

Chapitre 13 : Le vaisseau pirate
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Chapitre 13 : Le vaisseau pirate
À peine assise, elle se décide à ne pas laisser le silence s’installer et tourne la tête vers un Gaël renfrogné. Juliette raconte sa semaine, cet univers tellement particulier, pourtant si intrinsèquement familier et son envie d’embarquer sur ce bateau-pirate de l’éducation nationale. Du coin de l’œil, elle observe Gaël et voit les jointures de ses phalanges blanchir sous la crispation de ses doigts sur le volant. Elle sent pointer l’orage, et regarde la pluie s’écraser sur le pare-brise entre les pas chassés des essuie-glaces, mais offre son visage au vent qui tourne aussi dans l’habitacle. Il ne parle plus, il siffle, sentant sans doute sa dulcinée lui échapper. La colère monte, il s’oppose à sa décision, il ne veut pas, non vraiment ! C’est une histoire insensée, elle n’aura jamais le bac dans ces conditions, dans ce lycée de junkies, tous des paumés… Etc…Juliette voit rouge à son tour, ne comprenant pas, que son amoureux ne veuille pas le meilleur pour celle qu’il prétend aimer et ne l’encourage pas à s’élever sans s’enfermer dans une vie qui n’est pas la sienne. Elle devient cinglante, cassante, et lui balance frustration et mépris à la face.
Gaël fait une embardée sur la 4 voie, s’arrête sur la bande d’arrêt d’urgence et lui intime l’ordre de descendre de la bagnole. Juliette, qui ne courbe jamais l’échine, lui jette un regard haineux et claque les portières de la place du mort puis du coffre où elle récupère son énorme sac. Il démarre en trombe et file à l’horizon. Juliette fulmine, hurle et finit par tendre le pouce en espérant qu’une bonne âme s’arrêtera rapidement.
Il tombe des cordes et les chances de survie sur autoroute ou assimilé pour un auto-stoppeur sont assez réduites, elle le sait. Au bout de quelques minutes à peine, un type s’arrête, s’étonnant de voir cette fille, douchée par les cieux à un embranchement de la voie rapide.
Elle brode une histoire de souci de voiture pour cacher le pathétique de la situation et lui demande de la ramener à St Nazaire. Gentleman, il fait demi-tour à la sortie suivante et la dépose devant l’immeuble d’un de ses nouveaux amis, Arthur. Il habite seul dans son propre appart', ce qui est rarissime chez les élèves du Lycée expé' qui vivent généralement en communauté. Elle pense qu’elle sera tranquille chez lui pour se poser, réfléchir à la suite, et puis elle se sent en confiance ; il préfère les garçons, il n’y aura pas d’ambiguïté. Mais lorsqu’elle toque enfin à la porte, trempée jusqu’aux os, les cheveux encore ruisselants, le visage certainement zébré de maquillage non-waterproof, s’attendant déjà à voir le visage réconfortant de son nouveau pote, elle se retrouve nez à nez avec l’antinomie physique d’Arthur.
Un type, la peau ébène, les cheveux blonds décolorés, tressés en dreadlocks, peut-être un tout petit plus âgé qu’eux, de quelques années à peine, 19 ans tout au plus.
Il porte un baggy en jean et ouvre en chaussettes, en propriétaire des lieux.
Un instant, Juliette pense s’être trompée de porte, recule d’un pas pour vérifier.
“ J’ai dû me tromper d’adresse…Pfffff ! En même temps, tout se ressemble dans ce bled merdique !”
Tremblante de froid, elle hisse la bandoulière de son sac bordeaux sur une épaule et s’apprête à partir vers où elle ne le sait pas encore.
Le type rigole, dévoilant un large sourire aux dents rendues encore plus éclatantes par sa couleur d’épiderme, lui tend la main, pour prendre son sac et lui dit :
“T’inquiète, si tu cherches Arthur, c’est bien ici, je suis là pour l’aider à préparer la soirée “
C’est vrai ! Merde…râle-t 'elle intérieurement, avec tout ça, elle avait complétement oublié cette foutue soirée. Il en avait parlé pour l’inviter ; mais comme elle devait rentrer à Angers, ça lui était sorti de la tête. À cet instant, elle voudraait être ailleurs, planquée dans un terrier, ne voir personne, ne pas discuter et faire semblant d’apprécier la musique ou les conversations. Gaël, son Gaël l’avait laissée en plan sous l’averse, au bord de la route. Il ne voulait pas qu’elle reprenne le lycée, il voulait une femme et pas une lycéenne qui se cherche sans se trouver. Elle aurait encore préféré une gifle plutôt que ses mots butés, claquants et sa voiture qui accélère sans faire demi-tour, avec lui comme seul passager.
Arthur arrive, un tablier (oublié par Juliette !) noué à la taille. Il regarde ses yeux, son mascara qui a coulé et semble lire dans ses pupilles, il s’approche et la prend dans ses bras fins et tentaculaires.
- Ça me fait plaisir que tu sois là, ma Juliette, tu prendras mon lit ce soir…
Elle se réchauffe dans la chaleur de sa fraternelle étreinte et une tasse de Rooibos et éprouve surtout, envers lui, une grande reconnaissance de taire le drame qu’il devine devant cet inconnu presque goguenard. Toute la soirée, elle
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