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55. La Légende de Nil. Jean-Marc Ferry. Livre II, L'Utopie de Mohên. Chapitre IX, L'Exode

55. La Légende de Nil. Jean-Marc Ferry. Livre II, L'Utopie de Mohên. Chapitre IX, L'Exode

Published Dec 7, 2023 Updated Dec 7, 2023 Culture
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55. La Légende de Nil. Jean-Marc Ferry. Livre II, L'Utopie de Mohên. Chapitre IX, L'Exode

 

 

Entre la Ligue et l’Union la guerre traînait en longueur sans autre résultat que la ruine des Terres blanches qui en furent le principal théâtre. Ni les Nassugs ni les gens de Mérode n’étaient disposés à s’engager physiquement. Santem avait, sur ses propres fonds, constitué une flotte de Frégates ultra-modernes, afin d’assurer à l’Union le contrôle des mers. C’était à ses yeux une priorité. Il fit déployer cinq navires armés pour bloquer l’Ouest des Welten, là où s’étendent les plaines convoitées par l’ennemi. Cependant, l’Union avait mis en service des canons lasers, avec mission de neutraliser les batteries de mitrailleuses et les drones de combat, particulièrement meurtriers, mais en épargnant les vies humaines, autant que faire se peut. Quant aux hommes des Seltenjœth, ils continuèrent d’aider leurs alliés Tuldîns, au long de la Gunga. Ce n’est toutefois plus Ferghan qui menait les opérations. Il avait passé la main à des compatriotes, pour effectuer de nuit des raids ciblés vers des installations soupçonnées de servir à la construction de missiles et de drones de combat. Doté d’un astronef parfaitement furtif, il se spécialisa dans la destruction d’usines installées en Terres noires.

Les Aspalans des Seltenjœth furent, à vrai dire, les seuls ressortissants de l’Union à s’impliquer sérieusement sur le terrain. On les avait fortement équipés, plus rien à voir avec les armements antérieurs. Ils ne formaient toutefois pas une armée véritable, se relayant plutôt par brigades temporaires de soutien. Cela permit quand même aux Tuldîns de, bon an, mal an, tenir leur territoire. Mais leurs lignes étaient fragiles. En dépit d’une farouche résistance à laquelle prirent part les soldats d’Ulân, elles furent à plusieurs reprises enfoncées par les tirs avancés de l’armée des Terres noires. C’est ce qui détermina Oramûn à préparer son départ pour le lac de Lob.

Il avait dû rentrer un peu précipitamment à Syr-Massoug, car le moment était venu pour Yvi. Le petit Lûndor vit le jour dans les appartements d’Almira et Ols, au palais royal de Syr-Massoug, là où étaient nés les jumeaux, sa cousine Naej et son cousin Âsel. Bien qu’Ygrem eût sans attendre déménagé à Mohên, établi ses bureaux et ses appartements privés dans l’ancien fort réhabilité, Almira n’avait pu, quant à elle, se résigner à quitter Syr-Massoug, malgré la « trahison » de la bourgeoisie. C’est qu’elle aime trop la partie du palais que leur a dévolue le roi, le jardin d’hiver, le parc avec ses allées d’arbres pluricentenaires dont certains ont passé trois mille ans d’âge. Dans ce lieu idyllique sont nés ses deux amours. C’est là qu’elle partage le bonheur avec Ols. Ayant aménagé un espace pour son frère et sa belle-sœur, elle insista beaucoup auprès d’Yvi pour qu’elle s’y installe, en attente de l’accouchement. Les jeunes femmes se lièrent ainsi l’une à l’autre d’amitié solide.

