Les modifications de l’aspect de la langue ou les douleurs linguales font l’objet d’un nombre croissant de consultations. Le sujet est vaste !

Pas une semaine sans que nous voyions des hommes ou des femmes inquiets par la couleur ou l’aspect de leur langue, par les « boules » apparues au fond quand ils la tirent, par les brûlures ou les douleurs qui ne cessent pas…

Même pour le spécialiste, ce n’est pas toujours simple, tant elle peut prendre tous les aspects et parfois cacher une affection grave.

Schématiquement :

   -   Les langues qui ont perdu leur belle couleur rose - la couleur de la langue des bébés - ne nécessitent pas, en règle, de s’alarmer. On trouve de tout dans les couleurs : de la langue chargée, blanchâtre, saburrale, qui peut-être concomitante d’un état fébrile à la langue chevelue ou langue noire, colorée bien souvent par les colorants alimentaires et le tabac, mais qui peut prendre toutes les couleurs sans oublier le bleu… non pas de la schtroumpfette, mais du bleu de méthylène –vieux remède de grand-mère pour les gargarismes et qui garde ses adeptes. Un vigoureux brossage, un arrêt du tabac, voire de l’alcool, des bains de bouche (un mélange de bicarbonate et d’eau oxygénée en bains de bouche dans un verre d’eau marche bien) suffit à rendre ce muscle qui fait beaucoup parler de lui, plus présentable.

   -     Les langues qui n’ont plus le même aspect…

Certains patients s’aperçoivent un jour que les bords de leur langue gardent les empreintes du relief de leurs dents. La langue, parfois pour une raison pathologique (problème thyroïdien notamment) grossit en réalisant ce « moule des dents » évoquant un napperon en dentelle festonnée. Le traitement de la cause normalise son aspect.

Ailleurs la langue est marquée de plis plus ou moins profonds (langue plicaturée). Si l’on élimine certaines maladies, notamment génétiques, connues à la naissance, elles n’ont pas de signification pathologique, ne nécessitent pas de traitement et restent, pour l’instant, de cause inconnue.

 -     Les langues qui font mal…

Il peut s’agir de brûlures, parfois associées à une rougeur objective de la gorge, notamment dans sa partie postérieure pouvant révéler un reflux de l’estomac, l’acide gastrique venant baigner cette région qui n’est pas préparée à cette décharge d’acide et ça brûle…

Il peut s’agir de douleurs chroniques de la langue et de la bouche sans la moindre modification clinique, pouvant prédominer en fin de journée, mais ne gênant ni le sommeil ni le manger (glossodynie). Les patients concernés restent plus souvent des femmes que des hommes, de la soixantaine et cancérophobes qui passent d’un médecin à l’autre… Une information pédagogique, une prise en charge par différents spécialistes (traitement comportemental et cognitif, relaxation) s’avèrent souvent nécessaires.

Il peut également s’avérer que la langue est uniformément enflammée et douloureuse, parfois gonflée, voire uniformément lisse comme brûlée et dépapillée. Elle prend le nom de glossite c’est-à-dire inflammation de la langue dont les causes, là encore, ne sont pas univoques. La plus commune reste la glossite de Hunter qui témoigne d’une carence en Vitamine B12 par malabsorption intestinale. Le traitement de la carence suffira à guérir cette glossite. Très caractéristique également la glossite exfoliatrice marginée ou langue géographique d’origine auto immune souvent considérée à tort comme une candidose buccale et dont il n’existe pas de traitement spécifique, douloureuse, surtout à l’ingestion de liquide acide, durant les périodes de glossites. On en rapprochera les glossites losangiques médianes.

  -    Une tuméfaction apparue progressivement  (ou pas)…

Tout est possible dans ce cas et l’avis spécialisé est indispensable d’autant plus que le patient n’est plus tout jeune, soigne mal ses dents, boit et fume plus que de raison…

Le patient peut être jeune cependant et l’apparition de cette tuméfaction peut évoquer d’autres pathologies qu’il est impossible de détailler ou de résumer.

Attention toutefois à ne pas confondre tumeurs avec papilles caliciformes – autrement dit les grosses papilles du goût – tout en arrière de la langue, au nombre d’une dizaine et disposées en V dont la médiane est la plus visible et qui effraient bon nombre de patients qui s’inspectent chaque matin.

Récemment encore une patiente venue me voir après de multiples prélèvements de gorge et traitements antibiotiques, sans oublier un traitement anti mycosique par un collègue, pour ces boules au fond de la gorge, traînant depuis plus d’un an. Excédée et inquiète, elle réclamait que je l’en délivre en l’opérant.  

Ils viennent, de temps à autre nous voir, parfois en catastrophe, pour nous annoncer qu’ils ont une tumeur dans la bouche qui leur fait terriblement mal et nous montrent l’objet du délit en tirant à deux mains ce muscle puissant, récalcitrant, qui n’a nulle envie de se laisser faire, laissant apparaître cette papille caliciforme médiane bien banale…

 -    Les autres langues…

Les amygdales palatines, ces coucous rouges et bilatéraux de part et d’autre de la langue mobile sont parfois source de consultation chez nos patients cancérophobes et, pour peu qu’elles soient asymétriques, elles suscitent alors la plus grande inquiétude. Nous sommes là pour rassurer ces patients, sans perdre de vue qu’une asymétrie notable avec gêne récente du même côté impose par précaution une biopsie de cette fameuse amygdale.

Cette énumération ne constitue qu’un tout petit aperçu de la pathologie linguale.

Il faut prendre conscience que beaucoup de langues ne sont pas anormales, mais que toute modification qui perdure DOIT  pousser le patient à consulter.

Chaque cas et chaque langue sont uniques et mieux vaut toujours consulter tôt que tard, même pour rien.

J’ai tourné sept fois ma langue dans la bouche avant d’aborder ce chapitre, difficile et j’espère qu’il ne me sera pas fait reproche de manier la langue de bois…

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