Célia ressemblait à ces fortifications impénétrables. Nina se sentit électrique de la voir quitter cette table. Avait-elle commis une gaffe ? Aurait-elle été trop brutale dans sa façon de lui avouer son attachement ? Elle n'avait pas fait preuve de beaucoup de tact et trop direct. Nina n'avait pas l'habitude dans ce genre d'exercice. D'habitude, elle ne manquait pas d'imagination galopante. Cependant, c'était différent et spécial pour elle. Nina tournait le couteau dans sa main. Célia avait une carapace depuis sa séparation avec Marc, elle ne voulait plus être prise dans le piège de l'amour. Nina se leva de table avec la détermination de réussir à se déclarer cette fois-ci avec Célia. Elle devra l'écouter sans fuir. Célia était dans la voiture encore perturbée. En voyant la tête de Nina se pointer, Célia était prête à démarrer, mais il était trop tard. Nina s'était déjà installée à côté d'elle.
— Je suis désolée, Célia, je me suis mal prise avec toi.
Un homme cogna à sa fenêtre. Célia ouvrit sa vitre et il s'adressa aux deux jeunes femmes :
— J'ai ma voiture hybride, est en panne, pouvez-vous me déposer chez le garagiste ?
Avec son accent belge très prononcé, Célia ne comprit pas un mot. Il avait une certaine classe et fierté qui se voyait. Célia ne voulut pas le monter dans sa voiture. Elle se tourna vers Nina lui lançait des yeux de détresse pour s'en débarrasser. Célia n'osa pas le contrecarrer. Nina profita de cette perche tendue par Célia. Au lieu de déclarer sa flamme avec des mots d'amour, Nina se rapprocha des lèvres de Célia. Célia voulut reculer, mais Nina l'attira vers elle et lui murmura : je t'aime Célia. Nina l'entoura avec ses bras autour de son cou. Elle embrassa ses lèvres et elle ouvrit sa bouche. Célia ne pouvait plus se débattre et se laissa guider par Nina dans ce baiser fougueux. Le Belge s'exclama :
— Des lesbiennes, c'est bien ma chance !
Il éclata de rire.
Célia l'entendit et se retira des bras de Nina. La remarque la blessa et lui rappela des souvenirs.
— Nina, c'est la deuxième fois que tu me fais le coup ! Tu cherches à tout prix à m'anéantir ! M'humilier et me ridiculiser devant les autres ne t'a pas suffi ! Ne me parle pas d'amour surtout ! Tu m'aimerais vraiment, tu serais plus discrète.
Célia était sur le point de quitter la voiture. Pas question d'accepter ses avances. Cela l’écœurait. Rien qu'à la voir, se sentir ses mains sur elle, elle était dégoûtée. À fleur de peau. Célia ne désirait pas son affection, car à chaque fois, on la trahissait. Ne jamais réveiller les moqueries, le rejet, les menteurs. Célia se méfiait de tout le monde, ne plus s'attacher à quelqu'un. Depuis sa rupture avec Marc, elle devenait un roc où l'on pouvait passer sur elle sans la toucher émotionnellement. Nina n'était pas sans le savoir, elles avaient vécu la même expérience. Célia n'avait pas encore tourné la page sur Marc.
— Je t'assure de ma sincérité envers toi, mes sentiments sont vrais. Tu es la seule personne qui me comprenne et me connaît. Je t'aime plus qu'une amie. J'ai confiance en toi et je ne vois pas être séparé de toi une seconde fois. J'ai eu très mal lorsque tu as coupé les ponts avec moi. Tu m'as manqué. J'étais tellement mal pendant toutes ces années sans toi. Il n'y avait pas un jour sans penser à toi où j'imaginais cette scène où nous serions retrouvées et réconciliées. De toute évidence, tu n'acceptes pas qu'on t'aime. Tu n'as pas changé.
Célia laissa les larmes couler. Nina lui disait une vérité difficile à affronter. Célia ne supportait pas qu'on parle d'elle.
— Tu ne pourras pas me fuir toute ta vie. Il faudrait que tu réussisses à te rencontrer. Aimer les femmes, ce n'est pas un péché mortel.
— Je ne suis pas éprise de toi, en quelle langue dois-je te le dire ! Tu es sourde ou quoi ?
— On vient de s'embrasser et tu ne m'as pas repoussé !
— Tu ne m'as pas laissé le choix comme il y a trois ans. On ne force pas à aimer. À présent, rentre chez toi.