Solitude
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Solitude
Sur la planète Oreste, une journée d’hiver ensoleillée…
Alba s’équipa, embrassa son père, elle était prête pour la descente.
Snow avait trouvé sa place dans le sac à dos, sa tête dépassait. Ses pattes n’avaient pas la facilité des skis pour glisser sur la neige, la vitesse d’Alba allait être trop rapide pour lui.
Pour la descente, le chemin était un peu différent, les lacets empruntés pour la montée pouvaient être coupés allègrement. Alba aimait bien la sensation de vitesse, ses gants et son bonnet étaient bien ajustés pour se protéger de la bise.
Elle démarra doucement, la pente était raide, elle ne voulait pas se laisser emporter par la descente abrupte, elle décomposa son parcours en plusieurs lignes droites. Pour tourner dans la neige elle commença par des conversions, elle transféra son poids avec agilité d’un ski sur l’autre en assurant son équilibre avec ses bâtons. Sa pratique maitrisée lui permettait d’être rapide.
Elle était déjà en bas de la portion la plus abrupte, elle se retourna une dernière fois vers Wren pour lui faire un signe de la main. La prochaine fois c’est lui qui redescendrait.
Des chocards volaient dans le ciel, elle s’étonna de les voir voler si bas. Leur comportement la questionna. Peut-être avait-il une proie en vue ? Se rassura-t-elle.
La descente était plaisante mais demandait de l’adresse pour garder son équilibre dans la neige changeante, plus molle lorsqu’elle avait été au soleil et encore glacée dans les parties ombragées.
Snow restait parfaitement calme pour ne pas déséquilibrer sa maitresse.
La nature était apaisante, certains animaux faisaient leur dernière sortie avant la tombée de la nuit, Alba aperçu un chamois avec sa harde au flanc de la montagne. Il fallait des yeux avisés pour repérer les points noirs et blancs qui se déplaçaient avec agilité.
La pente s’adoucissait, Alba prenait confiance. Elle accéléra l’allure. Bientôt le cours d’eau qui la rapprochait de sa maison fut visible au loin. Les couleurs du ciel se modifiaient de manière harmonieuse dans les tons de rose jusqu’au violet, les dégradés de la fin du jour auraient mérité une pause pour les admirer. Alba voulait être rentrée avant la nuit, elle ne s’attarda pas.
Alba ne vit pas la branche recouverte de neige, mais son poids fit plier le manteau neigeux juste avant celle-ci, brutalement la descente s’interrompit et Alba émis un cri de douleur.
Snow fut secoué avec sévérité pour atterrir sur sol, dans la froideur de la neige.
Alba ne pouvait plus bouger, elle sentait la douleur se transformer en malaise, l’envie de vomir augmenta, elle respira pour se calmer. Elle eut immédiatement conscience de la gravité de sa situation, elle ne s’en sortirait pas seule.
Elle libéra la patte de Snow de l’emprise du sac à dos, il tourna autour d’elle. Elle ne se levait pas, le chien compris l’incapacité de sa maitresse. Alba le caressa et lui indiqua la direction de la maison, le chien hésita puis s’élança aussi vite que ses pattes lui permettaient sur le manteau neigeux. Son parcours allait prendre du temps, heureusement il pouvait se servir du chemin tracé le matin.
Alba ferma les yeux pour tenter de gérer la douleur, si elle restait immobile, celle-ci semblait s’atténuer. Il ne fallait pas dormir mais l’inertie faisait gagner le froid à tout son corps. Elle bougea tour à tour les différentes parties des membres qu’elle pouvait mobiliser : ses doigts, ses mains, un pied, une cheville. Elle observa les alentours, elle était tombée dans une clairière, qui ne l’abritait guère du froid nocturne, il lui fallait résister. Elle prit la décision de manger, elle agrippa son sac et avec des mouvements lents elle réussit à attraper le gâteau qui lui restait. Elle le mangea par petites bouchées pour faire durer le moment. Que faisait Snow ? Le temps semblait long, le froid s’accentuait.
Alba commença à avoir du mal à lutter contre le sommeil, ses paupières s’affaissaient, elle lutta pour les ouvrir à nouveau, elle essaya de penser à sa vie, à la cabane, à la chaleur du feu de la cheminée, cela de nouveau, la rendait léthargique. Elle décida d’orienter ses pensées vers ses camarades, leurs dernières blagues, leurs dernières expériences pendant le cours du professeur Tibroc. Elle se remémora le bec verseur, la pipette, l’éprouvette, le mélange qui fumait avant l’explosion surprenante. Ses yeux s’ouvrirent et elle observa le paysage, la brume de la rivière commençait à s’étendre au-dessus d’elle, quelqu’un allait-il réussir à la retrouver ?
