de regagner sa grotte en un seul voyage.
La journée était presque terminée, mais il lui fallait encore enterrer profondément les restes, creuser sa propre tombe et préparer l’éboulement de la voûte pour garantir son ensevelissement. Le temps jouait contre lui, c’était là sa seule certitude. Il restait donc attentif au moindre signe de mutations physiques sur son corps ou de la moindre défaillance de son esprit. Le repos n’était pas envisageable et il aurait bientôt tout loisir d’y goûter pour l’éternité.
Abandonné
Quelque chose changeait. Indéniablement, il se sentait partir dans un monde qui n’était pas fait pour exister en tant qu’être. Un monde où il n’était qu’un hôte, un outil. Les couleurs se mélangeaient les unes aux autres et il se surprit à en rire, découvrant des nuances de gris au lieu d’un noir absolu. Puis, dans un sursaut, il reprenait son labeur et tapait dans la roche, entassait les pierres et la terre sur une plateforme au-dessus de sa fosse. En tirant sur un bout de corde, tout devait s’effondrer comme un château de cartes et ensevelir les morceaux de l’animal, de l’homme et du virus. Sa contamination avait cet avantage de le déposséder de toute saveur des choses, de toute douleur, de toute volonté autre que son objectif. Le temps lui-même l’avait abandonné et le métronome de ses coups de pioche n’était que battements sans mesure sur la partition d’une inexistence inachevée.
Explosion
Il se sentait inconsciemment bien, sans vraiment savoir ce que ça voulait dire. C’était juste qu’il jouissait d’une plate satisfaction à rester là, étendu, écoutant les secondes s’écouler au travers des interstices de son tertre improvisé. Jamais dans ses méditations il n’avait éprouvé cette plénitude des sens. La douleur était devenue un concept, à la fois étrange et familier, mais plus il essayait de se souvenir, plus il trouvait que cela n’avait aucune utilité. Seul le présent comptait et il trouvait passionnant d’en savourer toute la moelle.
Soudain, la terre se mit à vibrer. Un grondement, puis un autre. Cela ne lui vrillait pas les tympans ni ne lui faisait mal à la tête, mais il en souffrait. Le son devint un chuintement continu qui entraînait tout son nouvel être vers un besoin irrépressible de faire taire le bruit, mais la colère n’était pas le mot : il en était affamé. Sa mâchoire commençait à s’ouvrir au moment même où retentit l’explosion.
Instinct
Le vacarme de l’explosion avait fait s’ébranler les derniers restes de sa raison. Il lui fallait dévorer la source de cet affront à la béatitude. Il fallait qu’il retrouve le silence méditatif dans lequel il baignait auparavant. Il n’entendait que trop ces monstres qui piochaient, pelletaient et raclaient comme des bactéries dans une gorge asséchée. Son nouvel instinct lui dictait de nouvelles règles et elles n’avaient qu’une seule directive : déchirer les chairs et se repaître du foie. Il voulait sortir.
— Patron ! Y’a un problème !
Le talkie-walkie cracha la réponse agacée.
— Quoi encore !
— On est tombé sur un truc, vous savez, un tas de cailloux funéraire, alors rapport aux archéologues et tout ça.
— Vous êtes où ?
— Dans la colline au sud-ouest. En voulant pisser, on est tombé sur une entrée.
— Vous êtes combien pour aller pisser ?
— Deux.
— Vous la fermez, 50000 chacun, on rase tout. J’arrive.
Survivre
Il poussait les roches, mais les forces lui manquaient. Il enragea de cette faiblesse en hurlant pour accompagner ses tentatives, mais le borborygme qui sorti de sa gorge, était plus une plainte de sa frustration que la rage de sortir pour réduire en charpie les intrus. Pourtant, il eut son effet.
— Sacha, tu as entendu ? Y’a un gars coincé dessous.
— Comment ça un gars ? On vient d’arriver.
— Regarde, c’est pas un truc funéraire, y’a des planches et des cordes. Le gars est sous un échafaudage tombé avec le plafond !
