Épisode 20 : Attente
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Épisode 20 : Attente
Ce que Siegfried aime dans les déplacements à cheval, c'est d'y retrouver les souvenirs de sa jeunesse de chasseur - ceux de l'époque où il passait l'essentiel de ses journées à traquer le gibier sur ses terres, à Feulen comme à Koerich. Au-delà de la chasse, il retrouve ce dialogue instinctif entre l'être humain et l'animal, cette nécessité de connaître sa proie pour mieux la traquer et de comprendre sa monture pour mieux la guider. Mine de rien, c'est un entraînement qui lui a servi jusque dans ses rapports avec les humains - car au fond, qu'est-ce que l'être humain, sinon un animal, au demeurant doué de raison ? Connaître et comprendre son adversaire pour mieux anticiper ses mouvements, mieux le contrer et au final mieux le vaincre, c'est essentiel une fois que l'on se retrouve investi d'un pouvoir et d'une autorité si l'on veut garder la main. Ici, il se prépare à affronter un adversaire de taille, il traque du très gros gibier. Pour cela, il ne lui faut pas moins que son meilleur cheval, et il doit se montrer au mieux de son prestige comme de sa forme. Même si le combat à venir est spirituel et psychologique plus que matériel. Impressionner l'adversaire est peut-être d'autant plus important. Qui pour cela pourrait mieux le servir que Wanterglanz, qui lui obéit à la plus faible incitation et dont il ressent chaque mouvement comme avec aucune autre monture ?...
Il faut à Siegfried et à son cheval une heure pour arriver à Koerich, mais il n'est pas question de se rendre au château, ni même dans les métairies d'ailleurs. Il oblique directement vers la forêt. Il a beau s'y être mémorablement égaré une fois dans sa jeunesse vers cette vallée de l'Alzette qui est son territoire aujourd'hui, il peut dire qu'il connaît sa première seigneurie comme le fond de sa poche. Et la rencontre qui va avoir lieu, vu l'interlocuteur qui devrait y participer, il préfère qu'elle se tienne dans un endroit éloigné. Pour protéger son monde, certes... mais aussi sa propre réputation. Personne ici ne doit savoir qu'il s'y trouve, et encore moins ce qu'il est venu y faire et surtout pas qui il doit rencontrer. Même à Lucilinburhuc, il n'a mis au courant que le strict minimum de gens - ceux qu'il était indispensable d'informer parce que sans eux, il ne pourrait même pas être ici.
Il cherche un endroit aussi reculé que possible dans la forêt, tout en restant sur ce qui est encore toujours ses terres. Il finit par en trouver un, un petit espace un peu plus dégagé, parsemé de monticules de terre, tapissé de feuilles mortes et bordé d'arbres. Et une fois qu'il l'a trouvé... il somme le diable de se montrer.
Mais, bien sûr, le diable commence par ne pas répondre à son appel. Ce qui a, c'est tout aussi sûr, le don d'énerver Siegfried, qui se met de plus en plus en colère.
Au début, Siegfried tente de garder le contrôle du volume de sa voix. Une voix, ça porte, et il n'a pas exactement envie qu'on le repère, surtout avec ce qu'il est venu faire. Mais à force d'heures et d'heures entières de frustration, sa belle maîtrise de soi, il commence tout doucement à la perdre, et il hurle de plus en plus fort pour sommer le diable de se montrer. Sans plus de résultat. Alors il tape du poing sur tous les arbres alentour, et se voir le faire lui donne un rire hystérique. Il s'était certes préparé à un combat, mais pas avec des arbres ! Il est chasseur, pas bûcheron !
Et il est surtout seigneur, comte de Lucilinburhuc et de Koerich. Il n'est pas quelqu'un que l'on fait attendre, il n'a pas la journée, et ça aussi, c'est quelque chose que le diable va devoir lui payer. Le diable lui a prétendu autrefois qu'il était quelqu'un de pressé, et pourtant, lui, il a toute l'éternité pour lui. Il devrait tout de même savoir que pour un humain, ce n'est pas pareil ! Du moins s'il est aussi bien informé qu'on le dit...
Un hennissement retentit. Wanterglanz se rappelle à son bon souvenir. Faim ? Soif ?... Frayeur peut-être devant le comportement hystérique de son cavalier, inexplicable pour lui ?... Siegfried va vers lui, le caresse et lui parle doucement pour le calmer. Wanterglanz a-t-il peut-être perçu une présence ?... Non, il n'est pas assez agité. Mais en tout cas Siegfried comprend son langage.
Langage... Le souvenir d'un vieux grimoire surgit. Non mais le diable ne voudrait pas d'une incantation, par hasard ?... Bon sang, quelle était celle qu'il a utilisée autrefois ?... On ne peut tout de même pas attendre de lui qu'il se rappelle des phrases à peine à moitié compréhensibles qu'il a prononcées juste une fois dans sa vie il y a quinze ans d'ici ?...
Il marche, tourne en rond, tourne sur lui-même, s'adosse à un arbre, se prend la tête dans les mains, se récite des bribes de phrases barbares oubliées pour s'en rappeler d'autres... Wanterglanz hennit encore. Siegfried le fait taire. Quiconque s'égarerait ici et le verrait dans cet état le croirait fou. Mais il n'en a cure. C'est bien aussi à cela que sert le choix d'un endroit reculé où personne ne va jamais. Bon, certes, ici, ce n'était pas calculé - enfin, pas dans ce sens-là. Pas dans ce but-là. Mais ça reste quand même bien pratique... il y a dans la vie des choix qui tombent à pic.
Enfin, quand il pense s'être à peu près rappelé son texte, Siegfried se positionne au centre de ce petit espace monticuleux tapissé de feuilles mortes et bordé d'arbres, et il récite son incantation d'une voix forte. Puis c'est le silence.
Pendant une bonne minute, rien ne se passe. Siegfried craint de s'être encore trompé dans ses paroles. Mais Wanterglanz commence à s'agiter, à hennir, à piétiner le sol, à tourner en rond, à tirer sur sa longe. Puis, derrière lui, Siegfried entend un sifflement. Il se retourne, et il voit une fumée noire et grise qui se matérialise, puis un éclair rouge, et il voit enfin celui qu'il est venu chercher.
- Tu m'as appelé, comte Siegfried ? Me voici !
Musique : DISTANT DIMENSIONS*
Crédit images : toutes les images publiées dans cette Creative Room sont mes créations personnelles assistées par IA sur Fotor.com, retouchées sur Microsoft Photos