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Applaudissements

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Publié le 22 mars 2020 Mis à jour le 28 sept. 2020 Curiosités
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Applaudissements

4h40 – Vendredi 20 mars 2020 – J + 4 confinement

« On vous aime »

 

Réveillé encore une fois au milieu de la nuit, j’ai rêvé pour la deuxième fois consécutive du coronavirus. Question de confinement, de mise en quarantaine, on ne sait si on a soi-même le virus, si on est porteur ou sain, en attente qu’il se déclare… Compte à rebours imaginaire, hypocondrie latente…

Hier soir à 8h tout le monde s’est placé à ses fenêtres ou sur son balcon et a applaudi. Applaudi les soignants de cet hôpital public que, pour rien au monde, on ne voudrait voir disparaitre, que, pour rien au monde on ne voudrait voir se privatiser…

Nous sommes ces grands traumatisés qui une fois l’accident survenu souhaiteraient remonter le temps, pour dire à cet environnement quotidien qu’on ne sait plus apprécier, à quel point il nous est cher, à quel point on l’aime…

Cette mise en quarantaine redonne de l’épaisseur à nos sentiments, du sens aux valeurs qu’on porte en nous, mais qu’on n’a pas toujours su exprimer. Comme ce père qui n’a pas su dire à son fils qu’il l’aime. Hier soir à nos fenêtres, on avait tous envie de hurler : « On vous aime ! » On avait la chair de poule, tant les applaudissements ont duré longtemps, tant la clameur était belle.

 

Infirmiers, infirmières, on vous aime !

 

Femmes et hommes qui nous criez depuis des années, que vous n’êtes pas seulement des machines à piquer, promis, on saura vous écouter… On fera en sorte que cette mise en quarantaine, puisse offrir à notre hôpital, force et densité, droiture et dignité…

On vous offrira du temps, de la décence, les moyens de bien faire votre métier ; qui ne s’est pas un jour retrouvé malade, allongé, impuissant et désemparé, et n’a pas regretté qu’une infirmière venue apporter un soin, à peine entrée avait déjà les talons tournés, obligée de s’occuper d’une quantité de patients impressionnants… Elle en est réduite à distribuer les médicaments à la chaine, sans prendre le temps de saisir la main du patient.

Alors j’applaudis à ma fenêtre, des applaudissements en forme de prière. Les larmes aux yeux, saisi par l’instant, j’applaudis à tout rompre, pour 2, pour 10, pour 20, pour tous ces hommes et femmes qui courent en tout sens actuellement, les yeux cernés, les traits tirés, qui ne savent plus où donner de la tête, qui rassurent, qui soulagent, qui intubent et opèrent, qui répondent, qui apaisent, tous ces hommes et femmes médecins de villes et de campagne, qui répondent au téléphone et reçoivent quantité de patients fiévreux et anxieux, dans leurs cabinets bondés.

Je pense aussi à tous ces hommes et toutes ces femmes travaillant dans les supermarchés, obligés de tenir la caisse et de répondre à des clients pressés, qui  font passer leurs denrées devant le scan. Les caissières de supermarché, se retrouvent du jour au lendemain, les seules interlocutrices de nos journées passées en solitaire, alors tout le monde souhaite leur parler.

Elles n’ont pourtant pas de masque, sont sous les postillons de chaque nouveau client, et sont victimes du grand banditisme organisé par tous ces gros distributeurs, qu’il nous faut démasquer. Payées au lance pierre, elles sont sommées de venir travailler à coup de pression parfois… Je fais ce rêve de voir ces grands dirigeants, Michel Edouard Leclerc pour ne pas le nommer, venir les remplacer faute de combattants. Qu’on se rende compte de ce que c’est que de passer, devant un scan toute la journée des denrées, porter les packs de lait, les packs de bière, pour un salaire de misère. Là aussi il faudra penser revalorisation…Héroïnes des temps modernes ; qu’on prenne la mesure, de ce que représente ce métier en termes de pénibilité.