— Putain t’as raison ! Vite, aide-moi.
Les deux hommes se jetèrent sur les pierres avec frénésie en criant pour se faire entendre de la victime ensevelie. Ces hurlements firent mal à l’ermite, sa mâchoire en mordait la roche à chaque mouvement au-dessus de lui. Les dévorer était alors le seul moyen de les faire taire, le seul moyen de survivre.
— Argh ! Putain mon doigt !
— Fais gaffe Oleg, y doit y avoir des trucs coupants. Fous tes gants.
Communauté
Passé la surprise et la douleur, Oleg regarda sa blessure. Elle n’avait rien à voir avec une coupure, elle n’était pas franche, mais plutôt mâchouillée. Il en restait dubitatif et c’est ce qui perdit Sacha.
— Oleg ! Je le vois, il est là !
En plongeant ses mains pour soulever un bloc au-dessus du visage de l’ermite, Sacha laissa traîner son avant-bras dénudé entre ses gants et son bras de chemise. L’occasion était si belle que le zombie se fit un plaisir à mordre à pleines dents. Oleg comprit alors la raison de sa blessure. Un frisson lui parcourut l’échine à la vitesse du virus définitivement sorti de sa léthargie. Le froid qui accompagna sa décharge de compréhension était en train de le changer. Il jeta un œil à Sacha qui hurlait sous la douleur et sous la vision de sa chair déchirée. Puis, voyant l’ermite réussir à s’extraire des gravats, il eut un léger sourire qui accentua cette idée qu’à eux trois, ils formaient désormais une communauté.
Face-à-face
Passé le temps de la douleur et des cris, vint celui de la béatitude qui faisait l’âme du zombie. Loin de tous les clichés accompagnés d’entrailles sanguinolentes, Oleg ressentait pleinement cette légèreté de vivre sans charge mentale. Une sorte de réminiscence de son esprit perdurait, lui faisant garder un sourire intérieur. Il avait ainsi une conscience de bien-être avec ses deux semblables, si bien qu’il était prêt à tuer pour conserver cet état. Aussi, quand le talkie-walkie cracha la voix du chef de chantier, Oleg sut que le face-à-face avec son ancienne espèce serait inévitable. Inévitable, mais probablement salutaire pour l’humanité elle-même, incapable de concevoir le bien commun.
— Les gars, elle est où cette putain d’entrée ?
Oleg, Sacha et Mica qui ne pourrait jamais se présenter à ses deux nouveaux amis, regardèrent un instant l’appareil grésiller, puis, contrairement à toute attente, se positionnèrent pour une attaque coordonnée.
Ruines
Oleg était l’appât et se tenait en face de l’ouverture de la grotte. Sacha et Mica, sur les côtés, attendaient patiemment que le chef de chantier entre, guidé par sa propre voix dans le talkie-walkie. Le pauvre homme n’eut aucune chance. Ses yeux n’eurent pas le temps de s’habituer à la pénombre ambiante qu’il fut mordu au cou et à la main. Dmitri devint le quatrième membre fondateur de la communauté, en présentant une gorge ouverte, prête à répandre la bonne parole.
Ils attendirent la nuit, debout, sans se parler autrement que par leurs regards. Dmitri reçut plusieurs appels qui l’irritèrent sans même savoir ce qui lui était demandé. Il avait donc hâte d’y répondre avec toute la ferveur de sa mâchoire. Aussi, lorsque les premiers rayons de lune éclairèrent l’entrée, les quatre neozombies s’élancèrent de toute leur lenteur vers le campement endormi. La nouvelle civilisation était en marche et allait bâtir ses fondations sur les ruines à venir de Norilsk.