Oramûn se fit débarquer avec Yvi et Lûndor sur les côtes du pays Olghod. La petite famille était partie du nouveau port de Syr-Massoug sur l’une des Frégates militaires venant grossir la flotte chargée de garder le rivage marin, à l’Ouest des Welten. Une fois de plus, Santem a été bien avisé de faire bloquer l’accès aux plaines fertiles par les forces navales de l’Union. La nouvelle République des Terres noires ne songeait pas à la reddition. Mais combien de temps pourrait-elle éviter la crise alimentaire ? Oramûn a cependant le souci de pourvoir aux approvisionnements en nourriture des peuples de Asse-Halanën et des Olghods en particulier. Il fit décharger seize caisses de blé et quatre caisses de viande séchée sur la côte. Grâce à son aéroglisseur il put rapidement contacter le village ami. Avec son épouse et son fils ils firent une entrée sensationnelle. Tous les villageois s’étaient rassemblés autour d’eux, les femmes demandant à Yvi la permission de porter le petit Lûndor. Jusqu’aux fillettes qui exigeaient leur tour, elles se passèrent l’enfant de bras en bras, s’écriant qu’il ne leur a de leur vie jamais été donné de voir un si beau nourrisson. Oramûn mit à profit cette captation d’intérêt pour se retirer avec des hommes du village, afin de recueillir des nouvelles.

Il commença par annoncer la sienne : l’arrivée de caisses de blé et de viande séchée. Il pria les Anciens de procéder à une répartition des vivres entre les communautés de la région. Les hommes lui apprirent que beaucoup des leurs sont partis en expédition dans les montagnes. Leur objectif : empêcher l’ennemi de prendre les Tuldîns à revers. Des brigades de mercenaires auraient tenté de traverser le territoire des Olghods pour gagner les Welten par le Sud, les traverser d’Est en Ouest et remonter au Nord. À moins qu’ils n’aient eu l’intention de poursuivre vers les plaines fertiles pour y installer une force d’occupation… Jusqu’à présent, ces tentatives avaient échoué. La modestie retint les villageois de préciser que c’est grâce à leur vigilance ainsi qu’à leur bravoure.

Yvi et Oramûn furent conviés au banquet du soir, réunissant des invités de plusieurs villages. Les plats étaient posés à-même le sol. Se jouxtaient plusieurs cercles d’une quinzaine de convives chacun. Avant le repas, ainsi que le veut la coutume, ceux-ci couraient autour des cercles en chantant :

 « Mets ton cœur à t’enivrer jusqu’au jour où viendra la paix dans le séjour du silence ! ».

Après les repas, le couple se retira dans la tente apprêtée à son intention. Oramûn rapporta à son épouse ce qu’il vient d’apprendre des hommes. Il craint une offensive terrestre à travers les Welten. Deux possibilités se profilent. Aucune n’est plus réjouissante que l’autre : soit les nationalistes veulent prendre les Tuldîns à revers, soit ils comptent installer une force d’occupation des plaines fertiles, au Sud-Ouest des Welten.

— Dans les deux cas, Yvi, il nous faut décider maintenant : nous rendre au lac pour emmener les jeunes Djaghats loin des conflits, dans la région indiquée par Lob-Âsel-Ram ? Ou donner la priorité à un débarquement des forces de l’Union dans la région des plaines fertiles ? Auquel cas, mieux vaudrait que nous nous rendions à Mérov ?

Pourquoi Mérov ? — Parce que c’est là, dans la capitale de l’Archipel, que de fait se prennent maintenant les décisions stratégiques. Syr-Massoug n’est plus assez sûre, étant sous influence des entreprises de la Ligue, tandis que la nouvelle ville royale, Mohên, située tout au Nord-Est des Terres bleues, est trop éloignée du théâtre des opérations. Santem a établi son quartier général dans la maison familiale, à proximité de Mérov où ses conseillers se sont installés, de même que l’état-major militaire. Ygrem avait donné carte blanche à son ami pour diriger les opérations :

— Santem, mon vieil ami, je sais voir mes limites. J’ai pu par deux fois repousser l’Aspalan, dans le passé. Mais, la troisième fois, c’est déjà grâce à ton initiative que l’envahisseur fut réduit. Ma seule force en matière militaire tenait à la cohésion de la nation, à la loyauté dont m’honoraient mes compatriotes. Sans cette cohésion, sans cette loyauté, je perds confiance. Enfin, je suis bien loin de posséder ton sens stratégique. Or, l’heure est trop grave pour que, par vanité, je me tienne à la tête des opérations. Crois-moi, Santem, en dépit de l’apparence, c’est le sens des responsabilités qui m’invite à souhaiter que tu tiennes les rênes. Je te le demande instamment : adopte toute décision que tu jugeras devoir prendre en la situation !

