En suspens - Installation en chambre parentale
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En suspens - Installation en chambre parentale
En début de semaine, j’apprends qu’il y a une place en chambre parentale. Mon assurance prend en charge les frais. Je décide de la prendre pour rester près de vous. C’est partie pour le grand déménagement : je change d’étage et me voilà plus proche du service de réanimation néonatale, un étage au-dessus du vôtre, dans la chambre n° 147 ! Ce qui est vraiment génial, c’est que papa pourra rester toutes les nuits à la maternité et profiter de vous. On pourra également se retrouver un peu tous les deux.
Beaucoup de choses se passent cette semaine : il y a des hauts et des bas. Les moments de joie sont toujours contrebalancés par des instants stressants qui peuvent être fatals pour votre avenir.
Tous les deux, vous avez des séances de kinésithérapie pour vous aider à mieux respirer. Vous avez repris du poids, même si Robin est maintenant plus « gros » que sa sœur : il pèse 766 grammes contre 705 pour Cyrielle, données du neuvième jour de vie, car le dimanche, vous pesez respectivement 874 grammes et 744 grammes ! Vous commencez tous les deux à boire du lait. On ne parle que de quelques millilitres mais c’est déjà vraiment bien, d’après ce que nous disent les docteurs. Dans quelques jours, vous aurez mon lait : il faut lui faire passer une batterie d’analyses avant de vous le donner.
Je peux très souvent vous parler, vous toucher. J’assiste même à une toilette ! Et Cyrielle, tu as droit à ta première « tétine » : elle est quasiment aussi grosse que ton visage, c’est hallucinant !
Robin, ton canal artériel est refermé, mais pour toi Cyrielle, tu as besoin d’une nouvelle dose d’ibuprofène.
Vous avez de multiples soucis cette semaine : problèmes gastriques, besoin de plusieurs transfusions sanguines car vous faites de l’anémie du prématuré. Et puis il a fallu changer le cathéter de Robin. Vous prenez aussi de l’insuline car vous souffrez d’hyperglycémie. Vous êtes également tous les deux infectés. Les docteurs vous prescrivent trois antibiotiques pour lutter contre cette infection. J’apprends que c’est soit une infection materno-fœtale, soit une infection transmise pendant l’accouchement. Mon moral est au plus bas même si je reste presque de marbre devant les pédiatres et les médecins qui m’annoncent cette triste nouvelle.
J’avais déjà atteint un niveau de culpabilité dangereusement haut, mais après cette information, je franchis encore un barreau sur l’échelle de l’autoflagellation. C’est sûr et certain, c’est de ma faute tout ce qui se passe. Mon cerveau cherche l’erreur que j’aurais pu commettre depuis le début de ma grossesse : la nourriture, les efforts, le travail… Je repasse tout dans ma tête, je ressasse. Je me fais du mal en faisant cela mais c’est plus fort que moi.
Je n’en parle pas à mon entourage, je relate surtout vos progrès. Je ne veux pas que tout le monde s’inquiète. Je montre aussi toutes les photos que je prends chaque jour. On me pose souvent des questions sur tous les tuyaux et les machines qui vous entourent. J’explique du mieux que je peux pour que les gens comprennent. Mais il faut le vivre pour le comprendre. Ainsi, je ne rentre pas dans le détail, ni dans les explications détaillées que les médecins me donnent. Je me focalise sur ce qui est positif pour transmettre le positif : c’est plus rassurant de ne parler que de ce qui va bien…
C’est durant cette semaine que je rappelle le secrétariat de l’inspection de l’Education Nationale. Cette fois-ci, je ne m’excuse pas platement. Je précise seulement que mon accouchement a eu lieu il y a une semaine, le 11 décembre, exactement le jour où je devais me faire inspecter. Mon interlocutrice ne répond pas, j’en rajoute une petite couche :
« Du coup, mon médecin a bien fait d’avancer l’arrêt de quinze jours, sinon j’aurais accouché au beau milieu de la salle de classe, avec des bébés atteignant à peine la limite de poids. »
La secrétaire paraît gênée à l’autre bout du fil. Elle se souvient de sa condescendance mercredi dernier, et se dit très certainement qu’elle aurait mieux fait de se taire.
Jackie H il y a 2 mois
merci 🙏🏻
Belle soirée à vous aussi 🙂
Et merci à vous de partager votre expérience avec nous 🙂
Jackie H il y a 2 mois
Sinon, pour ce qui est de la culpabilisation : à notre époque, nous sommes tellement fiers de pouvoir tout contrôler et nous assurer de tout faire dans les meilleures conditions possibles (ou bien nous *croyons* tellement fort que nous pouvons le faire...) que dès que quelque chose se passe moins bien que prévu, tout de suite nous commençons à nous en accuser et à nous demander ce que nous avons fait, ou pas fait, ou mal fait, pour qu'il en soit ainsi.
Pour être de bon compte, il faut aussi reconnaître que dès que les choses se passent mieux que prévu, ou même tout simplement comme prévu, dans le même esprit, nous nous en attribuons tout le mérite : c'est forcément parce que *nous*, les homo sapiens si géniaux si "sapiens", nous avons tout bien fait comme il fallait...
(à suivre)
Jackie H il y a 2 mois
(suite et fin)
Or dans l'un comme dans l'autre cas, c'est exagéré : il y a juste Dame Nature qui fonctionne selon sa propre logique depuis la nuit des temps, et parfois la nature, elle aussi, a des ratés... ou ce qui nous apparaît comme tels. Sans qu'il y ait qui que ce soit à accuser ni à montrer du doigt comme coupable... et certainement pas vous.
Au contraire, il me semble à la lecture de votre récit que vous avez fait tout ce que vous pouviez, et il me semble que jusqu'à présent, vous avez géré !
Jackie H il y a 2 mois
Pour la "petite couche rajoutée", vous auriez aussi pu ajouter "devant l'inspecteur", ça aurait été d'autant plus savoureux 😆😆😆
Annaële Bozzolo il y a 2 mois
👍j aurais pu!!!
votre analyse est vraiment pertinente concernant les humains.
merci pour vos retours, c est un plaisir de lire les commentaires.
Belle soirée !