Félicitations ! Ton soutien à bien été envoyé à l’auteur
La haine

La haine

Publié le 14 oct. 2022 Mis à jour le 15 août 2023 Culture
time 2 min
1
J'adore
0
Solidaire
0
Waouh
thumb 0 commentaire
lecture 165 lectures
1
réaction

Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 9 articles à découvrir ce mois-ci.

Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit ! Se connecter

La haine

Voyez combien elle est restée active, 
comme elle se porte bien en ce siècle 
la haine.
Avec quelle légèreté elle franchit les montagnes. 
Comme il lui est aisé de bondir et de frapper.
 
Elle est différente des autres sentiments : 
leur aînée et leur cadette en même temps. 
Elle produit, elle même, la substance
dont elle se nourrit. 
Si elle dort, ce n'est que d'un œil. 
Ses insomnies ne l’épuisent pas, bien au contraire.

Il n'y a de religion qui tienne : 
il faut être dans les starting-blocks.
Il n'y a de patrie qui tienne : 
ne pas rater son départ. 
Semblant de justice ou de bonté avant de s'élancer.
Puis elle fonce, tête baissée.
La haine. La haine. 
Le visage distordu par 
l'extase.

Ah, ces autres sentiments 
cacochymes et flasques. 
Depuis quand votre fraternité  
fait-elle recette ?
La compassion a-t-elle jamais
gagnée cette course ? 
Les scrupules : combien d'adeptes ? 
Seule la haine transporte, elle ne le sais que trop.
 
Douée, brillante, assidue. 
Combien de chants n'a-t-elle pas composés ? 
Combien de pages d'histoire n'a-t-elle pas numérotées ? 
Combien de tapis humains n'a-t-elle pas déroulés ? 
Dans combien de stades, sur combien de places ?
 
Ne nous leurrons pas : 
elle sait aussi engendrer la beauté. 
Des aurores incendiaires splendides dans la nuit noire.
De magnifiques écheveaux éclatants au petit matin rose. 
On ne peut nier la démesure de ses ruines 
ni sa verve paillarde :
tours turgescentes dressées au dessus d'elles.

Elle est passée maître dans l'art du contraste 
entre vacarme et silence, 
entre rouge sang et blanc de neige. 
S'il est une image dont jamais elle ne se lasse 
c'est celle de l'écorcheur immaculé 
penché sur sa victime ensanglantée.

Toujours prête à l'action
mais s'il faut attendre, elle attendra.
On la dit aveugle. Aveugle ?
Elle a l’acuité d'un sniper. 
Elle scrute l'avenir avec arrogance. 
Elle seule sait faire ça.

 

  • Auteur : Wislawa Szymborska
  • Langue : Polonais
  • Traduction : Julien Ziemniak
  • Photo d’entête : Julien Ziemniak
  • Version PDF et autres poètes, ici : https://jb-photographies.net/poesie/.
lecture 165 lectures
thumb 0 commentaire
1
réaction

Commentaire (0)

Tu aimes les publications Panodyssey ?
Soutiens leurs auteurs indépendants !

Prolonger le voyage dans l'univers Culture

donate Tu peux soutenir les auteurs qui te tiennent à coeur

promo

Télécharge l'application mobile Panodyssey