Partie 2 : La remise en question - Chap. 5 : Les espèces invasives
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Partie 2 : La remise en question - Chap. 5 : Les espèces invasives
Les agents pathogènes ne sont pas les seuls passagers clandestins que les voyageurs transportent sciemment ou à leur insu dans leurs bagages.
Des espèces animales ou végétales tout ce qu'il y a apparemment de plus banal sous leurs cieux d'origine ont fait plus d'une fois le voyage avec les humains (ou parfois avec des animaux migrateurs, oiseaux ou grands troupeaux).
Certaines se sont acclimatées, d'autres non, et quand elles l'ont fait, heureusement, la plupart du temps, ça s'est bien passé et les effets se sont révélés positifs : elles ont eu une utilité pour l'être humain en tant que nourriture (on pense à la pomme de terre ou à la tomate), plante médicinale (ici, c'est à l'armoise que l'on pense) ou décorative (ici, c'est au cerisier du Japon), et elles ont trouvé leur place dans le biotope ambiant, sans se faire éliminer par les autres espèces mais sans non plus y prendre toute la place. Et ne parlons pas des différentes espèces d'animaux domestiques (qui, d'ailleurs, traditionnellement, résultent de croisements).
Mais parfois, les choses ne se passent pas aussi bien. Le premier exemple qui me vient en tête est celui des lapins que les colons des dix-huitième et dix-neuvième siècles ont amené avec eux d'Europe en Australie. En Europe, le lapin ne pose aucun problème et les fermiers en font l'élevage depuis très longtemps. Seulement voilà : en Europe, lapins et lièvres ont des prédateurs naturels qui limitent leur population. Or en Australie, les lapins importés d'Europe, qui n'y ont plus leurs prédateurs naturels ni les agents pathogènes habituels, prolifèrent librement sans aucune contrainte et en deviennent de véritables ravageurs et un vrai problème environnemental.
La même chose est redoutée en mer Méditerranée, de manière involontaire cette fois-ci. On a déjà pu remarquer que certaines espèces de scorpions, par exemple, faisaient un demi-tour du monde en s'accrochant à la coque des bateaux. Ils ne sont pas les seuls à le faire : des espèces marines telles que les poissons, les méduses, les mollusques font de même, et parmi elles, certaines s'acclimatent à la Méditerranée - d'autant plus facilement avec le réchauffement climatique - pour y devenir le prédateur dominant dans leur chaîne alimentaire, ou pour s'approprier une large partie de ressources alimentaires qui ne sont alors plus disponibles pour les espèces autochtones, et remettent ainsi en question le fragile équilibre de tout un écosystème. Le cas du crabe bleu nord-américain en est un bel exemple.
Certes, les voyages par bateau ne datent pas d'aujourd'hui, et d'ailleurs il existe aussi des poissons migrateurs qui donnent lieu au même genre de phénomène en jouant un rôle analogue à celui des bateaux, mais force est de reconnaître qu'avec la mondialisation des échanges commerciaux comme touristiques, la circulation marine et océanique a littéralement explosé... et avec elle le phénomène des espèces invasives. Même si, disons-le aussi, le changement climatique n'aide pas vraiment non plus à limiter les dégâts.
Crédit image : © Laurent Salles