Chapitre 24 - La musique céleste
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Chapitre 24 - La musique céleste
La vie dans le nouveau monastère comble toutes les attentes de Hildegarde. Outre les novices qui la comblent de bonheur tant elles font preuve de créativité, son drame musical, “Ordo Virtutum” connaît un vif succès dans l’empire germanique et même au-delà. Lors d’une de ses visites, son frère, Hugo, est emporté par cette pièce musicale allégorique. Hildegarde accepte de lui fournir une copie de ses partitions. Fort de ses relations, l’œuvre de Hildegarde est bientôt jouée par les moines de l’Abbaye de Cluny. Mais c’est en Champagne que ses talents sont reconnus et adulés. Hildegarde est invitée à découvrir sa musique jouée par les plus belles voix au sein même de la Cathédrale de Reims.
Poussée par cette renommée inattendue, Hildegarde compose un ensemble musical qui transcende tout ce qu’elle a déjà pu créer. “Symphonia armonie celestium revelationum” (Symphonie de l’harmonie des révélations célestes) est un recueil de chants liturgiques et de mélodies qui traduisent sa vision du monde naturel et spirituel. La première représentation publique de cette œuvre est jouée dans la Cathédrale de Mayence. Dans le public, Hildegarde ne sait pas qu’un de ses plus fervents admirateurs a affronté pendant trois semaines les frimas de l’hiver pour assister à cet événement.
Fin lettré et mécène des arts, l’Abbé de Saint-Denis,Suger, a lu tous les écrits de Hildegarde. “Ordo Virtutum” l’inspire et il est convaincu d’entendre là une musique qui révolutionne son époque. Séduit par de tels talents artistiques, il a décidé d’accompagner Frère Hugo pour découvrir la dernière composition de sa sœur.
Comme la majorité des invités, l’Abbé Suger tremble. Dès les premières notes, les voix mélodieuses des moniales l’enveloppent dans une atmosphère quasi mystique. Il est happé par ces textures vocales fluides qui s’entremêlent avec grâce, créant une trame sonore d’une grande pureté et sérénité. Les lignes mélodiques semblent flotter, presque suspendues dans un temps immuable. Les paroles en latin aux accents psalmodiés plongent tout l’auditoire dans une transe méditative apaisante. Les chants a capella aux ornementations raffinées évoquent des visions célestes. Hildegarde dit avoir été inspirée par Dieu, mais c’est bien Nunael qui lui a murmuré les notes principales.
Alors que les chants se terminent, le public reste immobile. Les âmes semblent s’être envolées dans les cieux, délaissant ainsi les tourments des frêles humains.
Autrefois reconnue en tant que guérisseuse, puis en tant que théologienne, Hildegarde de Bingen est désormais renommée dans toute l’Europe pour son talent de compositrice. Sa musique, empreinte de sa foi profonde et de ses visions mystiques, touche profondément le cœur et l’âme de ceux qui l’écoutent, laissant une marque indélébile dans le domaine de la musique sacrée.