Ça y est le dernier jour des tests est là (je vous invite à lire les textes Avant le noir complet, Inné ou acquis, Doute exclusion et loyauté, afin de mieux comprendre ce qui suis), après le plus dur sera d’attendre, heureusement c’est 3 semaines plus tard. J’ai beaucoup de mal à m’y rendre, je me sens fatiguée, les jambes en coton, je me traîne pour y aller. Dans le tram, je ne suis pas très bien, j’ai quelques palpitations et je souffle. Ce genre de baisse physique a tendance à m’angoisser, j’ai toujours l’impression que je vais faire un malaise. Le temps de trajet n’est pas long, je me ressaisis et me dis qu'une fois arrivée, au moins je serais à l’hôpital, s’il m’arrive quelque chose, je serais au bon endroit. Avant mon rendez-vous il faut que je passe par le bureau des entrées qui n’est pas du tout au même endroit. Je marche tel un zombie, l’air frais du mois de novembre me fait du bien. Une fois mon papier en main, je me dirige vers le CRA (Centre Ressource Autisme).

Depuis le 1er rendez-vous je passe par le parking et je fais tout le tour. J’ai pris cette habitude, c’est plus long mais je connais le chemin et je sais combien de temps il me faut.

Lors du 1er rendez-vous, j’avais demandé à la secrétaire des entrées comment m’y rendre, car je me doutais qu’il devait y avoir plus simple, elle m’avait dit « en sortant vous prenez à droite, puis vous allez tout droit, ensuite vous prenez à gauche, vous ressortez et ça sera plus loin sur votre droite » Ok c’est parti, je sors du bureau et là, là je bloque, elle m’a dit « en sortant à droite », d’accord mais en sortant d’où ? du bureau ? du bâtiment ? Je fais quelques pas à droite, je vois une salle d’attente, je vais sur la gauche, je me retrouve dans le hall. Je suis déjà perdue, pourquoi elle ne m’a pas donné plus de précisions, c’est vaste « en sortant ». Je ressort du bâtiment et à droite il y a des escaliers qui mènent dans un autre bâtiment. Elle ne m’a pas parlé d’escaliers. Ok, je stoppe tout, je reprends la direction du parking, le traverse, je passe devant la bibliothèque universitaire du CHU, puis devant l’internat, j’arrive sur un petit parking et au loin le bâtiment du CRA. Je ferais donc 10 mn de marche pour chaque rendez-vous. Alors 10 mn ce n’est pas grand-chose dit comme ça, mais avec ma tête de déterrée et mes jambes qui flageolent je trouve ça interminable. Je dors mal depuis quelques semaines, les rendez-vous me remuent un peu et l’ambiance au travail est pour moi source d’angoisse et je ne me sens plus à ma place.

Je monte les deux étages et patiente dans la salle d’attente, sur la même chaise bleue, la deuxième en entrant. Il y a 6 chaises, 3 noires et 3 bleues, une petite table avec des crayons et des feuilles, quelques livres pour enfant et des dessins accrochés. Le psychiatre a un peu de retard. 15 mn après il arrive, me fait entrer dans le bureau, il y a un étudiant qui est là pour observer. Nous commençons l’entretien et quelques minutes plus tard, une autre personne entre dans le bureau, c’est la jeune fille qui était là lors de mes tests avec la psychologue et qui me filmait. Je la connais et ça ne me dérange pas, en revanche l’autre étudiant à l’air de s’ennuyer ferme et je me demande ce qu’il fait là.

1h30 plus tard, je ressors et me dirige vers la sortie. Ça y est c’est terminé. Je suis épuisée par cet entretien. Je rallume mon téléphone et une collègue m’a laissé un message pour savoir si je veux venir déjeuner avec elle et un ancien collègue, parti il y a 3 ans. Ça me fait plaisir qu’elle ait pensé à moi, malheureusement je suis tellement usée que je sais que je n’apprécierais pas ce repas. Du monde, du bruit, de la fatigue, le cocktail idéal pour me faire angoisser, encore plus depuis que j’ai failli mourir étouffer au restaurant en 2005. Merci Henry Judah Heimlich. Je l’appelle et décline l’invitation, elle est au courant des tests que je passe et comprend bien. Je rentre chez moi, je m’affale dans le canapé et j’attends. Je me remémore ces dernières semaines, j’essaie de faire le point et d’être objective sur le diagnostic qui sera posé. Que je sois autiste ou pas. J’en viens à la conclusion suivante « si je ne suis pas autiste Asperger (ou de haut niveau depuis la dernière dénomination, c’est-à-dire sans déficience intellectuelle), qu’est-ce que j’ai ? Bipolaire ? Borderline ? Dépressive ? Ou juste Surdouée ? »

dessin : moi-même (Anne-Sophie Campenon)