Par tempérament, Santem a jusqu’alors choisi de se tenir à quelque distance de la scène politique. Il préfère suggérer des coups, plutôt que d’être directement acteur du jeu, en fût-il le principal. Mais le conflit s’enlise. Il faut y mettre un terme. Santem accepta de prendre la relève de pouvoir que lui offrait le roi, mais à une condition : qu’aucune déclaration ne vînt officialiser la décision.

Cependant, Yvi ne veut pas retourner à Mérov. Les raisons, dans son esprit, n’en sont pas claires. Elles sont surtout diverses, sans autre rapport entre elles qu’une appréhension diffuse de la jeune femme. Yvi ne tient pas à se trouver immergée dans la famille de Santem, car, pense-t-elle, Lûndor ne sera plus vraiment à elle, ni même son mari. Bien qu’elle n’ait pas gagné l’Archipel, la guerre est aux portes de la Grande Île de Mérode. C’est comme si elle jetait son venin à travers les peuples. Comment la société, toute la société, Terres blanches, Terres noires, Terres bleues, Mérode, n’en serait-elle pas ébranlée dans ses fondations ! Yvi veut en protéger son fils, qu’il puisse se développer dans un monde de paix et de beauté, loin du bruit et des fureurs. Aussi est-elle décidée à convaincre son mari :

— Oramûn, mon chéri, il te suffit d’envoyer un message à ton père. Tu n’as pas besoin de te rendre à Mérov pour lui expliquer la situation.

— Il peut avoir besoin de moi. Songe, Yvi, que, si nous emmenons les jeunes Djaghats jusqu’à cette Terre inconnue ; si, de plus, nous devons les y installer convenablement, de sorte qu’ils puissent fonder une colonie viable, qui sait combien de temps sera nécessaire ? Beaucoup, sans doute. Durant tout ce temps, Lûndor sera séparé de ses cousins, coupé de la société. Probablement n’aurait-il aucun enfant de son âge pour camarade de jeu. Yvi, c’est vraiment une aventure.

La jeune femme ne pouvait que prendre en compte les objections d’Oramûn.

— Au moins, rendons-nous au lac. Allons voir Lob.  Alors, nous verrons plus clair.

Oramûn hésite encore. La décision est si lourde de conséquences… Yvi fit valoir un argument pratique :

— Nous sommes à peine à trois jours du lac. Si maintenant nous allons voir ton père, quand verrons-nous Lob ? Quand viendrons-nous en aide aux jeunes qui nous attendent ? Ils comptent sur nous. A Mérov, tu seras pris dans le tourbillon du conflit. Crois-tu que ton père ne sache se débrouiller seul ?

— D’accord, Yvi. Mais, tu l’as compris, nous serons tout à fait isolés. Aucune liaison téléphonique ou autre ne sera possible. Ici, déjà, nous sommes à la limite…

— J’ai compris, Oramûn. J’essaie de bien mesurer les conséquences : pour les tiens, à Mérov, pour toi, pour Lûndor, bien sûr. Je considère en même temps les attentes, du côté de ces orphelins. Et puis, je fais confiance à la clairvoyance de Lob. Il nous a désignés pour une mission… Encore une fois, je t’en prie, allons au moins le voir !

Oramûn aurait aimé laisser la nuit porter conseil. Mais sans une réponse maintenant, sa femme n’eût pas fermé l’œil. Il se résolut à partir dès le lendemain matin pour le lac de Lob. Face au visage levé vers lui il n’eut pas à parler pour qu’Yvi sache qu’elle avait emporté la décision.

 

 

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