Apocalypse
Les premiers rayons du soleil se posèrent sur la violence sournoise qui s’était abattue sur les baraquements. Le pergélisol en était teinté d’une cinquantaine de nuances de rouges et de nombreux murs affichaient artistiquement les projections carotidiennes. Durant cette nuit d’apocalypse, éprouvante pour les zombies, quelques réfractaires refusèrent cette idée de changement. Ils avaient hurlé leur refus de mourir, ne comprenant pas l’opportunité qui leur était offerte. Alors, plusieurs mâchoires les avaient fait taire. Ceux-là laissaient traîner, désormais, leur inutile résistance en un long cordon intestinal. Cependant, la majorité n’avait qu’une légère morsure, un baiser de bienvenue. Cette différence sema sans doute la graine de la discorde, car, une fois le silence obtenu, deux clans s’étaient formés. Celui qui voulait gagner le cœur de Norilsk et celui qui voulait aller plus au nord encore, vers le silence absolu de la pointe sibérienne.
Deuil
Tandis que les zombies oscillaient dans une joute non verbale, présentant des arguments gestuels erratiques pour un non-initié, Anja orientait la caméra de son drone pour trouver des survivants.
— C’est quoi cette connerie ? demanda son supérieur hiérarchique en entrant dans la salle de contrôle, le téléphone encore en communication avec Anja.
— Regardez ! L’écran affichait l’implacable vérité, la fiction se mêlait à la réalité.
— Je… C’est impossible. On fait quoi ?
Anja ferma les yeux pour digérer cette manie des chefs de passer du « Je » quand tout va bien au « On » quand tout part en vrille. Pour elle, une seule évidence : les hommes n’avaient de couilles qu’au sens propre.
— L’armée et le feu, non ?
Pendant ce temps, sur l’écran, on pouvait voir Mica qui observait le drone. Il comprit que, même zombifié, l’homme ne changeait pas vraiment. Il décida de porter le deuil de cette première communauté en prenant le chemin du nord. Peu lui emboîtèrent le pas.
Faire front
Mica avait essayé d’influencer les autres pour laisser le campement, c’était un échec. Il avait de nouveau tenté sa chance pour éviter la ville, encore un échec. En marchant vers le nord, il ne cessait de se demander pourquoi l’être humain, même quand il ne l’était plus, persévérait dans ses travers.
Oleg, de son côté, regrettait le dernier carnage et avait quitté Sacha et son chef pour suivre Mica. Il marchait en tête avec une infirmière dont la blouse ensanglantée laissait entrevoir quelques taches de propreté. Soudain, il se tourna et émit un son guttural pour attirer l’attention de Mica tout en désignant la jeune femme du menton. Mica hocha la tête en regardant le badge agrafé sur la poche de Sonja et tous les deux affichèrent un sourire en comprenant qu’ils pouvaient encore lire.
Ainsi, l’espoir tenait à ce petit rectangle. Faire front sans combattre, mais convaincre ceux qui se trouvaient derrière le drone qu’ils faisaient partie du vivant.
Cataplasme
Un nouvel élan portait donc les pas traînants des colons zombies de Mica, il en était heureux et l’affichait clairement, selon lui, par un sourire qu’il pensait délibérément enthousiaste. La réalité était tout autre, et la virgule sur ses lèvres ne se devinait qu’à peine. Les traits d’expression se noyaient dans les visages émaciés et souvent déchirés, mais ils pouvaient se voir en passant outre l’aspect repoussant des chairs meurtries ou décomposées. Il fallait parfois être patient, car tout prenait du temps et esquisser un sourire n’était pas chose facile. Il y avait encore beaucoup à découvrir de ce corps mort, de ses capacités, de ses limites. Les chairs apparaissaient comme un cataplasme sur la peau. C’était lourd à porter, gênant pour les articulations, mais nécessaire pour la reconstruction, pour la vie sous-jacente qui s’organisait différemment avec les éléments qu’elle avait à disposition. Mica gonfla ses poumons inutiles et reprit la route.
Mégacité
Anja pesta contre les coupes budgétaires qui emplissaient les poches des costumes sur mesures. Le drone de secours était en vol et le principal sans doute sur un atelier au milieu d’autres carcasses métalliques « en attente de pièces ». Elle suivait donc le groupe le plus important qui avait fait le choix de se diriger vers Norilsk.
— Anja, déclara son supérieur, DeepSeek nous dit que le feu est inutile, il faut leur éclater la tête.
