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Chapitre 5/8 : L'étoile

Chapitre 5/8 : L'étoile

Pubblicato 28 dic 2024 Aggiornato 28 dic 2024 Tale
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Chapitre 5/8 : L'étoile



« Regarde, dit la Rose, nous sommes dans un rêve…»


Ils étaient comme dans un cocon, fait d’un blanc coton, bercés par la respiration douce et régulière d’un dormeur et on aurait dit le flux et le reflux des vagues sur une plage déserte et tranquille du mois de mai. Ils oscillaient au sein de cet univers capitonné d’innocence, et leur vision se voilait quelquefois par des volutes d’une brume bleuâtre, rouleaux imaginaires que charriait une mer de sommeil, sillons frissonnants d’une terre qui s’ouvrait sous la volonté d’un soc dans le brouillard calme d’un matin d’hiver.


Un arbre se dressait tout droit et ses branches se perdaient en ramifications dans les plus hautes régions du rêve, comme s’il avait voulu en percer le firmament pour apparaitre enfin sous le soleil.


Il était seul. Mais survint bientôt un jeune nuage, élevé sous la mer, un nuage de lait qui se jouait des espaces aériens et semblait s’amuser.

« Etoile ? »

Le jeune nuage voguait dans la brume comme un courant sous l’eau.

« Etoile ? Ou es-tu ? Je vais t’attraper Etoile ! »


L’on vit soudain sortir de derrière nulle part une étoile, comme en dessine un enfant, une étoile de rêve.

« Je suis là ! Alors, tu m’attrapes ? »


Un joyeux éclat de rire les prit tous les deux et le nuage glissa vers l’étoile. Mais, alors qu’il frôlait l’arbre, une branche traitresse le heurta de plein fouet. La douleur fut telle qu’il s’accrocha encore plus aux bois et, comme l’animal prit dans un filet qui se débat et renforce les liens qui l’enserrent, il ne put bientôt plus sortir de ce piège inextricable que formait la ramure.


L’arbre, que la présence d’un tel hôte sur lui avait réveillé, essaya bien de faire quelques mouvements d’épaules pour s’en débarrasser mais en vain. L’étoile ne savait que faire. Si elle s’approchait trop, elle risquait de faire évaporer le nuage.


Voyant que son amie ne pouvait rien faire et que l’arbre, trop velléitaire, se déchargeait de toute responsabilité, le nuage se mit à pluie-rer, de chaudes larmes douces qui allaient néanmoins le faire mourir. Et, comme un danger n’arrive jamais seul, un nouveau danger se matérialisa dans l’inconscient du dormeur, empruntant les traits d’un crocodile nommé Crox. Quand il se rendit compte de la situation, il se mit à saliver d’impatience : c’était un crocodile de belle taille et il avait un fort appétit.

« La chair de cumulus est excellente à ce que l’on dit ! » annonça-t-il. Et il entreprit tout simplement de monter sur l’arbre. Les pluies du nuage redoublèrent. Conséquence inattendue : elles firent pousser l’arbre de plus balle et éloignèrent d’autant le prédateur de sa proie.

« Ah ça ! dit le crocodile, nous verrons lequel de nous deux aura le dernier mot ! »


L’étoile, comprenant que le nuage ne résisterait pas longtemps à un tel déluge lui cria qu’elle allait chercher de l’aide chez le Ver de ciel, Luisant, puis elle se mit à filer droite devant elle et devint bientôt un petit point minuscule, l’ombre d’elle-même.


Le Vieux et la rose assistaient au spectacle sans mot dire et cette partie du rêve s’effaça. La brume s’écarta alors sur une autre vision et c’était un ours en peluche qui pleurait lui aussi. Lui aussi était seul. Un autre rêve ? Un chagrin d’enfant ? L’étoile revint pourtant et s’approcha de l’ours.

« Que t’arrive-t-il donc pour avoir l’air si triste ? » demanda-t-elle.

L’ours hoqueta :

« J’ai mangé trop de flocons de neige et j’ai mal au ventre ! »

L’étoile, dans sa quête du Ver, ne put néanmoins l’ignorer : c’était une bonne étoile.

« Prends-moi dans tes bras et serre-moi fort contre toi », dit-elle.

L’ours essuya ses pleurs et prit l’étoile. Il sentit alors une douce chaleur le pénétrer et faire fondre les flocons de neige en lui. A son tour, il fondit, en remerciements, mais l’étoile ne l’entendait pas. Elle s’était trop affaiblie et comprenait qu’elle ne pourrait mener sa tâche à bien.

Que se passa-t-il dans la tête du dormeur ?


Pourquoi un ange rockeur arriva-t-il à ce moment sur sa mobylette de ciel à courants d’air avec deux ailes et aigle dans le dos ? En un instant l’étoile s’expliqua et Rocky sut ce qu’il devait faire. Il prit l’étoile sur son porte-bagage, salua une dernière fois l’ours en peluche et décolla du plus vite qu’il put.


Une respiration plus longue du dormeur liquéfia le rêve mais celui-ci réapparut bientôt sous la forme d’un arc-en-ciel. Pour aller chez Luisant, le Ver de Ciel, il suffisait de se laisser glisser sur ses sept couleurs, symbole de la réconciliation des Dieux.

« Je t’aime », lui dit-elle.

L’étoile, amoureuse du Ver…


Passion insensée du dormeur ? Amour fou, voué à une personne inaccessible ? Voué à l’échec ?

A présent, l’ange le Ver et l’étoile traversaient les espaces imaginaires qui les séparaient du nuage. Des champs inexistants s’étalaient sous leurs yeux, recouverts par des nappes d’une brume toujours aussi languissante.

« Arriver à temps » pensait l’étoile. Allait-elle être entendue par celui qui dormait là-bas et dont l’inconscient dictait le temps qui s’écoulait ?


Crox gagnait du terrain. Le nuage suait sang et eau et s’amenuisait dangereusement.  L’ange rockeur déposa le Ver sur l’arbre, laissa l’étoile sur place, et partir s’occuper personnellement du crocodile. Il eut d’ailleurs tôt fait de lui régler son compte car ses arguments étaient solides.

Le rêve ne dit pas comment le Ver parvint à porter secours et délivrer le malheureux nuage, désir secret et inavoué du dormeur sans doute…


A présent l’étoile rayonnait de joie et le crocodile pleurait. L’ange, qui n’était pas un mauvais diable, le consola en lui disant qu’après tout, un cumulus c’était beaucoup d’eau.

« Et puis, ajouta-t-il, si tu veux goûter à quelque chose de plus consistant, alors viens avec moi, je t’invite en concert.»


Qui l’eut cru ? Crox et Rocky étaient devenus des amis.


Un pétale de sable tourbillonna lentement au-dessus d’un corps endormi et se posa délicatement sur son sommeil. 

Etait-ce le sommeil d’un enfant ? Celui d’un adulte, dont l’inconscient  avait refusé de grandir ? Où était-ce le sommeil d’un poète dont la muse visitait ainsi les nuits ?



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