Nuit d'Halloween
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Nuit d'Halloween
Quelle tristesse que celle de ce mois d’octobre-là ! Seul face à la fenêtre, je contemplais les lumières de la ville, emmitouflé dans mon peignoir, les mains autour d’une tasse de thé pour tenter de me réchauffer. Dire qu’avant de m’expatrier dans le Vaucluse, je sortais en bras de chemise par ce genre de températures. A ce rythme, je finirai par mettre un G à la fin de “pain” et de “coin”. Enfin, peu importe puisqu’on nous interdisait de sortir…
Mise à disposition de l'image par Panodyssey à l'occasion de ... Grrrr !
Je repensais au héros de mon roman. A quelques détails près, la scène était la même. Sauf que je savais bien qu’à la fin du chapitre, mon appartement n’allait pas être soufflé par un fichu engin explosif. Au loin, j’entendais l’appel des papillotes au chocolat tandis qu’un monstre bleu se mettait à faire “Nomnomnomnom !” dans ma tête. Celles au chocolat de Madagascar sont mes préférées. Faisant fi de tous les signaux d’alerte envoyés par ma thyroïde, je me dirigeai donc vers la cuisine. Non pas pour refaire l’appoint de boisson chaude mais pour jouer mon rôle de prédateur de papillotes.
Pourtant, je le sais. Quand tu vas dans la cuisine la nuit, après avoir regardé par la baie vitrée, il t’arrive un truc. Mais non. Comme d’autres avant moi, je suis allé dans la cuisine.
Je connais peu de plaisirs dans la vie tels que celui de manger une papillote tranquille, à l’abri des coups de sonnettes de nos petits voisins en pleine récolte d’Halloween. Savoir prendre le bon côté, même des mesures les plus iniques, c’est tout un art. Et je savourais cet instant, tout en sachant qu’elle avait entendu le bruit de l’emballage brillant lorsqu’il libéra son contenu en chocolat.
Elle. Elle n’avait rien dit cette foi. J’entendis quand même la remarque. En principe, elle dormait. Mais sait-on jamais. A tout moment, elle est susceptible de m’agripper et de me faire subir les pires tortures. Peu importe la partie de mon petit corps délicat, elle chatouille tout ce qui est chatouillable.
Une papillote en chocolat, ça ce déguste. Si on n’a pas bien senti le goût à la première opération, on peu réitérer à l’aide d’une seconde papillote. C’est devant la baie vitrée que je réitérai en cette nuit d’Halloween. Les lumières de la ville ont quelque chose de fascinant. Parfois, elles m’aident à saisir les idées au vol, telles des papillons égarés dans ce monde de béton. Les excitants aussi, bien qu’on m’ait déjà conseillé d’éviter. Mais c’est comme éviter l’alcool ou les galipettes sous la couette : pas toujours possible.
Bref, je réitérai. Chocolat noir 70% de Madagascar. Quand des bras se refermèrent sur moi. Je frissonnai déjà avant de sentir le bout de son nez froid dans mon cou. Réveillé par le cri des papillotes, le monstre était lâché.
Quatre paires de griffes se plantèrent dans mon dos, suivis de crocs dans mon épaule. Quelle terrible douleur !
Que faire ? Lui balancer mon thé chaud à la figure ? Elle recula. Se recroquevilla, le visage caché dans ses mains. Ses sanglots me mirent le doute. Avais-je rêvé ? Je la pris dans mes bras pour me rendre compte que non. Sa mâchoire se referma sur mon cou. L’issue de cette mésaventure ne me semblait pas particulièrement heureuse.
Réveillé en sursaut et en sueur, je trouvai ma dulcinée sagement endormie de son côté. Dans l’appartement, aucun bruit en dehors du tic tac de l’horloge du salon et de la respiration de l’électroménager. Elle grogna un peu en se retournant, comme à chaque fois que je bouge trop. J’allai me rendormir quand un besoin naturel m’incita à me lever. En passant devant la porte d’entrée, j’eu un doute. Un moment de flottement. Marche arrière. Normalement, il y a une porte pile à cet endroit…
Dans mon dos, deux yeux rouges et une gueule pleine de crocs. Le monstre salivait. Des ricanements de hyènes montaient des chambres des filles. Tant pis ! Nous somme au sixième étage mais mon échappatoire sera la fenêtre de la cuisine. Sixième étage ? Plutôt quarante sixième !
Mon Dieu que la chute fut longue ! Blanche-Neige en petite tenue choisissait une robe. Elle avait oublié de tirer les stores. Le Père Noël dans son salon se gavait de chips, une bière à la main. Mike Jagger jouait au Scrabble avec une vieille dame.
Plus que dix huit étages et on n’en parlerait plus. L’atterrissage fut vraiment très douloureux. J’allais garder les yeux fermés jusqu’à ce qu’on me mette dans un sac, direction la chambre froide. Mais point de pompiers, ni de légiste à l’horizon. A la place, le museau froid du chat venait aux nouvelles en ronronnant.
Garder les yeux fermés. Surtout ne pas les ouvrir.
Le chat finit par aller voir autre chose. Je me relevai péniblement. Toujours endormie à en juger par ses ronflements. Direction la cuisine. Je me fis un thé que je bus devant la baie vitrée. Les lumières de la ville étaient rendues floues par la pluie, comme dans mon roman. Le vent me servait son fond sonore habituel.
De l’autre bout de l’appartement, des bruits de petites souris me parvinrent. Les gamines étaient ponctuelles dans leur rendez-vous quotidien avec les premières lueurs de l’aube. Aujourd’hui pas d’école. Elle vont vouloir des dessins-animés. La journée va être longue…
Écrit par Daniel Muriot
Consigne d’Alexandre Leforestier : “Raconte ton histoire et partage ton effroi sur Panodyssey !”
Cover Photo by Andreas Avgousti on Unsplash
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