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A la recherche du chemin...

A la recherche du chemin...

Publié le 3 avr. 2020 Mis à jour le 28 sept. 2020 Curiosités
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A la recherche du chemin...

Gardarem lou moral : journal de confinement 31 mars 2020

 

Evocation des fantômes

A l’intérieur de mon univers, celui de l’enfance, nous étions plusieurs. Etrangement, je me souviens de ce fil étrange, d’entendre des voix, des aspirations, de nouveaux combats. Des prières aussi je crois. Aujourd’hui, mardi 31 mars 2020, je suis rejoint par tous ces fantômes de l’enfance, dans la solitude du confinement, par tous ces « saisissements », ces ombres, ce vent… Je revois ces longues après-midis de printemps où somnolant, je pêchais à la rivière… L’après-midi nous tendait les bras, nous enveloppait de ses rayons ardents, longue, nonchalante, généreuse.

Nous avions le temps.

Ce temps si précieux qui enveloppait nos consciences. Ce même temps que nous retrouvons aujourd’hui. Je retrouve cette sensation dans le fleuve qui est aujourd’hui le mien et qui coule aux portes de mon inconscient. A travers l’univers poreux de mes rêves et de mes histoires intérieures, je bascule pour un court moment dans la peau de l’enfant dissimulé dans les hautes herbes. La Vallée. 1983.

On ressort les vieilles photos, les vieilles histoires. Celles de ces après midis de l’enfance où nous n’en étions pas encore au grand effondrement. Les insectes, les plantes odorantes et autres graminées sauvages étaient encore nombreuses, magnifiques, en liberté… Les bosquets qui bordaient la rivière étaient encore emplis de ces nids d’oiseaux sauvages, rassemblement de chants, de bruits de tout ordre, de bourdonnements… J’entends encore ces interminables crissements, bruissements ; tous ces insectes qui strient les airs, volant en tout sens, dans le soir d’une journée, quand le soleil jouait avec nos ombres imperceptiblement. Notre temps était celui de l’observation dans l’insouciance d’une fin d’après midi, sans peur qu’un jour tout ceci puisse venir à manquer.

Il y aurait toujours assez d’eau, d’oxygène pour les animaux et les humains du monde entier. Notre enfance était en ce sens « illimitée ». Aujourd’hui, en ces jours de confinement je perçois que la vie de nos enfants est synonyme de restriction et de la conscience de ce qui pourrait venir à manquer. Nos enfants ont une grande conscience d’un effondrement possible, d’une disparition pure et simple de l’espèce humaine du globe terrestre, quand nous n’envisagions même pas de quoi notre propre lendemain serait fait. Notre vision se résumait au présent, à l’approche des vacances éventuellement, quand on fait porter aujourd’hui sur les épaules de nos enfants une atmosphère de fin du monde. C’est triste de n’avoir pas su garder l’humilité de nos dix ans. Comment en sommes-nous arrivés là ? Ont-ils mérité cela ? Etions-nous obligés de nous offrir le train de vie que nous avons acquis ? N’aurions nous pas pu garder le sens de la mesure ? Le sens de ces grandes herbes et de ces après-midis passés au bord de la rivière… J’aimerais en réalité pouvoir offrir à mes enfants ce dont je suis dépourvu aujourd’hui : ce bon temps, ces longues après midis de printemps, insouciantes, où le lendemain avait des goûts d’incroyables promesses…

1er avril 2020

 

Mon cher Poisson,

J’eusse aimé te faire mille blagues aujourd’hui, te faire croire à des choses incroyables, te dire qu’on était obligé de tous rester chez soi… Poisson d’avril !!! Qu’on ne pourrait plus s’embrasser, se toucher, s’enlacer… Poisson d’avril !!! Que les rayons de PQ des magasins seraient dévastés… Poisson d’Avril !!! Que les caissières de supermarchés seraient cachées derrière de vieilles vitres en plexiglas pour les protéger de nos postillons ! Poissons d’Avril !!! Qu’aucun avion ne décollerait plus d’Orly !! Poisson d’avril !!! Mais non, le monde des propositions farfelues dépasse celui d’une certaine forme de réalité….Le Poisson Covid est entré dans nos vies et depuis on nage en eaux troubles. 4h00 du matin, j’ai encore une insomnie… Quel monde croire ? Quel lendemain possible ? Quel chemin suivre ? Si on continue tout droit on fonce vers le précipice… On fait une pause, on réfléchit… Orphelins, il nous faut retrouver la sagesse de l’ancêtre…Changer de rythme, changer d’objectif…Souffler… Je perds la raison, tu perds la raison, il perd la raison… Qui sommes nous vraiment ? Aide moi joli poisson !

             

   Jeudi 2 avril 2020

Ce matin, je cours avec Hannah Arendt. Je fais mon footing en compagnie d’Adèle Van Reth. Elle évoque le livre les origines du totalitarisme d’Hannah Arendt. Et je ne peux m’empêcher d’entendre dans ce qu’elle cite, un lien avec le problème qui nous préoccupe aujourd’hui. A savoir l’héritage du capitalisme.

