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Glass (M. Night Shyamalan, 2019)

Glass (M. Night Shyamalan, 2019)

Published Feb 28, 2021 Updated Feb 28, 2021 Culture
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Glass (M. Night Shyamalan, 2019)

Si je suis globalement rétive aux films de super-héros (il y a tout de même des exceptions en ce qui concerne Batman et Spiderman), j'aime beaucoup en revanche les œuvres qui interrogent leur univers. J'avais été par exemple impressionnée par les sculptures en lego que Nathan Sawaya avait consacré aux héros de DC Comics avec notamment une vision angoissante d'un Superman se retrouvant emmuré dans sa propre cape. C'est dans cette même veine que se situe "Glass", troisième volet d'une trilogie qui effectue la jonction entre "Incassable" (2000) et "Split" (2016). En effet le titre, "Glass" va au delà du nom du personnage interprété par Samuel L. JACKSON. Il illustre de manière troublante la célèbre phrase de Jean COCTEAU extraite du film "Le Sang d un poète (1930)", "Les miroirs feraient bien de réfléchir un peu plus avant de renvoyer les images" ^^. D'abord parce qu'il s'agit d'un film de réflexion et non d'action privilégiant la fixité sur le mouvement. Les combats sont par exemple systématiquement avortés, celui de la fin dans la tour d'Osaka étant purement et simplement escamoté. Sa surface vitrée ne réfléchit donc que le vide, omniprésent dans l'ensemble du film. Cette manière de déjouer les attentes du spectateur interroge aussi bien l'identité du super-héros que sa place dans le monde. M. Night SHYAMALAN souligne le même paradoxe que Brad BIRD. Omniprésents dans la culture populaire américaine depuis les années 30, les super-héros sont invisibles dans la réalité (d'où le fait qu'elle ne reflète que le vide, le film de M. Night SHYAMALAN se plaçant délibérément dans un registre réaliste). Est-ce la preuve définitive que les super-héros ne sont qu'un mythe et que leurs supporters ont tort d'y croire ou est-ce parce qu'ils n'ont pas le droit d'exister tels qu'ils sont réellement? Dans "Les Indestructibles" (2004), leur intégration se fait au prix de la dissimulation de leur véritable identité. Dans "Glass", ils sont enfermés à l'asile (ce qui implique qu'il sont considérés comme des malades) dans ce qui est une très intéressante relecture de "Vol au-dessus d un nid de coucou" (1975) (et d'une partie de "L Armée des douze singes" (1995) dans lequel jouait Bruce WILLIS et qui était également un hommage au film de Milos FORMAN). Le docteur Ellie Staple (Sarah PAULSON) est une nouvelle Miss Ratched dont la douceur apparente dissimule les noirs desseins éradicateurs. Se situant dans le registre de la manipulation, elle ne cesse de faire douter d'eux-mêmes les trois hommes qu'elle doit "traiter" pour les détruire de l'intérieur et l'opération projetée sur Elijah (le cerveau du trio tout aussi manipulateur qu'elle) est un avatar de la lobotomie subie par McMurphy avec lequel elle est engagée dans une véritable lutte de pouvoir. On apprécie d'autant plus le twist final qui illustre parfaitement la phrase de Cocteau, la faille du dispositif de surveillance résidant justement dans le fait d'enregistrer des images qui non réfléchies (par les gardes-chiourmes de la normalité) peuvent échapper à leur contrôle et servir de "preuve" (même si ce ne sont que des images et non la réalité, la confusion est inévitable: "c'est vrai, je l'ai vu" ^^).

"Glass" a également un autre sens intéressant. Il renvoie à la vulnérabilité de super-héros que l'on croit à tort invincibles. Cet aspect renvoie à la mythologie grecque, plus précisément à Achille, le héros de la guerre de Troie. Sa mère l'a plongé bébé dans le Styx, l'un des fleuves des Enfers, pour que son corps devienne invulnérable ; mais son talon, par lequel le tient Thétis, n'est pas trempé dans le fleuve et reste celui d'un mortel. Par conséquent il meurt d'une flèche plantée dans le talon. Chacun des trois super-héros de "Glass" possède ainsi une faiblesse qui lui est fatale. David Dunn alias "L'Homme incassable" ou le "Superviseur" (Bruce WILLIS) est hydrophobe, Elijah Price alias M. Glass (Samuel L. JACKSON) souffre de la maladie des os de verre et la Bête alias Kevin Wendell Crumb alias les 22 autres personnalités de sa "Horde" (James McAVOY) lorsqu'elle est ramenée à sa condition humaine ne survit pas aux balles dans le corps. Car entre la bête et le surhomme, ces personnages sont avant tout des hommes et c'est cette dimension humaine qui les rend vulnérables. Elle passe par l'emprise du temps (géniaux flashbacks sur des scènes coupées de "Incassable" (2000) qui témoignent du vieillissement de Bruce WILLIS et de Spencer TREAT CLARK qui joue son fils), les traumatismes de l'enfance (à l'origine de l'hydrophobie de David alors que Elijah résiste à sa lobotomie en se remémorant une scène où enfant il s'est blessé en faisant un tour de manège à sensations, deux scènes de flashbacks également coupées du film "Incassable" (2000) alors que Kevin et Casey partagent des souvenirs indélébiles de maltraitances infligées par un de leurs parents) et enfin l'amour pour les êtres chers (la mère pour Elijah, le fils pour David et Casey pour Kevin, son contact étant le seul moyen de lui rendre son humanité). En les rendant humains trop humains, c'est au final notre propre humanité que M. Night SHYAMALAN interroge.

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