Félicitations ! Ton soutien à bien été envoyé à l’auteur
III

III

Publié le 10 oct. 2024 Mis à jour le 10 oct. 2024 Absurde
time 2 min
0
J'adore
0
Solidaire
0
Waouh
thumb 0 commentaire
lecture 38 lectures
2
réactions

Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 9 articles à découvrir ce mois-ci.

Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit ! Se connecter

III

Cher Hélicon,

 

Mes lettres risquent de se succéder de plus en plus abruptement ; je ne peux attendre ta réponse que je sens pourtant arriver d’ici quelques nuits. J’y mettrais mes pensées sans décantation, brutes comme leur matière trop nombreuse et pesante.

Je me réveille parfois paniqué, ne reconnaissant plus mon corps mutilé par l’étroitesse de ma prison ; il m’appesantit, je le traîne comme un fardeau qu’autrui m’a chargé de supporter : seules, mes mains encore m’appartiennent. Les murs autour de moi se rapprochent chaque jour et je ne les reconnais pas non plus, ma cellule s’étrique à mesure que ma conscience se rappelle de la longueur de ma vie passée, du nombre de personnes à qui je pourrais écrire encore. Tout devient variable avec cette brusquerie qu’un pinceau grossier trace instantanément : les nuages dont j’aperçois la silhouette sur le Fleuve, les cloches que chaque heure déplace et qui me surprennent comme une première fois où encore vierge d’existence je sentirais les premiers effluves impurs du monde et goûterais la première laitée surie d’une mère.

Ce caractère neuf que prend chaque événement a eu raison de mes nuits. Je les passe dans l’angoisse de savoir ce que me réserve le lendemain. Je redoute la vue de ma lucarne que j’évite en ne me tenant debout, en demeurant recroquevillé, fermant les yeux en pensant aux éternels mouvements de la ville qui s’y dessine sur le Fleuve. Chaque heure pourtant, je crie à poumons ouverts dès que les cloches blessent mes tympans ; cet écheveau cruel de sons immondes provoque en moi des vibrations inconnues. J’oublie chaque pensée que je parviens de former ; mes lectures ne dessinent plus de paysages tangibles, les lettres y sont gravées comme d’une langue étrangère les caractères hiéroglyphiques et premiers qu’aperçoit l’archéologue perdu dans une contrée dont il ne connaît plus les époques et les histoires.

Une réponse, un mot, apaiserait ma douleur. Confirme, je t’en prie, l’existence de mes pensées, de la ville, rends-moi les nuits que tu me dois ; je me fais, au milieu de mon exhaustion, de ma folie native, l’usurier des nuits. Elles sont la seule monnaie qui me reste ; tu m’as tout pris, Hélicon, ma femme, mes enfants, et mes richesses : rends-moi du moins nuits et souvenirs.

 

Ton ami pour toujours,

 

Lucien.

 

lecture 38 lectures
thumb 0 commentaire
2
réactions

Commentaire (0)

Tu aimes les publications Panodyssey ?
Soutiens leurs auteurs indépendants !

Prolonger le voyage dans l'univers Absurde
Kil
Kil

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, votre sourire, ma joie.

Bernard Ducosson
1 min
Incompréhension
Incompréhension

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, votre sourire, ma joie.

Bernard Ducosson
1 min
Loup
Loup

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, votre sourire, ma joie.

Bernard Ducosson
1 min
L'apothicaire.
L'apothicaire.

L’apothicaire observait son apprentie à travers le verre jaunâtre. Il é...

Virginie Cornu
5 min
Oreilles
Oreilles

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, votre sourire, ma joie. Des pendants de part et d'a...

Bernard Ducosson
1 min

donate Tu peux soutenir les auteurs qui te tiennent à coeur

promo

Télécharge l'application mobile Panodyssey