Évasion.
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Évasion.
Plongé dans ses pensées, Gabriel peignait son monde aux couleurs de l’espoir.
Assis à son bureau dans cette salle de classe surchauffée peuplée d’adolescents revêches, il aurait tout donné pour échapper aux regards et esquiver les moqueries. Disparaître.
Comment supporter cette réalité sinon en dissimulant la grisaille derrière le voile des rêves ?
La fenêtre aux carreaux sales devenait un miroir enchanté s’ouvrant sur un monde d’infinis possibles. Les feuilles de papier sur lesquelles les lettres dansaient comme des insectes se changeaient en tapis volant, emportant ses maux au-delà des frontières de son royaume imaginaire.
Devant lui, le mage au ton monocorde alignait des formules au tableau et récitait des incantations pour lutter contre le terrible Cerbère boutonneux qui ricanait au fond de la salle.
La bête l’avait mordu autrefois, lui, le chevalier maudit perdu au pays des ténèbres. Condamné à errer chaque jour d’arrêts de bus en cours de sport, de réfectoires poisseux en examens humiliants. Maltraité, chaque minute de chaque jour, par les esprits malins peuplant le collège Victor Hugo de Saint-Lazé-sur-Saône. Mais aujourd’hui il le savait, il pouvait vaincre le démon. Un coup d’œil vers le sac élimé à ses pieds lui confirma qu’elle n’avait pas bougé. Elle était bien là, dissimulée aux regards de tous, et pourtant omniprésente dans son esprit.
Il attendrait la fin de la journée ; que la nuit recouvre tout. Mais cette fois-ci, au lieu d’y dissimuler sa fuite, il les approcherait par surprise. Il les trouverait, réunis en petit groupe de prédateurs devant les grilles, dansant d’un pied sur l’autre dans l’air humide, crachant fumée et insultes depuis leurs gueules infectes… Et cette fois-ci, il ne serait plus la proie. Il deviendrait le chasseur. Il se dresserait devant eux et regarderait la bête dans les yeux, avant d’accomplir son destin héroïque.
Trois coups. Trois balles. Une pour chacune des têtes du Cerbère.
Photo de Feliphe Schiarolli sur Unsplash