— Chef, on n’est pas dans les livres. Ces zombies ne sont pas ceux de Romero ou de Brooks, ils existent. Vous avez vu comment ils se sont groupés et comment ils se dirigent vers Norilsk et pas Alykel ou Kayerkan. Ils pensent. Ils ont choisi Norilsk. Et, quand ils seront 180 000, ils se dirigeront vers Krasnoïarsk qui tombera et ils dépasseront le million. Ils pourront alors s’emparer de nos mégacités et Moscou est la plus proche. N’oubliez pas de dire ça aux généraux et vous aurez les avions et les bombes incendiaires.
Divin(e)
Contre toute attente, il ne fut pas nécessaire de convaincre les militaires qui chapeautaient le projet de prospection. Ils annoncèrent immédiatement la mise au secret et le décollage des avions. Pour Anja leur réaction ne pouvait signifier qu’une chose : ils savaient.
Son chef exultait de sa réussite devant quelques collègues, sa session ouverte sur son ordinateur. Elle se saisit aussitôt du clavier.
— Anja ! Tu fais quoi ?
Elle regarda son chef avec un aplomb si déstabilisant qu’il ne sut plus quoi dire ni quoi faire.
— Piotr, ils viennent nous exterminer.
— Ils seront brûlés avant.
— Je ne parle pas des zombies. Le protocole Main Divine. Ils vont raser Norilsk comme ils l’ont fait avec Alykel.
— Quel protocole ! Pousse-toi de là, dit-il en reprenant place à son bureau. C’est quoi ces dossiers ?
— Ils nous prennent tellement pour des cons. J’ai juste affiché les dossiers cachés via le terminal.
Piotr n’en finissait plus de laisser tomber sa mâchoire.
Journal de bord
Piotr fouillait les dossiers en découvrant toujours plus d’horreurs : manipulations génétiques interespèces ; animaux, plantes, champignons, parasites, virus, bactéries, humains. Il cliqua sur un journal de bord et parcourut les entrées en diagonale :
« Ajout de cuivre : enzyme boostée », « Ajout de nickel : phénomènes étranges, sursauts cellulaires ? », « Le virus reprogramme les bactéries », « Besoin de tuer pour reprogrammer son hôte », « Contrôle des fourmis : elles montent au sommet des herbes pour être ingérées et propager le parasite », « Reprogrammation humaine », « Résurrection ? », « Zombie ».
Une larme perla sur sa joue à la fin des messages : « La brèche n’est plus maîtrisable », « Les neozombies s’organisent, ils sont partout », « Protocole Main Divine », « Alykel est perdu, et nous avec. Que Dieu ait pitié de nous. »
— Anja tu as raison, Alykel n’est pas un village abandonné. Ils l’ont rasé et vont faire pareil avec Norilsk.
Reconstruire
Anja attrapa son ordinateur portable et tira la manche de Piotr qui suivit sans broncher. Elle dévalait les marches deux par deux en s’enfonçant dans les entrailles du complexe. Le temps de reprendre sa respiration, elle ouvrit le capot de son ordinateur, consulta un plan sur l’écran et repartit de plus belle. En s’engouffrant dans une remise au sous-sol, elle se dirigea vers une armoire métallique qu’elle jeta à terre, mettant à jour une porte dérobée. Elle plongea dans le noir, Piotr suivit.
Mica hurla sa famine intérieurement en entendant passer les avions de chasse. Tout son corps se mit à trembler dans ce vacarme. Quand les premières déflagrations se firent entendre, le reste de ses tripes se nouèrent. Puis les premières flammes émergèrent au milieu des colonnes de poussière. Un avion plus gros s’approchait de Norilsk et instinctivement Mica sut qu’il fallait se cacher. Son groupe devait rester discret pour une fois, encore, tout reconstruire.