Je pense à tous ces éboueurs qui passent sous mes fenêtres chaque matin, et que j’ai le temps d’observer. Ils sont ces hommes en tenue orange qui obstruent les rues de leur camion habituellement, qui font perdre dix minutes à l’automobiliste pressé, ce même automobiliste, qui klaxonne parfois, tellement abruti qu’il est par son planning de cadre pressé…. Là encore je les applaudis quand ils passent ; Ils font un signe de la main. Ils méritent qu’on tape sur nos casseroles, violemment dès 7 heures du matin, pour saluer leur travail, qui, en plus d’être pénible, exposé à des odeurs pestilentielles, est harassant quand on voit, la grosseur des bacs qu’ils se trainent…

Je pense à tous nos boulangers qui chaque matin, sans masque de protection répondent là encore aux clients, et nous permettent d’offrir à nos enfants les tartines de pain grillé du petit déjeuner. Cet ordinaire devient héroïque…

C’est anodin, mais là encore la quarantaine, nous fait prendre conscience de ces gens. Ces hommes et ces femmes debout à 4 heures du matin pour nous préparer le pain…

Je les remercie chaleureusement, et le leur dis ce matin explicitement, chose que je n’avais jamais faite. Le boulanger lorsque je le complimente, me regarde et me glisse, gêné : « ça fait plaisir, on ne nous le dit pas souvent…merci… »

 Je pense à tous ces gens coincés dans des hangars géants en périphérie de nos grandes villes qui continuent de travailler d’arrache pied pour répondre aux clics insensés d’achats compulsifs que nous ne pouvons nous empêcher de poursuivre. Je pense au pire qu’ait pu produire notre société de consommation écervelée… Je veux bien sûr parler d’Amazon pour ne pas le nommer. Et si le mouvement citoyen de l’année était de placer Amazon en quarantaine, de tarir tous nos clics de vêtements, ustensiles et livres… Quand je sais que nos libraires adorés sont fermés et que ce géant multimilliardaire qui vend des livres comme il vendrait des torchons ou des savonnettes voit grimper son chiffre d’affaire sur des produits aussi nobles que ces objets littéraires, là encore n’est-il pas urgent que cette crise sanitaire remette le curseur au bon endroit et nous interdise de pouvoir recourir à ce cancer qui ronge nos librairies, l’e-commerce globalisé…

Ce soir à 18h j’applaudirai en pensée, pour mon libraire préféré, lui qui a été obligé de baisser son rideau de fer, alors qu’il est ma joie, ma respiration, mon horizon en fin de semaine. Quand il ouvrira, on sera sorti de cette crise, promis je le serrerai dans mes bras, pour lui redire à quel point je l’aime.

Hier soir, je regardais une émission sur Einstein et Hawking en replay et j’avais le vertige. Non scientifique de formation, je n’ai bien sûr pas tout compris, mais j’étais ému, en voyant Hawking, cet être chétif, malingre, déformé par la maladie de Charcot offrir à toute l’humanité le fruit de ses recherches et nous permettre d’envisager différemment le trou noir dans lequel aujourd’hui hélas nous sommes plongés. Einstein avait le génie des premières découvertes : sa poésie, cette manière originale de penser, qui ne cantonne pas à voir le monde uniquement à travers le prisme de sa discipline, a permis de reconfigurer notre rapport à l’espace et au temps. Hawking a prolongé son travail avec non moins de génie… Il nous ouvre les portes de l’infini, et j’en ai le vertige…Ces hommes savaient penser de façon contre-intuitive parfois pour mieux rompre avec les valeurs admises… Ils s’offraient ainsi la possibilité d’envisager le monde différemment, de sortir du conformisme ambiant… Ne serait-ce pas une leçon à retenir….

De même que chaque matin, je suis pris de ce même vertige que je viens d’évoquer… Quand je me réveille, il faut quelques secondes à mon cerveau pour penser la réalité, pour comprendre l’instant… Ah oui c’est vrai je suis toujours en quarantaine… Ah oui c’est vrai, c’est bien la réalité, je n’ai pas rêvé… Il faut ce laps de temps, de réajustement propre à tous les grands traumas que nous subissons quand nous venons d’avoir un accident. Il faut réajuster la focale, se préciser les événements… On est foudroyés par l’existence il faut apprendre à se relever, hier soir dans mon salon, j’ai chanté, chanté, chanté, redonné du souffle au futile, à ce que le quotidien place parfois au rang de l’inutile… J’ai chanté, j’ai applaudi, j’ai remercié, j’ai considéré, redonnons un sens à toutes ces valeurs, chaque jour qui passe, osons nous inscrire à nouveau en humanité.

 

 

 

 

 

 

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