L'enfant que je serai 5/10
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L'enfant que je serai 5/10
Je traverse la grande cour qui mène à l'atelier de Vettore. Je frappe à la porte, il m'ouvre sans demander qui c'est. Vettore est un homme vieux et beau. Les fines rides qui parcurent son visage, me font penser aux filets des pecheurs, qui séchent sur le pont de l'Ogivolo, à quelques pas d'ici. Ses yeux noisette, brillent. Un éclat de jeunesse lui est resté dans le regard. C'est peut être ainsi, qu'on crée des ouvres qui ne vieillissent pas dans les siècles. Ses mains, grandes, nerveuses et calmes donnent l'impression de force maîtrisée pendant une vie entière. Je lui montre le petit morceau de bois finement travaillé, qu'il examine très attentivement. Entre temps, je me promène dans la vaste pièce où trône une cheminée et des sculptures de toutes formes et tailles. Je les regarde, curieux et admiratif. "C'est étrange tant de sculptures si belles et invendues...", "Les sculptures que vous voyez ici sont celle que je ne suis pas arrivé à vendre car elle viennet de dedans - me dit-il, satisfait. Je le ressens, pendant que je travaille le bois, quand elles ne sont pas comme les autres, quand elles sont de moi, non pas à moi. On ne vends pas ses enfants, aucun commanditaire est arrivé à me convaincre à en laisser partir une seule de celles-là". "Vous faites comment, alors pour satisfaire la commande?", "Je leur en réalise une autre", "Des copies?", "Pas exactement, on ne peut pas faire des vraies copies avec du bois, chaque morceau a sa structure. Chaque morceau de bois est unique, chaque sculture l'est. J'en réalise de semblables", "Vous n'avez jamais eu des retards dans la consigne de votre travail, en étant obligé à les réfaire?", "Toujours", "Et des problèmes à cause de cela?", "Jamais. L'unique problème est perdre ce qu'on aime. Perdre une partie de soi"
[...]
Sorti de l'atelier de Vettore je traverse le sestière de Castello, j'enteds les enfants jouer dans les cours, rire à éclats. De temps en temps un petit cris. Un enfant tombe et éclate en saglots. Sa mère sort de la maison, le prends entre ses bras, Je pense que personne m'a jamais serré entre ses bras pour me consoler de mes chutes. Si j'imagine un enfant qui sera peut-être de moi - non pas à moi - je ne rêve pas ce qu'il accomplissera comme exploit, ni le rôle qu'il aura dans le monde. Je rêve de la tendresse des bras qui l'accueilleront. Ce sera ma deuxième chance sur Terre.
Il Consiglio dei Dieci, Supernova Editore, Venezia 2022, p.84-86
trad. fr
Le Conseil des Dix, inedit , 2012.