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La poupée de chiffon

La poupée de chiffon

Publié le 3 avr. 2021 Mis à jour le 3 avr. 2021 Culture
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La poupée de chiffon

Mon véritable nom est Liberté. Il y a longtemps que personne ne m'appelle plus ainsi. Progressivement ce sobriquet c'est transformé. Il est devenu Misère, pour finir en Oubli. Je ne sais plus vraiment comment je m'appelle aujourd'hui. 
Je suis une poupée de chiffon dans le grenier des nations. Ils m'ont remisé dans un coin sombre pour cacher ma laideur.
C'est du moins ce qui m'est permis de penser, vu ma piètre valeur. Couvert de la poussière de mes sentiments, les puissants m'ont délaissé, pour nourrir l'équation de ne pas me sentir essentiel à ma raison d'être. Ils m'avaient promis, vérité et protection, légèreté et attention. Je les ai crus pour la simple raison que ce monde-là était Démocratie. De mes yeux plastifiés usant ma rétine, le regard tourné vers cette information tronquée. La vérité c'est volatilisée en illusion virale, avec grande conviction, en inoculant l'idée d'une contagion pandémique dans mon corps tissulaire de poupée maltraitées. Ils ont souillé mes propres valeurs et déversé sur le tissus de ma conscience une chape de confinement comme simple explication. Puis il m'ont promis de me réparer, et que bientôt je pourrais retrouver mon nom ; liberté. Mais pour cela il faudrait me vacciner en passant dans cette machine à laver les pensées. Ne plus réfléchir, cesser de servir. Il y en a même qui disent asservir, c'est pour dire ! 

J'ai espéré, des jours et des jours entiers, sans rechigner. Ils m'ont percé de trous, écorché mes viscères de chiffons, arraché mes lanières de nylon, brûlé mes cheveux en galon.  C'est là qu'ils ont crié Misère pour me pousser à m'incliner sur le parvis de la soumission. Je ne voulais que des bras autour de mes médaillons tissulaires. Je voulais que l'on m'étreigne d'amour et sentir le rythme du cœur battre au plus profond de mes guenilles. Je voulais tant de belles choses comme autant de promesses acquises jusqu'à qu'ils m'appellent Oubli. Depuis je vis à côté de quelques reliques, laissé dans ce grenier des Nations. Les chiffons qui m'habillent deviennent moribonds, suintant la moisissure incrustée  dans ma fibre émotionnelle. Des trous dans la mémoire tissent les contours, usant ma raison que tout le monde ignore. 

Je ne suis qu'une poupée de chiffon abandonnée dans le grenier des Nations. Alors que je croyais avoir vécu toutes mes souffrances, je me suis retrouvée dans les sous-sols de ma vie, à côté d'un local sans lumière d'espérance. Puis jeté dans cette boîte de Pandore. Je suis devenue dans l'instant qui passe, celle que l'on ne garde plus, n'étant pas à l'image de la nouvelle venue... 

............... 

Poupée de chiffon, poupée de liberté, tu n'entreras pas dans l'histoire, car tu fais partie d'une pale réplique et ne représente pas les "véritables" valeurs de notre société. Dans ce monde en porcelaine aux yeux de diamants ou l'argent  habille la plus nantie des poupées. Aucun ne portera son regard sur des objets qui n’ont aucune mesure.

C'est ainsi que cette poupée de chiffon va terminer sa vie dans le charnier creusé dans une décharge... Dernier affront pour un cercueil de damnation au nom de la couronne virale fabriquée par des esprits en perdition qui se disent suprêmes, ne signifiant que la déchéance du paraître par le profit et délaissant, de ce fait, l'apparence de l'être par l'oubli. 
Aujourd'hui, j'ai une pensée profonde pour toutes ces petites poupées de chiffon qui souffrent d'une absence totale de considération et qui progressivement sombrent dans l'abnégation, abandonnées au mieux dans le grenier des Nations ou d'une façon plus dramatique dans le sous-sol de l'immonde oppression . 
Serge Leterrier Auteur ( 4 Mars 2021)
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Commentaires (2)

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Farida Mihoub il y a 3 ans

Très beau texte ! Nous sommes tous ainsi comme des vieilles poupées oubliées pendant que les Grands se gavent !!! Quel triste monde !

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