Son angoisse commençait à monter, des frissons parcouraient son corps, de froid et de peur.
Elle se sentait à la merci des éléments, des animaux pouvaient l’attaquer. Un loup affamé ? Pourvu qu’il ait rencontré d’autres proies avant elle.
Pour la première fois, elle sentait l’énergie de sa vie s’amenuiser, la frayeur consommait si vite ses ressources internes que l’envie d’abandonner s’insinua en elle. Ne pas lutter et se laisser couler dans cette douce torpeur où la fatigue et la douleur s’atténuaient.
Elle s’obligea à rouvrir les yeux, concentra son esprit sur le soleil qui disparaissait et dont elle ne voyait déjà plus que la lumière dans le ciel. Elle décida d’utiliser son ouï pour cette fois s’intéresser au bruit de la forêt, qui était prêt d’elle ? Elle entendait l’eau de la rivière, la vitesse de celle-ci et les pierres créaient une mélodie constante, mais entendre l’eau couler augmentait la sensation de froid dans son corps.
Snow avait dû arriver à la maison, sa mère devait être en route… Elle perdait la notion du temps. Elle les espérait d’un instant à l’autre.
Alba finit par sombrer et s’assoupir.
Sa tête semblait lourde et brumeuse, elle marchait sans voir ni l’horizon, ni les éléments autour d’elle, l’angoisse la tenaillait. Où était-elle ? Le sol s’enfonçait comme celui d’un tapis de feuilles, des bêtes semblait vouloir grimper sur ses jambes, elle les chassait avec des mouvements brusques de la main. Un bruit sinistre se fit entendre, un oiseau ? Alba sursauta, son angoisse s’amplifiait. Au moment où il lui sembla pouvoir saisir une branche pour se sécuriser dans cet espace inhospitalier, elle tomba ou plutôt elle fut entrainée dans une chute vertigineuse, le fond ne semblait jamais pouvoir être atteint, livide, son cœur s’était arrêté.
Brutalement elle se réveilla, où était-elle ? La nuit était là. Alba n’avait aucune idée du temps qui s’était écoulé. La douleur fulgurante dans sa jambe lui rappela sa chute.
Elle entendit le cri d’un loup, était-il affamé ? Un loup n’attaquait pas les humains, surtout si elle restait immobile. Et si la faim le tiraillait ? la peur l’envahissait. Son cerveau ne semblait plus contrôler ses pensées. La fuite, tout son corps lui indiquait de prendre la fuite.
Son corps immobilisé, elle se sentait maintenant paralysée. C’était douloureux, elle éprouvait de la frustration à ne rien pouvoir faire. Ne plus ressentir son corps qui souffrait de froid et de douleur. Elle aurait préféré être morte. Elle détestait cette sensation, elle voulait quitter son corps, s’envoler… Être un oiseau !
Elle s’assoupit de nouveau comme entrainée malgré elle vers un autre univers. Était-ce cela mourir ?
Cette fois elle semblait combattre une force étrangère qui voulait l’attraper et de nouveau la brume sinistre, de nouveau une branche à saisir et au moment de l’attraper la chute vertigineuse la saisissait d’effroi, son cœur s’arrêta, son sang se figea.
Enfin des voix lui parvenaient, étouffées comme dans du coton, était-elle au paradis ?
De nouveau, la douleur vive lui rappela qu’elle était en vie.
Elle ne savait plus si elle devait trembler pour laisser la vie revenir en elle, ou résister encore. Elle voulait surtout relâcher l’horrible pression qui l’épuisait et la mettait à bout de force.
Une voix lança :
-« Elle se réveille, on s’arrête ! »
Le médecin du village s’approcha, elle reconnut sa moustache et sa voix si peu masculine.
« Je vais lui donner un antalgique. »
Il la regarda avec un sourire confiant.
-« Alba, nous serons bientôt au village. »
Il glissa un petit gobelet entre ses lèvres pour qu’elle avale le médicament.
-« Nous repartirons dans vingt minutes, le temps que l’effet de l’antidouleur se fasse sentir. »
Tout le monde semblait content de faire une pause, ils étaient au moins six à se relayer pour la porter.
Quand le terrain le permettait, ils arrivaient à faire glisser le brancard pliant pour plus de rapidité et moins d’efforts. Elle était sauvée, c’était une certitude.
Pourtant la peur effroyable de se sentir abandonnée, seule, impuissante, tourbillonnait dans sa tête. Elle ne voulait plus ressentir cette détresse, cette expérience était la pire qu’elle ait connue dans sa courte vie.
Elle visualisa les toits des premières maisons. Le médecin allait la prendre en charge. Elle n’osait plus fermer les yeux. Elle ne voulait plus jamais ressentir cette effroyable solitude.