Hannah écrit : « les bureaucrates ont pour seule loi, la loi de l’Expansion… Et la seule marque de légitimité était le succès. Changer le mot « les bureaucrates » par « les défenseurs du capitalisme » et ça marche…

Le succès leur donne le sentiment d’incarner des forces plus importantes qu’eux-mêmes, leur permet de renoncer à la louange et à la gloire, et même de mépriser celles-ci.

Ils étaient des monstres de dissimulation dans leurs succès et des monstres de modestie dans leurs échecs. A la base de la bureaucratie et des décrets temporaires changeants qu’elle substitue à la Loi, repose la croyance superstitieuse en la possibilité d’une identification magique de l’homme aux forces de l’histoire. Ainsi le bureaucrate fuit-il toute loi générale affrontant chaque situation une à une par décret. Car la stabilité fondamentale d’une loi menacerait d’établir une communauté permanente dans laquelle nul ne saurait être un Dieu, puisque tout un chacun doit obéir à la Loi. »

L’homme est asservi à un système. Autrefois le régime politique communiste ou nazi. Aujourd’hui le système capitaliste. Il s’investit aveuglément dans les rouages d’un système qui le broie en tant qu’être pensant l’empêchant d’exercer son esprit critique, tant il lui est asservi. L’argent guide nos vies et ces temps de confinement permettent de prendre la pause pour remettre en cause ce qui nous gouverne aujourd'hui.

Vendredi 3 avril 2020

Ce matin je me décide à aller faire les courses, le frigo est vide. Je craignais de trouver la foule dans mon supermarché du coin. Mais le changement est grand entre la semaine passée et aujourd’hui. Entre l’affolement généralisé lié à la peur de manquer et le défilé bien ordonné du moment présent. Tous les visages que je croise, semblent plus apaisés, les gens sont plus calmes, plus sereins. Ils rentrent à la queue leu leu, sans qu’aucun rayon ne semble pris d’assaut. Sauf peut-être celui du pain de mie : hamburgers et croques monsieurs sont certainement les menus préférés des français. Sinon on trouve de tout….Seul manque mon beurre demi-sel préféré.

Je retrouve mon amie la caissière qui malgré mon masque me reconnait. Je lui demande de ses nouvelles. Elle me répond du tac au tac : « oh mais moi, je suis très heureuse, depuis le début de l’épidémie de Covid 19, je viens tous les matins à pied, je respire, il fait bon en ville, on ne souffre plus de la pollution… »

« Tout le monde est ultra sympa avec moi, chacun prend des nouvelles, les gens sont gentils, attentionnés, ils découvrent une personne derrière la caisse. A croire que le plexiglas fait loupe ! Depuis qu’on a une séparation ils se rapprochent… »

 Ainsi elle trouve le métier plus intéressant depuis le début de la pandémie, car on prend le temps de la regarder. Et parfois même on l’encourage, on lui confie qu’à 20h les applaudissements, ce sont aussi les leur. Tous ceux qui permettent de pallier ces temps de pénurie. L’hommage est unanime. La considération pour le métier de caissière a pris une dimension planétaire. Tous ces métiers utiles invisibles prennent leur revanche. Les petites mains qui s’affairent sont devenues nos biens les plus précieux. Je lui conseille alors de surfer sur la vague de cette nouvelle aura, de se constituer en assemblée de caissières pour faire remonter leur revendication et transformer l’essai. L’ouverture d’une nouvelle ère.

Elle me répond alors rêveusement : « il faudrait y réfléchir sérieusement… Le conseil national de la résistance avec les occurrences « Infirmières et Caissières dans les articles premiers !! »

Et puis de terminer sur un : « ce qui me flingue encore aujourd’hui c’est de faire passer des haricots du Kenya sur le tapis de ma caisse, quand on sait que la France est le pays du Haricot ! » « Voici une autre revendication lui dis-je… »

A la semaine prochaine !

L’autre changement considérable qui accompagne le regard que l’on porte sur les caissières est le besoin de communion retrouvé : une chanson sous les fenêtres et tout le monde de se mettre au balcon pour reprendre à l’unisson. Le chant d’habitude si dérisoire, si désuet, devient un bien vital. Le rendez vous de 20h qui suit les applaudissements. Chacun apporte sa touche, il suffit d’une guitare, un instrument, une percussion, tout le monde entonne des standards, qui, à cet instant, deviennent des vecteurs de tout l’amour qu’on se porte… J’en ai encore des frissons… Bella Ciao, pour un flirt avec toi, Emmenez moi au bout de la terre…les chants éphémères deviennent ces instants qui nous nourrissent et nous fédèrent… Le confinement en plus de nous apporter le grand air (la pollution en milieu urbain n’a jamais été aussi faible) nous donne l’envie de dresser des projets communs, d’entonner tous ensemble des refrains….Alors certes ça ne va pas changer le monde, mais si ça pouvait être l’élan poétique propre à l’écriture de tout nouveau projet….Chantons !!!

 

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