Nature
Le froid avait son propre mordant et s’en délectait en arrachant quelques lambeaux sur les zombies aux pieds nus. Une façon pour la nature de reprendre ce qu’elle avait donné. Pourtant, sans s’en soucier le moins du monde, lui et ses semblables marchaient toujours plus froidement dans les entrailles glacées du Nord sibérien. Mica savait que les hommes avaient des limites dont eux-mêmes pouvaient s’affranchir et mourir de froid en était une. Il serait toujours temps pour l’espèce humaine de s’occuper de sa communauté s’ils attiraient l’attention en faisant du bruit, mais le bruit était un tel désastre pour les zombies que Mica pensait être tranquille. Il suffisait qu’ils vivent leur mort dans cette contemplation éternelle et suffisante. Profiter des levers de soleil, des mélodies du silence de ces choses que l’on entend sans écouter. Regarder la Lune prendre sa place pour orchestrer de nouveaux songes de nuits d’étés, d’automnes, d’hivers et de printemps.
Radiations
Anja et Piotr s’enfonçaient dans le boyau froid et humide lorsque les premières déflagrations ébranlèrent la structure. Le pilonnage incessant avait quelque chose de dramatique dans son martèlement régulier, mais le silence qui suivit était plus terrifiant. Piotr en profita pour reprendre son souffle et trouver quelques mots.
— Tu avais rais…
Anja lui coupa la parole.
— Cours !
Elle fonça dans les ténèbres tandis que le chemin descendait en pente douce. Piotr, définitivement convaincu qu’il fallait la suivre aveuglément, fit de même. Ils tombèrent tous les deux, roulant l’un sur l’autre lorsque la terre et la pierre les secouèrent brutalement.
— C’était quoi ça ! hurla Piotr.
— Les premières bombes étaient pour l’urgence. Celle-là est pour l’éradication. Ils savent que nous pouvons tenir sans manger, mais l’eau, elle, sera contaminée. Nous avons trois jours et si, par miracle, nous survivons, les radiations termineront le travail commencé par le feu.
Affamé(e)
Anja et Piotr n’avaient pas d’autres choix que d’affronter la fournaise et de laisser les radiations s’immiscer dans leur corps, mais ils ne s’attendaient pas à un tel choc. En laissant le boyau fissuré derrière eux, ils découvrirent un paysage dévasté que des incendies achevaient de ronger.
Piotr tomba à genoux.
— On va mourir.
— On ne l’est pas encore. Allez debout.
— Pour aller où ! hurla-t-il sans chercher de réponses. On est condamné avec les radiations !
— À rester là, tu seras mort avant les radiations, assoiffé ou affamé, alors debout. Allez !
Anja savait pertinemment qu’ils étaient condamnés, mais elle se souvenait du regard de Mica sur l’écran. Il allait certainement vers le nord, là où personne n’irait le chercher. Elle voulait des réponses avant de mourir. Elle voulait ouvrir l’arche de la connaissance, avant que la connaissance ne la consume.
Piotr se mit à la suivre, mais Anja ne partagea pas ce qui germait dans ses pensées.
Anarchie
Les livres ou les films esquissaient peu ou prou les mêmes apocalypses zombies : des scènes de guerre, de pillage, des groupes plus monstrueux que les monstres qui, sous couvert d’anarchie, imposaient surtout une vision impérialiste. Cependant, Anja et Piotr avaient sous les yeux une autre réalité. Le protocole Main Divine n’avait laissé que des cendres qui rampaient désormais sur la terre dévastée et le pergélisol avait disparu dans le brasier atomique.
Son compagnon d’infortune vomit encore sa bile en gémissant. Des craquelures se formaient aux commissures de ses lèvres, entre des plaques de brûlures qui rongeaient ses chairs. Anja souffrait tout autant, mais elle taisait ses douleurs sous sa détermination. Elle savait que Piotr ne tiendrait pas, il suffisait de le regarder, même les zombies étaient plus avenants. Sans doute aurait-elle la réponse à une de ses interrogations : allait-il changer comme dans Walking Dead ou mourrait-il tout simplement ?
