Régression
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Régression
Mes séances chez le Dr Falco avaient débuté dans la chaleur suffocante du mois d'août et j’étais arrivée à ma première consultation en nage, puis en panique, à la découverte d'une salle d’attente exigüe dont l'unique source d’air frais était une minuscule fenêtre en bois.
Le docteur lui, était à l’opposé de son cabinet, bienveillant et réconfortant, et les rendez-vous s'étaient enchainés, nourris par le plaisir de me sentir progresser. A la fin septembre, concerné par mon état de fatigue, il avait décidé d’une pause thérapeutique de quelques semaines. Une période d’arrêt qui, par peur de la rechute, m’avait inquiétée, mais durant laquelle je n’avais finalement subi que deux petites attaques de panique. Episodes bien modestes comparé aux crises d'agoraphobie qui rythmaient ma vie depuis mes seize ans.
Le vendredi 15 novembre, jour de la reprise, arriva, et c’est sous une pluie proportionnelle à la chaleur terrassante du mois d’août que je passais la lourde porte d’entrée, sursautant à la vue d’un splendide feu de cheminée. Comment avais-je fait pour ne jamais la remarquer auparavant ?
*********
Intriguée, je regarde autour de moi, la salle est vide. Mon portable indique 17h50 ce qui me laisse dix petites minutes pour me réchauffer près du feu. Les flammes dansent et m’attirent et lorsqu’une bourrasque s'infiltre dans le conduit, ces dernières redoublent d’intensité. Ce n’est que grâce à un heureux réflexe que je réussis à les éviter, collée au dossier de ma chaise, fascinée par tant de beauté. La chaleur, presque brûlante, traverse mes vêtements et berce mon corps d’un réveil animal. Je ferme les yeux de plaisir quand mon cœur s'emballe. Assaillie de vertiges je m’agrippe à ma chaise, avant d’être aspirée par un vide cerné de noir.
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Lorsque mes yeux trouvent à nouveau la force de s’ouvrir je suis debout dans un couloir étroit et sans fenêtres, avec, comme unique perspective, une petite porte en bois vert. Déconcertée, j’avance avec prudence, puis tourne délicatement la poignée ronde et dorée.
Il fait nuit, la pièce est petite. Les meubles, un lit et une table de chevet en bois, datent d'un autre âge. Assise sur le bord du lit se trouve une demoiselle en chemise de nuit blanche dont les cheveux bruns sont retenus en une tresse. Elle pleure. Des voix d'homme se rapprochent, celle d'une femme aussi, qui accuse : « Elle est en haut ». Leurs pas s'accélèrent, je suis prise de panique, derrière-moi la porte a disparu. A peine ai-je le temps de me terrer que la chambre s’ouvre avec fracas. Deux hommes se précipitent sur la jeune fille, l'agrippent et la trainent dans les escaliers. Elle hurle, se débat, ses jambes heurtent les marches de l’escalier. "Tais-toi sorcière !" hurle le premier. "Tu bruleras sur le bûcher ce soir !" ricane le deuxième.
Mais où-suis-je ? Tout ceci ne fait aucun sens. Je réfléchis. Les deux hommes ne m'ont pas vue, peut-être suis-je invisible ? Les cris de la jeune fille redoublent. Je dévale les escaliers et découvre une dame, sûrement celle que j'ai entendu plus tôt, et un homme. "Pitié mère !" hurle la jeune fille dans un dernier espoir. La femme reste immobile, yeux rivés vers le sol. Elle scande : "Pas de sorcières dans ma maison, pas de sorcières dans ma maison." L'homme jette un dernier regard vers sa fille alors qu’on l’emporte, et ferme la porte.
Prise d'une violente envie de vomir, je hurle et les assène de coups, en vain. Je suis bel et bien invisible. Mais qu'est-ce que je fais ici ?! Je me lance à la poursuite de la charrette qui s’est déjà mise en marche et cours pendant ce qui me semble être une éternité, jusqu’à ce que le convoi s’arrête, sur une place cernée par une foule immense. Un bûcher se tient en son centre. Le peuple gronde : « Mort aux sorcières ! ». Les geôliers ouvrent les portes pour en extirper leur prisonnière. La jeune fille ne touche plus le sol, sa tête pend, dans un état de catatonie. Je me débats dans l’ultime espoir d’apparaitre et de l’emporter, mais rien n’y fait. A bout de souffle, genoux à terre, je lève la tête vers elle et découvre pour la première fois son visage. Mais c’est moi !
Mon corps vacille, je m'évanouis.
A mon réveil je suis sur ma chaise, dans la salle d'attente du Dr Falco. Il est 17h59.
*********
Le Docteur m'expliqua ce soir-là que je venais de vivre une plongée en hypnothérapie régressive, un phénomène extrêmement rare lorsqu'il n'est pas déclenché par un hypnothérapeute. Il était convaincu que cette expérience entraînerait des répercussions très positives sur mon agoraphobie, et il avait raison.
Depuis que j'ai découvert que ma peur de l'autre appartient à une ancienne version de moi, je n'ai plus jamais eu d'attaque de panique.
@ecriremonlivre on Insta
William Gosset il y a 2 ans
Bonjour Séverine, merci pour votre publication.
Je me permets de vous informer que les hashtags ne fonctionnent pas sur Panodyssey. A la place il vous suffit d'écrire un mot qui correspond à votre écrit, tout seul.
Je vous remercie et vous souhaite une bonne journée.
Séverine Gambardella il y a 2 ans
Bonjour et merci William. Je modifierai les hashtags concernés. Une bonne journée à vous aussi.