Les affaires coutumières... et la sorcellerie
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Les affaires coutumières... et la sorcellerie
21 Fev 13
Mr O. entre dans mon bureau. Il me salue, nous nous reconnaissons mutuellement. Mr O. n’est pas juste un patient à qui il faut renouveler l’ordonnance des médicaments. Mr O. travaille en tant que « juge » au tribunal des affaires coutumières dans le quartier de Makélékélé. A ce titre, et poussé par ma curiosité, il me raconte les histoires qu’il traite et retarde mes consultations d’au moins une heure.
Le tribunal des affaires coutumières traite de faits qui ont trait aux différends entre voisins ou dans les familles. Tant qu’il ne s’agit pas de faits relevant de la loi et donc du tribunal de grande instance, le tribunal des affaires coutumières prend en charge le dossier, éclaircit l’affaire et tente de concilier les parties. Ce qu'il faut savoir, c'est que la plupart du temps, on y traite des affaires de sorcellerie.
La jeune Melle X. est atteinte d’une maladie. Malgré les traitements prescrits, elle ne guérit pas, et demeure extrêmement fatiguée. Les parents de Melle X. accusent l’oncle d’être responsable de cet état de santé. En effet, il y a quelques mois, l’oncle avait demandé à Melle X.de lui donner sa télévision. Melle X avait refusé et l’oncle s’en était offensé. On suspecte donc l’oncle d’avoir formulé des pensées malveillantes à l’égard de sa nièce et ainsi de lui avoir jeté un sort. L’affaire commence donc.
Les juges des affaires coutumières enquêtent. Ce sont des habitants du quartier, âgés et au statut social reconnu des autres habitants, à qui on a demandé de jouer les médiateurs dans ce type d’affaires. Ils accueillent les plaignants et accusés, écoutent les allégations de la famille, débrouillent l’histoire. On écoute la version de l’oncle. Il nie contre vents et marées qu’il n’est pas sorcier. Chacun campe sur ses positions. Finalement, ce sont deux versions qui s’affrontent et entre lesquelles il est difficile de trouver un terrain d’entente.
On va donc voir les féticheurs. On ramène un objet appartenant à la fille, on demande d’éclaircir si elle a bel et bien reçu un sort, et qui en est l’auteur. Chacun a ses pratiques. L’un demande à ce qu’on achète un casier de bières, ouvre les bouteilles et en vide une partie, cherche la réponse en tapotant sur la bouteille avec une pièce de monnaie. Un autre va lire dans le vin de palme et les arachides. Un autre encore prendra un poussin et le piquera avec des aiguilles. Si les versions de tous les féticheurs concordent, on aura confirmé les accusations de sorcellerie. Si le désigné continue de nier, on pourra regrouper tout le monde en cercle. On prendra un coq à qui on tranchera la tête et on laissera le corps courir dans tous les sens. Si le corps du coq s’effondre devant l’accusé, il ne pourra plus nier, au risque d’un grand malheur sur lui.
Il faut maintenant gérer les réparations. L’oncle, que tout désigne, va devoir pratiquer quelques rituels pour conjurer le mauvais sort qu’il a, volontairement ou non, jeté sur sa nièce. Il devra acheter quelques casiers de bières, offrir le vin de palme, prononcer quelques phrases exutoires, manier quelques grigris, selon les recommandations des féticheurs. Des esprits se sont agités, mus par les pensées négatives de l’oncle, et sont venus attaquer la fille. Il faut désormais les apaiser, leur faire des offrandes, les prier de laisser en paix Melle X. Quant à la famille, elle doit montrer des gestes de réconciliation envers l’oncle, lui offrir un casier ou deux, et probablement lui acheter la télé à la source de tous ces désagréments. Tous les esprits,matériels et immatériels, seront alors réconciliés, et la maladie de la fille, symptôme du courroux entre les hommes, pourra alors enfin guérir.
Quelle est la part de symbolique, et quelle est la part de vérité ? Qu’est ce qui est de l'ordre des croyances et qu’est ce qui est un fait réel? Ces questions ne sont bonnes que pour nos esprits matérialistes et cartésiens. La finalité de tout ça, c’est avant tout de rétablir les liens qui unissent les hommes. Et c’est bien ça le plus important.