Regroupement
Il n’avait pas changé. Une ultime régurgitation de bile mêlée de sang l’avait fait se pencher une dernière fois. Puis, Piotr était tombé dans ses propres vomissures. Anja s’était alors surprise à compter, à la manière du personnage de Gerry Lane dans World War Z, attendant le réveil, mais Piotr restait inerte, définitivement mort.
Elle laissa le corps en l’état et accéléra le pas, se mettant à courir quand son souffle lui en laissait l’occasion. La fatigue lui rongeait les muscles, mais elle ne cessait de se répéter qu’elle se reposerait une fois morte. Une motivation comme une autre qui lui donnait, à chaque fois, un coup de fouet pour avancer. Puis, à son deuxième arrêt pour régurgiter, elle les vit enfin : sur les bords de la Norilskaya, un regroupement d’une dizaine de zombies s’affairait à ramasser des déchets plastiques. Les pieds dans l’eau glaciale, Mica supervisait son petit monde en jetant avec mollesse ce qu’il sortait de la rivière.
Pillage
Elle tenait devant ses yeux ce petit morceau de peuplier surmonté d’un chapeau de chlorate de potassium. Un frottement sur le grattoir au phosphore et l’étincelle deviendrait la flamme de sa propre main divine.
Mica lui avait montré la douceur des choses qui les entouraient, sa façon de voir, de sentir, de ressentir ; ses yeux parlaient tellement ! Elle mesurait l’endoctrinement de l’instruction et le biais de l’éducation. Puis, il lui avait fait comprendre que, dans sa situation, elle pouvait choisir la tombe ou la morsure avant de s’imbiber de poix et de lui tendre la boîte d’allumettes. Elle pouvait tout arrêter, maintenant. Il suffisait de fermer les yeux et de frotter le bout rouge.
Alors, d’un geste lent, il lui fit comprendre que sa décision était prise. Elle approcha l’allumette de sa bouche et croqua la tête entre ses dents.
Elle voulait mourir afin de revenir nue de ses préjugés et troquer la guerre et ses pilages pour l’amour et le partage.
Ce dernier paragraphe vient clore ce mois d’exercices ; un jour, un mot imposé. Pas d’aménagements quant aux paragraphes déjà écrits, pas de facilité. Tous ces jours passés en compagnie d’Anja et Mica m’ont bien diverti et j’espère bien qu’il en a été de même pour vous. Je pense que cette histoire de néozombies est une invitation à écrire une nouvelle afin d’en développer les thèmes et idées rencontrées au décours du mois de février. Merci pour vos réactions, commentaires et partages. Vous êtes l’encre à mes mots.
#jcmojard
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Pour me suivre sur Mastodon. Pour me comprendre : Journal d'un Dacquois.


Daniel Muriot il y a 2 jours
Le choix d'attendre le dernier jour pour lire le texte d'une traite était assez intéressant. Avec les images placées chaque jour dans le fil d'actualité, j'avais l'impression de voir le film dans ma tête (ou de lire un roman graphique). Chouette expérience.
J'ai adoré ta manière de traiter le sujet qui rompt avec les codes connus des histoires de zombies.
Quand il était question de se libérer de toute charge mental, je me suis souvenu de mes anciennes séances de méditation. Alors je me demande si on peut devenir un zombie en méditant ?
Inna Grim il y a 3 jours
Magnifique conclusion qui donne envie d'en savoir plus ! Merci, Jean-François !
Jean-Christophe Mojard il y a 3 jours
Merci. Je pense effectivement reprendre cet exercice pour le transformer en histoire.
PS : je transmettrais à Jean-François alors 😅
💐
Inna Grim il y a 3 jours
Quelle cruche je suis! 🤦😁Pardon, Jean-Christophe!
