3. Bathyan : l'hôtel
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3. Bathyan : l'hôtel
Le silence résonnait dans mes oreilles à chacun de mes mouvements respiratoires. C’est ce qui m’éveilla tant j’avais perdu cette habitude. Entendre ma respiration, entendre les battements de mon cœur comme s’il était juste derrière mes oreilles. J’avais à peine posé mes valises, que le lit m’avait attiré comme un aimant en néodyme. La fatigue avait fait le reste et midi était passé en coup de vent, emporté avec la brume, à en juger par les rayons de soleil qui entraient maintenant au travers des carreaux de la fenêtre. Le sourire qui s’afficha instantanément sur mon visage ne ressemblait en rien à celui affiché face à l’hôtesse de l’air. Instantanément, le reste de fatigue entre les escales et le décalage horaire avait quitté mon corps. Le port de Saint-Pierre m’invitait à larguer les amarres de la chambre et prendre le large dans la ville. Ça et là des mâts lançaient leur flèche dans un ciel bleu azur. Sur la droite, des embarcations plus petites se laissaient bercer contre les pontons. Sur la gauche des navires plus lourds, plus massifs : les deux ferries qui faisaient les navettes entre les îles françaises et Terre-Neuve. Deux magnifiques navires, à dimension locale, l’un bleu et l’autre rouge, le Nordet et le Suroît. Deux ouvertures sur le monde restreint autour de l’archipel. Il était temps pour moi de sortir et de commencer mon aventure.
La chance me sourirait puisque le restaurant accolé à l’hôtel était encore ouvert. D’apparence sobre, il offrait une carte alléchante, les prix étaient malheureusement moins encourageants. Toutefois, la quantité était généreuse, la qualité gustative au rendez-vous. Le buddyburger, spécialité gourmande de l’établissement, fut une véritable tuerie tant visuelle que calorique. Je vous laisse juger : pain brioché, ketchup, mayonnaise, salade, oignon rouge, steak haché de bœuf, bacon, filet de poulet cajun, sauce cheddar, le tout flambé au Boréal Dry Gin, un cru local. De quoi avoir l’énergie nécessaire et plus que suffisante pour découvrir mon lieu de villégiature, arpenter les rues aux maisons colorées et affiner mes visites pour les quinze jours à venir.
Au sortir de l’hôtel, je me dirigeais vers la gauche et le centre-ville où l’office de tourisme affichait sa vitrine, sous une horloge numérique intemporelle, affichant sobrement 88h88. J’entrais donc dans l’édifice, afin de me ravitailler en cartes, guides et conseils locaux.
— Hello. Je peux vous renseigner ?
— Bonjour. Bien sûr, je suis là pour arpenter l’archipel en long, large et en travers, tant Saint-Pierre que Miquelon et Langlade. Sans oublier les visites locales. Dites-moi tout !
Le tout fut alors très surprenant. Deux guides dans la poche pour découvrir les lieux, et l’invitation à la connexion au réseau social américain quasiment obligatoire pour suivre les événements, les boutiques, les restaurants, et les activités diverses. Moi qui espérais me passer un peu du téléphone, je me retrouvais alors bien piégé par l’écran.
— Vous comptez rester combien de temps ?
— Quinze jours.
— Parfait. Vous allez assister à pas mal de choses, voici la liste. Le feu d’artifice sera tiré le 13 par contre : météo oblige. Vous verrez, c’est magnifique. Et vous êtes seul ?
— Oui.
Décidément, ma vie en solitaire faisait l’objet d’une attention particulière. Le patron ou l’employé du restaurant, je ne saurais dire, m’avait lui aussi posé la question au moment de régler mon repas. Tout comme la réceptionniste de l’hôtel lorsque je pris ma chambre, et ce, sans oublier Mikel, mon chauffeur de taxi.
Seconde destination donc, SPM Telecom afin de jeter un œil sur une carte sim locale. Une précaution utile, bien que non nécessaire en regard de mon opérateur métropolitain. Je me réservais alors une journée de test du réseau téléphonique avant de prendre un abonnement temporaire, hélas par carte sim physique, puisque l’e-sim n’était pas proposée. Et vous vous posez certainement la question, mais oui, j’ai dû dire qu’un seul abonnement me serait nécessaire au cas où, puisque j’étais ici en solitaire. Me restaient alors quelques passages dans les commerces locaux afin d’assurer un ravitaillement opérationnel avant de réellement me mettre en vacances. L’œil rivé sur le plan dont l’hôtesse d’accueil de l’office du tourisme avait cerclé des points clefs, je me dirigeais donc vers l’une des épiceries bios, non loin de ma position. C’était encore là un avantage non négligeable de la vie sur l’archipel, tout était à portée, à taille humaine. Pourtant quelque chose résonnait en écho à chacun de mes pas. Je ne savais pas encore pourquoi, mais c’est avec la descente progressive de la température, lorsque le vent se leva, que je ressentis comme un poids sur mes épaules. Un poids sans masse, mais lourd comme les regards des voyageurs dans l’ATR. Je me sentais alors observé et chaque bonjour de politesse que je croisais ajoutait un peu plus à ce sentiment d’oppression.