Jean-Christophe Mojard il y a 3 jours
Il n'y avait pas de mal, mais je vais me servir de ça pour le personnage d'Inna. Je ne sais pas encore quelle gaffe elle va faire, mais j'aime bien l'idée 😜
Inna Grim il y a 3 jours
Aïe-aïe-aïe!!!😅😅😅
Jean-Christophe Mojard il y a 3 jours
Je vais aller lire tes 3 CR histoire de me faire une idée du personnage 😈
Inna Grim il y a 3 jours
Je vois bien une nana qui fait ses rapports en se basant sur les phases lunaires au lieu des données concrètes 😁
Jean-Christophe Mojard il y a 3 jours
C'est bien l'impression que ça donne en regardant le profil de la plume derrière le pseudo. Je vais semer quelques graines dans mon carnet de notes.
Jackie H il y a 6 jours
Tant qu'à mourir, Anja ne veut pas mourir idiote... "Si la Troisième Guerre Mondiale doit éclater demain, au moins je ne veux pas mourir idiote", c'était ce que je me disais à vingt ans et c'était pour ça que je suivais les infos de près... jusqu'au covid...
Jean-Christophe Mojard il y a 6 jours
Y’a des trucs faut pas les suivre de trop près 😅
Jackie H il y a 6 jours
Puis les infos telles qu'elles nous sont distillées sont anxiogènes, et cela à soi tout seul est un poison et nous détruit nos défenses immunitaires plus que nous le réalisons... donc s'il faut se battre, au moins choisissons nos combats 🙂
Jean-Christophe Mojard il y a 6 jours
Il en sera question 😉
Jackie H il y a 12 jours
La mâchoire de Piotr manque encore un peu de ferveur mais ça ne saurait tarder à se corriger 😆😆😆
Jean-Christophe Mojard il y a 12 jours
Probablement, ça ne tient qu'à un fil.
Inna Grim il y a 14 jours
pourquoi on peut mettre seulement 1 « like »?!!!
Jean-Christophe Mojard il y a 14 jours
Sur l’ordinateur on peut choisir différents « likes », pas encore sur l’application, mais les commentaires en sont aussi.
Merci.
Jackie H il y a 17 jours
J'adore cette communauté de zombies 🤣🤣🤣 aux gorges ouvertes prêtes à répandre la bonne parole à leur ancienne espèce 🤣🤣🤣🤣 et à fonder une nouvelle civilisation de toute la ferveur de leurs mâchoires 🤣🤣🤣🤣🤣 Norilsk a l'air aussi bien barrée que notre monde on dirait 🤣🤣🤣🤣🤣🤣
Jean-Christophe Mojard il y a 17 jours
C'est un peu, beaucoup ça 🤣
Merci à toi.
Jackie H il y a 17 jours
de rien 🙏🏻
Inna Grim il y a 18 jours
ça y est, chui accro ;)
Jean-Christophe Mojard il y a 18 jours
Aïe, en cas de morsure, la transformation est quasiment inéluctable.
Inna Grim il y a 18 jours
"Cette légèreté de vivre sans charge mentale" - je dis pas non... héhé
Jean-Christophe Mojard il y a 18 jours
C'est bien en pensant à celle des femmes que m'est venue l'idée de l'intégrer à ces neozombies. Et sans divulgâcher, puisque la suite n'est pas encore écrite, j'ai en tête l'orientation à venir et les femmes vont se faire entendre.
Cela dit, vu sous cet angle, ça donne furieusement envie de se laisser mordre.
Inna Grim il y a 18 jours
Hâte de lire la suite!
Jean-Christophe Mojard il y a 18 jours
Merci. J’espère bien vous faire plaisir jusqu’au bout.
Inna Grim il y a 18 jours
Vu comment c'est parti, j'en doute pas ;)
Daniel Muriot il y a 1 mois
Peux-tu préciser l'idée selon laquelle le nombre de caractère dépend de l'instance ?
Jean-Christophe Mojard il y a 1 mois
La base de caractères pour une instance mastodon est de 500, mais celui qui hébérge l'instance peut le modifier. Souviens-toi de Twitter et de ses 280 caractères par message.
L'instance toot.portes-imaginaire.org est à 500 caractères par message. Elle va passer à 1000 après un sondage.
Certaines instances en ont 600, voire 1000 ou au-delà. Ce qui a mon avis est peu intéresssant. Panodyssey est beaucoup plus utile pour cela.